Pourquoi s'embêter à se déplacer pour voir son banquier quand on peut effectuer un virement ou commander sa nouvelle CB en ligne? Selon un article des Echos publié mardi, la Société générale envisage de fermer une agence physique sur cinq d'ici 2020. La direction justifie ce choix en soulignant que ses clients ne se rendent plus aux guichets pour leurs petites opérations bancaires, mais utilisent massivement Internet pour ce faire. Au mois de juin, le Journal du dimanche évoquait un chiffre (jugé exagéré par les syndicats) d'une suppression d'un guichet sur trois dans les cinq ans pour l'ensemble du secteur.

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Une évolution très nette des comportements

Seuls 17% d'entre nous vont dans leur agence une fois par mois au moins, selon des chiffres publiés en 2013 par la Fédération bancaire française. En 2007, nous étions 62%. En 2012, 83% des personnes qui ont un ordinateur avaient consulté leurs comptes sur Internet, indiquait une étude de TNS-Sofres pour la banque en ligne ING Direct. Régis Dos Santos, président du Syndicat national des banques et du crédit (SNB) refuse que "la banque subisse la même chose que les taxis avec Uber. Il faut qu'elle s'adapte à l'évolution des pratiques des clients".

"Nous attendons des fermetures massives"

En 2014, le secteur a perdu 0,9% de ses effectifs totaux, selon les chiffres de l'Association française des banques. Une tendance de fond qui se poursuit depuis trois ou quatre ans. De nombreuses banques ont décidé de baisser le rideau de certains de leurs guichets, mettent également en cause les "nouveaux usages" pour justifier ces choix. Difficile de dire combien ont fermé depuis l'apparition des opérations en ligne tant la politique des petits pas prévaut généralement.

"Jusqu'à présent, il y avait des fermetures d'agences sporadiques. Mais maintenant que la Société générale a brisé la digue, nous nous attendons à des fermetures massives", dénonce Sébastien Busiris, secrétaire fédéral de Force ouvrière Banques, qui souligne la perte du lien avec les clients. Contrairement au SNB, le syndicaliste FO estime que la numérisation des opérations bancaires est une excuse. "Il s'agit d'un mouvement inéluctable", estime de son côté Régis Dos Santos, qui se dit "prêt à accompagner le mouvement des fermetures d'agences".

Un lien "irremplaçable"

S'il faudra peut-être faire 10 kilomètres de plus pour aller dans une agence, les banquiers ne sont pas amenés à totalement disparaître. Difficile pour la plupart des clients de contracter un prêt ou une épargne retraite sans en parler en face-à-face.

"Toutes les études montrent que l'image de la banque est mauvaise. Mais, quand vous parlez aux gens de leur conseiller, ils ont confiance en lui. Ce lien est irremplaçable", souligne Régis Dos Santos. "Les banques sont en train de miser sur l'humain" tout en "s'adaptant aux changements de nos usages", note Olivier Mucci, directeur associé du cabinet de conseil spécialisé CSA Consulting.

Du temps perdu à accueillir les clients dans la banque

Les banquiers ne disparaîtraient donc pas complètement. Mais, certains postes sont réduits à peau de chagrin, dénoncent les syndicats. "Ce n'est pas systématique, mais la restriction du nombre de chargés d'accueil existe", confirme Olivier Mucci. Avant, c'était eux qui réglaient les petits virements, les demandes de cartes bancaires ou les dépôts de chèque. Tout ce qui peut maintenant se faire sur Internet ou à l'automate.

Et pourtant, les syndicats assurent que même si les clients viennent moins souvent en agences, la charge de travail, elle, reste la même: moins de guichets et une pression du chiffre accrue. Régis Dos Santos cite aussi le temps perdu à accueillir les clients dans la banque, maintenant que les postes de chargés d'accueil sont plus rares. "Aujourd'hui, pendant qu'on discute avec un client, on peut être interrompu toutes les dix minutes par un autre client qui arrive dans l'agence. On fait deux mécontents: le banquier et le client", dénonce le syndicaliste SNB.

Une dégradation des conditions de travail

Derrière le virage numérique, tous les syndicats dénoncent une dégradation cachée des conditions de travail. "Désormais, quand le client vient en agence, il faut lui vendre le maximum de produits", estime Régis Dos Santos. Parfois sans rapport avec des cartes bancaires, des chéquiers ou des assurances. Des banques proposent du conseil juridique, du leasing automobile, des abonnements à des sociétés privées de sécurité.

"Ce n'est pas sans lien avec les activités d'assurance", continue le syndicaliste. Et les ventes de smartphones? "Le client pourra utiliser l'application pour faire des virements sur son téléphone. Ce n'est pas totalement illogique, mais c'est tiré par les cheveux." "C'est en effet peut-être davantage un débat sur la façon d'exercer son métier de commercial, de conseiller, qui se pose", concède CSA Consulting. Et de savoir ce que sera le métier des banquiers de demain.

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