France 2 célèbre les vertus du réchauffement climatique

Par Samuel Gontier

Publié le 02 octobre 2015 à 18h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h54

«Une question qui peut sembler un peu provocante, prévient David Pujadas : les changements climatiques sont-ils forcément une malédiction ? » On a vu que, pour Philippe Verdier, chef du service météo de France Télévisions, c’est plutôt une bénédiction. « Vous allez voir que le réchauffement ouvre des perspectives », confirme le présentateur le jour même de la sortie du livre Climat investigation, où le monsieur météo de France 2 énumère « les avantages considérables du réchauffement pour notre économie et notre société », faisant preuve d’un optimisme que j'estimais suspect…

« Qui l’eût cru ?, s’étonne David Pujadas lui-même. On commence à installer des fermes et à cultiver l’avoine au Groenland. » Sans déconner ? Je m’étais vraiment trompé. « C’est une nouvelle ère qui commence pour l’agriculture et pour l’économie. » J’étais trop perméable aux discours alarmistes matraqués par les lobbies du « réchauffisme » et ses représentants « politisés, manipulés », vautrés dans des « scandales sexuels ». Heureusement, le reportage de France 2 vient rétablir la vérité.

« Difficile à croire mais, par sa taille, 1 500 habitants, ce petit village de pêcheurs est la huitième ville du Groenland, attaque le reporter à Narsaq. Une ville où le réchauffement climatique se mesure jour après jour à vue d’œil. » Un habitant explique qu’il ne peut plus se déplacer en 4x4 sur la banquise hivernale et que désormais « tout se fait en bateau ». Trop cool ! Si, selon Philippe Verdier, la France bénéficiera bientôt d'« une ambiance de vacances » de janvier à décembre, le Groenland jouit déjà d’une ambiance « La croisière s’amuse » tout au long de l’année.

« Difficile à croire, répète le reporter incrédule, et pourtant la température augmente ici trois fois plus vite que sous nos latitudes : un degré plus en trente ans ! » Est-ce vraiment suffisant ? « Ce réchauffement n’est-il qu’une malédiction pour ce territoire ou pourrait-il devenir contre toute attente une opportunité ? » Et quand donc les Groenlandais pourront-ils bénéficier du « mode de vie ibérique » vanté par Philippe Verdier ? « Ceux qui en attendent le plus sont les agriculteurs, comme cette fermière d’origine française, rapporte l’envoyé spécial. Une fermière dont les poules ont de moins en moins froid. » C’est génial ! Le réchauffement contribue au bien-être animal ! Ce dont Philippe Verdier se félicitait pour les humains — « la chaleur contribue à notre épanouissement, augmente la convivialité » — vaut aussi pour les gallinacés.

« Surveiller la température ne sera peut-être bientôt plus un problème. » Sauf pour se prémunir des canicules. « Dans ses champs, le couple cultive déjà de l’avoine. » En attendant la vigne. « Et dans son potager, de plus en plus de légumes qu’il aurait été impensable de faire pousser il y a quelques années. » L’agricultrice détaille : « On peut faire des salades, des pommes de terre, des navets, des oignons, des brocolis, des choux… » Excellent ! Le Groenland est sur la voie de l’autosuffisance alimentaire, un des credo des écolos — qui vont bien être obligés de reconnaître les riches « opportunités » du réchauffement.

« L’arrivée de ces conditions plus clémentes favorise l’essor d’une toute autre activité », poursuit le reporter. « On a rénové cette petite maison pour accueillir des touristes l’été », montre l’agricultrice. « Avec la montée des températures estivales, les touristes sont chaque année plus nombreux. » Encore un formidable atout pour le développement économique du Cercle arctique, de la même manière que le réchauffement permet chez nous « le faramineux développement du marché de la piscine individuelle » loué par Philippe Verdier.

