
L’Inde n’est pas prête à sacrifier son développement : dans sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique remise à l’ONU, le jeudi 1er octobre, le gouvernement de Modi s’est engagé sur une promesse, l’augmentation de la part des sources d’énergies propres à hauteur de 40 % de sa production d’électricité d’ici à 2030, plutôt que sur un objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette contribution devait être rendue publique le 2 octobre, le jour de l’anniversaire de la naissance du Mahatma Gandhi, connu pour son mode de vie frugal et ses plaidoyers pour la protection de la planète. Une manière pour l’Inde de s’inscrire dans sa lignée alors que son mode de développement en est aujourd’hui très éloigné.
S’il était encore en vie, Gandhi, qui défendait une « Inde des villages », serait effaré de découvrir que son pays connaît l’une des plus fortes croissances au monde, comprise entre 7 % et 8 %, et s’apprête à devenir un géant industriel et urbain qui accueillera dans ses villes 500 millions d’habitants supplémentaires d’ici à 2050. Les émissions indiennes de gaz à effet de serre ont augmenté de 67 % entre 1990 et 2012, et si rien n’est fait pour changer son modèle de développement, celles-ci devraient presque doubler d’ici à 2030. Dans sa contribution, l’Inde s’engage tout juste à réduire de 33 % à 35 % l’intensité carbone de son PIB d’ici à 2030, par rapport au niveau de 2005.
Acteur-clé
Troisième pollueur mondial, le pays est un acteur-clé du changement climatique. Il en est aussi l’une des principales victimes. Avec le réchauffement des températures, les précipitations pendant la mousson seront plus abondantes et de courte durée, mettant en danger la production agricole du pays, la fonte des glaciers de l’Himalaya aggravera les risques de crue dans la plaine du Gange, et les cyclones seront plus nombreux à balayer la côte est du pays. Les coûts du réchauffement seront sociaux, économiques et environnementaux. L’Inde évalue ces pertes à 1,8 % de son PIB annuel jusqu’en 2050. Dans sa contribution, elle considère aussi comme « inévitable et impérative » son « adaptation » aux conséquences du réchauffement climatique et appelle à une « action dès maintenant. »
Aujourd’hui, 300 millions d’Indiens vivent encore sans électricité. La pauvreté frappe près de un habitant sur cinq. Pour continuer à se développer tout en limitant ses émissions de gaz à effet de serre, New Delhi propose d’adopter des technologies propres à condition que les pays riches acceptent d’en faciliter le transfert, ce qui impliquera un effort financier important de leur part. L’Inde a devant elle une formidable opportunité : ses villes, ses réseaux de transports du futur, son développement, peuvent encore être conçus de façon à limiter la consommation d’énergie. Le pays évalue à 2 500 milliards de dollars l’ensemble des actions qui doivent être engagées en matière de climat.
Justice climatique
Il est toutefois difficile, pour l’Inde, d’échapper à ce constat : le pays sera bientôt le deuxième émetteur de gaz à effet de serre au monde, derrière la Chine. Mais New Delhi préfère retenir le niveau d’émissions par habitant, lequel est 10 fois inférieur à celui des Etats-Unis et 4 fois inférieur à celui de la Chine. Quand les négociateurs des pays développés s’alarment de l’augmentation des émissions indiennes, New Delhi les renvoie à leur responsabilité historique dans la situation actuelle.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, a insisté, vendredi 25 septembre, à la tribune des Nations unies, sur l’impératif de « justice climatique ». Les négociateurs indiens font remarquer que si les usines sont aussi nombreuses et polluantes en Inde ou en Chine, c’est pour répondre à la demande des pays riches. Un mode de vie critiqué pour son « consumérisme qui est à la racine du changement climatique », selon M. Modi. Une manière de rejeter à nouveau la responsabilité sur les pays développés et de citer au passage l’Inde comme un modèle en la matière. « Le recyclage généralisé à la maison était une tradition toute simple. C’était naturel », a déclaré le premier ministre indien en avril dernier, avant de suggérer d’éteindre les lampadaires de rue pour n’utiliser que le clair de lune comme éclairage.
Mais cette frugalité résistera-t-elle au développement ? Les mégapoles indiennes énergivores et parmi les plus polluées au monde n’en montrent pas le chemin. Leurs émissions de gaz à effet de serre sont seize fois plus importantes que dans les zones rurales.
Faute de s’engager sur une réduction de ses émissions, New Delhi multiplie les promesses. Un fonds d’adaptation national pour le changement climatique a été mis en place avec un financement d’environ 18 millions de dollars. Le gouvernement a annoncé vouloir multiplier par trente la production solaire d’énergie, à 100 000 mégawatts d’ici à 2022, un objectif jugé ambitieux par de nombreux experts. Même si cet horizon est atteint, 40 % de la consommation énergétique indienne dépendra encore du charbon en 2022.
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