Les relations de Bruxelles avec les cigarettiers contraires aux règles de l’ONU

Pour la médiatrice européenne, la Commission est trop opaque dans ses relations avec le lobbying du tabac. [CEO/Flickr]

La Commission ne respecte pas les règles de l’ONU en matière de transparence avec le lobbying de l’industrie du tabac, a révélé la médiatrice européenne. Une nouvelle découverte gênante pour l’exécutif, dans sa relation avec les grands cigarettiers.

La médiatrice européenne, Emily O’Reilly, a pointé du doigt les « faiblesses inhérentes » aux pratiques actuelles de la Commission en matière de transparence avec le lobbying de l’industrie du tabac. A l’exception de la DG Santé, l’approche de la Commission est « inappropriée, peu fiable et peu satisfaisante ».

Selon elle, l’exécutif européen enfreint les obligations énoncées en 2005 dans la Convention-cadre pour la lutte antitabac, de l’Organisation mondiale de la santé. La Commission Barroso, ébranlée par le scandale Dalli, était déjà trop opaque dans ses rencontres avec les lobbyistes de l’industrie du tabac.

En octobre 2012, le commissaire à la santé, John Dalli avait été poussé vers la sortie par l’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso. De fait, une enquête du bureau antifraude révélait qu’en échange de 60 millions d’euros, le commissaire était prêt à adoucir la directive sur le tabac.

>> Lire : Les liaisons dangereuses entre Bruxelles et les cigarettiers inquiètent

Emily O’Reilly, qui enquête sur des plaintes pour mauvaise administration déposées contre les institutions européennes, a appelé l’actuelle Commission, dirigée par Jean-Claude Juncker, à signaler chaque rencontre avec des lobbyistes du tabac et leurs avocats.

La médiatrice s’est rendu compte que certaines réunions avec des avocats représentant l’industrie du tabac n’étaient pas considérées comme du lobbying par la Commission.

Dans ses recommandations officielles, elle conseille au reste de l’exécutif de suivre l’exemple de la DG Santé, qui fait preuve d’une grande transparence. Seule cette Direction générale s’acquitte de ses obligations, a-t-elle affirmé.

Observatoire de l’Europe industrielle

La médiatrice a ouvert cette enquête suite à la plainte de l’Observatoire de l’Europe industrielle, une ONG qui accuse la Commission de ne pas respecter les règles de transparence de l’OMS relatives à l’industrie du tabac.

La convention-cadre pour la lutte antitabac de 2005 exige pourtant que les signataires, dont l’UE, soient responsables et transparents.

La Commission considère quant à elle qu’en répondant à la demande d’accès aux documents et en répondant aux questions des membres du Parlement européen, elle a rempli ses obligations. Arguments auxquels Emily O’Reilly s’oppose.

La médiatrice conclut son enquête en demandant à la Commission de prendre des mesures actives pour limiter ses échanges avec les cigarettiers et pour que ces rencontres soient plus transparentes.

>> Lire : Bruxelles et les cigarettiers se rencontrent en catimini

« La Commission européenne a une responsabilité particulière dans son rôle d’initiatrice de la législation européenne. Elle doit s’assurer que l’élaboration de politiques de santé soit aussi transparente que possible. La Commission Juncker pourrait ainsi devenir numéro un mondial dans le domaine de la promotion de la santé publique », a-t-elle estimé. 

L’exécutif a jusqu’au 31 décembre pour expliquer comment il mettra en œuvre les recommandations de la médiatrice. S’il choisit de les ignorer, la médiatrice peut clore l’enquête avec un rapport accablant.

La Commission, qui gère un portail en ligne et un registre de transparence, vient d’être interrogée sur le sujet. L’Observatoire de l’Europe industrielle a également été contacté. 

Le médiateur européen procède à des enquêtes sur des plaintes pour mauvaise administration déposées contre des institutions et organes de l’UE.Tout citoyen de l’UE, résident, entreprise ou association établi dans un État membre peut introduire une plainte auprès du médiateur.

Emily O’Reilly a ouvert cette enquête suite à la plainte de l’Observatoire de l’Europe industrielle, une ONG qui accuse la Commission de ne pas respecter les règles de transparence de l’OMS relatives à l’industrie du tabac.

En octobre 2012, le commissaire à la santé, John Dalli, a démissionné suite à une enquête du bureau antifraude (OLAF) révélant un trafic d’influence avec l’industrie du tabac.

Le rapport de l’OLAF révélait qu’un lobbyiste maltais avait rencontré le producteur de tabac Swedish Match et proposé de tirer profit de ses contacts avec John Dalli pour annuler l’interdiction d’exportation de l’UE de tabac à priser.

Selon le rapport, M. Dalli n’était pas impliqué, mais était au courant des événements. John Dalli a rejeté les découvertes de l’OLAF, déclarant n’avoir jamais été au courant de ce qui se tramer. 

  • 31 décembre : délai de réponse de la Commission à l’enquête de la médiatrice

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