Pierre de Fenoÿl, photographe entre ciel et terre

Au château de Tours sont exposés jusqu'au 31 octobre une centaine de tirages du créateur de l'Agence Vu, qui retracent le voyage initiatique d'un artiste tiraillé entre protocole et liberté.

Par Sabrina Silamo

Publié le 04 octobre 2015 à 15h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h54

«Le photographe est un medium – du latin « medius » : celui qui est au milieu – il est entre le ciel et la terre ; c’est pour cela que la marche à pied est la seule école de photographie. » Deux ans avant sa mort, Pierre de Fenoÿl ne jure plus que par la nature, la marche et la recherche du sacré. Pourtant, entre 1970 et 1980, il créa l'agence Vu (dont William Klein est membre et qui deviendra l'agence Viva ensuite) puis la galerie Rencontre (où il expose notamment Brassaï et Boubat), dirigea la Fondation nationale de la photographie, devint conseiller auprès du Centre Pompidou…

Et si cet homme d’appareil avait toujours été guidé par les idéaux de mai 1968 ? Pour retracer son parcours, 110 tirages sont présentés sur deux étages du Château de Tours. Comme si l'escalier séparait les deux aspects de sa carrière, l'un protocolaire, l'autre spirituel. L'exposition débute avec les photographies de son voyage en Inde en 1969. Sont-ce les images d'Henri Cartier-Bresson dont il a classé les archives au sein de l'agence Magnum qui lui inspirèrent cette expédition, la série des calotypes prise au mitan du XIXe siècle par Maxime du Camp et Felix Teynard ou l'envie de suivre la route des fondateurs de la Beat Generation ?

Loin de l'instant décisif

Ses cadrages classiques où les personnages posent avec grâce, sont bien loin de l'instant décisif prôné par le célèbre photographe. Les salles suivantes donnent à voir les clichés de sa traversée des Etats-Unis en 1972, des hippies de Central Park aux familles noires de l'Alabama. Pierre de Fenoÿl immortalise les Américains mais, contrairement à Robert Frank, il enregistre sans chercher à dénoncer les inégalités sociales. De retour à Paris, il se met à déambuler dès l'aube dans les rues désertées, un Leica en bandoulière.

Aidé par un spécialiste des techniques anciennes, il travaille ses images jusqu'à les rendre aussi intemporelles que celles d'Atget. En 1984, il accepte une mission pour la Datar (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire) et se met à arpenter le Sud-Ouest. A travers champs et jardins, il poursuit son voyage initiatique recherchant « l'esprit des lieux, les traces de l'histoire autant que de l'apparition furtive d'un éden ou d'un jardin des délices », commente la commissaire Virginie Chardin. Résultat ? Des photographies qui délimitent une Arcadie surplombée de nuages, aussi aériens qu'oppressants. Et dans laquelle Pierre de Fenoÿl se représente parfois en ombre portée. L'apogée de cette exposition.

 

A voir :

« Pierre de Fenoÿl, une géographie imaginaire », jusqu’au 31 octobre. Jeu de Paume / Château de Tours, 25, avenue André-Malraux, Tours. Tél. : 02 47 21 61 95. www.tours.fr

Catalogue éd. Xavier Barral, 240 pages, 144 photographies N&B, 50 euros

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