
Feuilleton politico-judiciaire majeur du quinquennat Sarkozy, l’affaire Bettencourt, que l’on croyait terminé, est en fait loin de son épilogue. Dans la plus grande discrétion, le parquet de Paris a ouvert, le 6 juillet, une information judiciaire pour « subornation de témoin » visant implicitement la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt Meyers.
A la tête de la deuxième fortune française, celle-ci est désormais suspectée par un juge d’avoir fait pression afin d’obtenir, moyennant finances, le témoignage de cinq employés au service de sa mère, déjà poursuivis pour « faux témoignage ». Leurs déclarations, souvent confortées par des éléments matériels, avaient contribué à la tenue du procès pour « abus de faiblesse » qui s’est tenu en février, à Bordeaux, et permis la condamnation – prononcée le 28 mai – de sept prévenus.
Parmi ceux-ci, le photographe François-Marie Banier. Condamné à trois ans de prison, dont six mois avec sursis, 350 000 euros d’amende et 158 millions d’euros de dommages et intérêts (jugement dont il a fait appel) pour avoir profité abusivement de la fortune de Liliane Bettencourt, l’artiste estime depuis le début de l’affaire avoir été victime d’une cabale.
Selon lui, Françoise Bettencourt Meyers aurait été la tête pensante d’un complot destiné à faire « le ménage » dans l’entourage de sa mère. La manipulation se serait concrétisée par une série de témoignages – accablants pour M. Banier et d’autres personnages ayant gravité dans l’environnement de la vieille milliardaire – d’anciens employés de la maison Bettencourt.
Tour de passe-passe juridique
Pour obtenir de la justice d’enquêter sur des faits de « subornation de témoins » dont cette dernière aurait été l’auteure, M. Banier a convaincu juge Le Loire, fin 2014, de solliciter auprès du parquet de Paris la délivrance d’un réquisitoire supplétif – c’est-à-dire l’autorisation d’étendre son enquête à cette nouvelle incrimination. Le juge a mis en avant deux versements opérés par Françoise Bettencourt Meyers au profit de Claire Thibout, la comptable de Liliane, en difficulté financière après son départ de la maison Bettencourt : un don de 400 000 euros, fin 2008, puis, fin 2012, un prêt de 300 000 euros (dont la plus grande partie doit être remboursée en 2017).
Or, dans une ordonnance du 17 février, le parquet a refusé d’accorder au magistrat ce supplétif, rappelant au juge que ces faits ont déjà été examinés par la justice, qui avait de fait débouté à plusieurs reprises le photographe. M. Banier a donc redéposé plainte à Paris, en se constituant partie civile, pour contraindre le parquet à ouvrir une information judiciaire sur ces faits, chose faite depuis le 6 juillet. Ce tour de passe-passe juridique va permettre au juge Le Loire – logiquement saisi de cette nouvelle procédure, qu’il devrait joindre à celle ouverte pour faux témoignages – de lancer les poursuites pour subornation de témoin que le parquet lui refusait…
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