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A Saint-Denis, une association d’anciens élèves veut briser le fatalisme des lycéens

Réussir ses études quand on vient de banlieue n’est pas impossible : c’est ce que six étudiants veulent montrer, en aidant les élèves qui leur ont succédé au lycée Suger.

Par  (Dakar, correspondance)

Publié le 30 septembre 2015 à 20h12, modifié le 01 octobre 2015 à 10h00

Temps de Lecture 4 min.

Myriam, Neerashaa, David, Yannis et Thomas ont fondé l'association des anciens élèves du lycée Suger.

C’est « une bande de potes » du lycée Suger de Saint-Denis. Ils s’appellent David, Myriam, Thomas, Yannis, Neerashaa et Ali. Devenus étudiants modèles, ils ont intégré des grandes écoles, tissé un réseau solide et souhaitent désormais le partager avec des jeunes lycéens en proie aux difficultés scolaires. Un filet de secours qui prend la forme d’une association d’anciens élèves. Créée au mois d’août, leur jeune structure veut pallier le manque d’orientation en aidant les lycéens à trouver leur voie dans l’enseignement supérieur.

« C’est seulement en arrivant dans le monde post-bac, que j’ai découvert ce qu’était une grande école, explique David Cheean, 23 ans, président de l’association et étudiant en master à l’école de management de Grenoble. Personne ne m’en avait parlé avant dans mon lycée et c’était pareil pour mes camarades bacheliers. Nous nous sommes dit alors qu’il y avait quelque part une faille dans l’orientation et qu’il fallait y remédier à notre manière. »

La faute incombait-elle aux professeurs ? « Pas du tout, répond Thomas Vuibert, 21 ans, en troisième année de licence en sciences du vivant. Ils étaient débordés et faisaient déjà de leur mieux pour nous faire passer le bac. » David embraie : « Le problème c’est que dans de nombreux lycées de banlieue, le bac est un horizon indépassable. Les élèves s’estiment incapables de faire des études supérieures. A ce fatalisme, nous voulons opposer une prise de conscience. Montrer que l’horizon est ouvert, que chacun a un potentiel et qu’il suffit parfois d’un déclic pour réussir. »

« En banlieue, la première difficulté c’est l’autocensure »

Si les six compères endossent un rôle de modèle, traçant des parcours d’étude divergents mais semblables en qualité, ils n’aiment pas pour autant s’attarder sur leur réussite. « Nous ne sommes pas là pour faire la leçon aux jeunes, soutient Yannis Mindjou, qui avec ses 25 ans et son master d’éco-gestion, se présente lui-même comme le doyen de la bande. Nous voulons juste rendre la pareille. Offrir notre expertise d’ancien élève passé par les mêmes classes, les mêmes profs et les mêmes difficultés que ceux d’aujourd’hui. »

A Saint-Denis, la première difficulté à combattre « c’est l’autocensure », s’exclame David. « En venant de Suger quand je suis arrivé dans une grande école, je pensais que j’avais moins de capacités que les autres, ce qui s’est révélé faux. » A ses côtés, Myriam Cahouch, 23 ans, en master 2 à l’ENS de Cachan, renchérit :

« Notre environnement social a développé des complexes chez nous. Il y a sans doute plein de gens qui auraient pu s’accomplir dans de grandes études mais n’ont pas osé. Chaque année des talents sont ainsi précocement gâchés. »

Programme de parrainage

Pourtant, loin de se laisser intimider, ces « Sugériens », comme ils aiment à s’appeler, ont trouvé la parade à l’échec. « Notre réussite personnelle tient moins de notre environnement que de la pugnacité acquise à Suger, à force de combattre cette autocensure, défend David. C’est ce qui est le plus difficile à développer. Cette combativité nous permet de réussir partout. Mais encore faut-il savoir comment battre ce sentiment d’infériorité. »

Concrètement, l’association souhaite en premier lieu développer un programme de parrainage et de soutien scolaire afin d’aider une dizaine d’élèves du lycée à intégrer des formations sélectives. « A notre échelle, nous ne pouvons pas apporter un soutien sur la totalité de l’établissement, explique Thomas. Nous comptons donc sur les professeurs, la direction et surtout les anciens de Suger pour lever des fonds ou venir nous donner un coup de main en encadrant et conseillant les jeunes qui feront appel à nous. »

La direction de Suger, intéressée par cette nouvelle association, accueillera ses membres courant octobre. Ils présenteront notamment leur projet de collecte de livres et manuels scolaires, comme celui de bourse, dont les financements pourront être assurés par des fondations, les anciens du lycée et peut-être même l’établissement. « Nous avons bon espoir, s’enthousiasme David, car nous avons gardé de bons contacts avec les profs du lycée. »

Une « bonne blessure »

Les associations d’anciens élèves dans les lycées de Saint-Denis sont plutôt rares. Si Paul-Eluard, l’un des meilleurs lycées de la ville en possède une, la démarche des Sugériens est suffisamment novatrice pour attirer l’attention. Elle témoigne d’un véritable attachement à la vie lycéenne et « aux souvenirs mémorables » que les membres de l’association ont partagés. Si Myriam se rappelle surtout de son prof d’histoire-géo en terminale, « un homme formidable » qui lui « a permis de développer une pensée critique », Yannis, lui, a été touché avant tout par la proximité et le soutien entre enseignants et élèves qui perdure parfois bien après le baccalauréat.

Quant à David, il se rappelle d’« une bonne blessure ». Un professeur de mathématiques, quel que peu sévère, qui lui avait annoncé qu’il n’entrerait jamais dans une grande école. « Aujourd’hui, je reviens pour montrer que, oui, c’est possible d’y arriver malgré la difficulté et l’autocensure dont sont aussi victimes les lycéens comme les professeurs qui nous conseillent uniquement des formations peu sélectives, soutient-il. Avec notre association, nous voulons convaincre enseignants et élèves que venir de Saint-Denis, comme d’ailleurs, n’est pas une fatalité et qu’avec de la détermination et du soutien, on peut réussir partout. »

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