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Libération
La chronique de Marcela Iacub

Michel Onfray : jusqu’à la folie Dieudonné ?

Puisqu’il n’arrive pas à se hisser parmi les grands penseurs de son temps, le philosophe s’est mis à la politique, utilisant les thèses de l’extrême droite pour être enfin entendu.
par Marcela Iacub
publié le 2 octobre 2015 à 19h16

Michel Onfray cherche-t-il à faire un clin d’œil à Marine Le Pen ? Ou serait-il, naïvement, bêtement, inconsciemment, en train de «faire le jeu» du Front national en se transformant en son «allié objectif» ? Voilà des questions fausses qui s’expliquent par une véritable méprise sur la nature du personnage. Il suffit de regarder ses livres - qu’il est fort difficile de qualifier de «sérieux», ou «de qualité» sans en rire - pour comprendre deux ou trois questions fondamentales. Puisque «Michel» ne se sent pas reconnu par le monde universitaire ni par celui de la «haute culture» en tant que philosophe, il s’obstine depuis plusieurs années à attaquer systématiquement de grands auteurs, afin de montrer qu’ils ne méritent pas la gloire dont ils jouissent. Qu’ils doivent celle-ci à leurs impostures, à leurs mensonges, à leurs falsifications. Ou à leurs privilèges de classe. Ou parce que ceux qui les ont adorés étaient eux-mêmes des tordus, des snobs, des salopards finis. Son identification délirante à Camus philosophe et sa haine farouche envers Sartre - qui l’avait d’ailleurs, à fort juste titre, méprisé - constituent d’excellents exemples. Et que dire de ses interminables diatribes contre Freud, Sade et même Kant ? Ces génies dont la seule existence révulse Onfray qui sait d’avance que, même en rêve, jamais cette qualité ne lui sera attribuée ?

C’est la véritable tragédie de ce personnage, qui estime que ceux qui lui préfèrent Freud, Sartre, Sade ou Kant se trompent. Mais il n’est pas à la hauteur et continue de cogner par désespoir, essayant de convaincre ses misérables lecteurs qu’il n’existe qu’un seul génie sur terre : lui.

Or, las de ces défaites, il s’est dit qu’il avait plus de chances en politique - car il faut bel et bien avouer que les génies n’y sont pas si nombreux. Ses déclarations récentes sont sans doute liées à ce type de nouveaux projets mégalomaniaques. Pourquoi ne deviendrait-il pas président de la République ? Qu’a-t-il en moins que Sarkozy, Hollande ou Valls ? Des nains comparés à lui, des débiles, se dit-il en se rasant chaque matin. N’est-ce pas pour cette raison qu’il a évoqué la candidature de Coluche avec tant d’admiration ? Ou bien celles de Simone Veil et de Robert Badinter dont il sait qu’ils n’ont aucune chance à cause de leur grand âge - sauf à aller gouverner une République de momies ?

S’il se sert des thèses chères à l’extrême droite, affirmées ou sous-entendues, ce n’est pas pour faire un clin d’œil à Marine, mais pour sa propre gloire politique. Parce qu’il sait que ces idées sont très populaires et qu’il a de fortes chances d’être entendu. Croit-il vraiment que la photo d’Aylan a été une manipulation ? Que le gouvernement s’intéresse davantage aux réfugiés qu’au peuple «old school», dont les filles et mères de famille sont contraintes de se prostituer pour manger des ravioles ou aller au cinéma ? Pas plus qu’à la sortie de l’euro ou la perte de souveraineté de la douce France.

S’il s’exprime de la sorte, c’est parce qu’il croit pouvoir gagner une audience importante et aller chasser sur les terres du Front. Quoi qu’il en soit, on peut déjà parier que cette nouvelle entreprise délirante représentera son chant du cygne. Non seulement parce qu’au fur et à mesure il sortira des choses de plus en plus aberrantes - en imaginant que le peuple aime ça et qu’on lui empêche d’entendre ce genre de discours. Mais aussi parce que lorsqu’il comprendra qu’il n’a aucune chance, il lui arrivera la même chose qu’à Dieudonné. Il accusera le système de ne pas lui avoir permis de réussir, il perdra l’estime des médias ainsi que celle de ses lecteurs. Il est fort probable qu’à ce moment-là, il louera un théâtre dans lequel il versera sa haine chaque soir, tout en proposant à Marine une alliance qu’elle-même refusera pour préserver sa «respectabilité».

Ainsi, au lieu de l’interroger respectueusement sur ses thèses fascistes, le système médiatique qui l’encense aurait intérêt à enfermer Onfray chez un psychanalyste.

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