« Ce que les gens apprécient, c’est d’être dans une nature complètement vierge. » Et puis ce sera rafraîchissant d’y séjourner quelques journées quand Lille aura le climat de Séville. D’autant que, « dans cette région, le spectacle de la nature s’annonce de plus en plus majestueux » grâce à la prolifération des lauriers-roses et des bougainvilliers. Et il n’y a pas que dans cette région : quand les dunes auront remplacés les volcans, les touristes du monde entier viendront faire la majestueuse traversée du Massif central en méhari.

Le reporter accompagne des Groenlandais « au pied de cette montagne. Dans chacune des boîtes qu’ils transportent, une cinquantaine d’arbustes, comme ces épicéas qu’ils sont venus planter ». C’est parfait, ils n’auront même plus à importer de sapins de Noël ! « Ici, la forêt fait son grand retour. Des arbres qui avaient totalement disparu du Groenland lors de la dernière glaciation il y a 400 000 ans, auxquels le réchauffement climatique contre toute attente donne aujourd’hui une seconde chance. » Comme quoi le réchauffement favorise la biodiversité.

On est loin de la « sixième extinction » annoncée par les Khmers verts, comme on appelle les écolos dans Valeurs actuelles, qui publie cette semaine une interview de Philippe Verdier, dont le livre est publié par un éditeur (Geoffroy Lejeune) également rédacteur en chef à l’hebdomadaire. En revanche, c'est sur la seule qualité des arguments scientifiques du présentateur de la météo que s’est fondé Marianne pour publier un extrait de son enquête. On voit au passage combien son combat est fédérateur : il est capable d’y associer Marianne et Valeurs actuelles.

« La croissance des arbres a vraiment explosé, ils se portent de mieux en mieux », se réjouit le chef d’équipe des agents forestiers. Bientôt, les Groenlandais pourront boire le pastis sous des pins parasols en écoutant chanter les cigales. « Désormais, le rêve de voir cette végétation recouvrir tout le Sud du Groenland est presque à portée de main. » Ne reste plus qu’à ajouter quelques canons à neige pour pouvoir skier l’hiver. Et à attendre que la France se réchauffe pour qu’un autre rêve écolo soit à portée de main, celui de voir l’Hexagone se couvrir de palmiers à huile, ce qui évitera la déforestation de l’Indonésie et assurera la stabilité le prix du pot de Nutella, dont Philippe Verdier craint à juste titre qu’il souffre du réchauffement climatique.

« Le Groenland pourrait bientôt se heurter à d’autres ambitions beaucoup moins vertes, poursuit le reporter. Sur ce chemin montagneux, un homme veut nous parler d’un grand projet qui pourrait bientôt rapporter gros à l’économie locale. » En plus de l’agriculture et du tourisme ? Le Groenland va devenir plus attractif que le Qatar ! « A quelques kilomètres de Narsaq, la disparition des glaces sur ces sommets a mis au jour des ressources gigantesques et, pour cet homme, il suffit désormais de se pencher pour les ramasser. » C’est trop facile.

« Ça, c’est le minerai du futur, assure le représentant d’une compagnie minière. Pour toutes les technologies vertes, on utilise les éléments rares qu’il contient : pour les voitures hybrides, les batteries, dans les ordinateurs, les téléphones… Tous les gens qui ont un smartphone dans leur poche ont besoin de ces éléments rares. » Or, nous sommes terriblement dépendants de la Chine, premier producteur au monde de « terres rares ». Ce gisement situé dans un pays de l’Union européenne (le Groenland appartient au Danemark) va nous permettre de sécuriser nos approvisionnements.

« Un gisement prometteur que cette compagnie minière espère exploiter avant l’année 2020. » « On va construire un nouveau port, là, montre le géologue. Avec le réchauffement climatique, avec toutes ces zones d’où la glace disparaît, ça va devenir beaucoup plus simple d’accéder aux minéraux qui sont encore sous la glace. » Encore une bonne nouvelle ! Imaginez tous les minerais que nous pourrons exploiter sans nous fatiguer quand les derniers glaciers des Pyrénées et des Alpes auront fondu : la France va devenir un nouvel Eldorado.

« Cette mine écrira-t-elle vraiment le futur de Narsaq ?, interroge le reporter. Certains [des Khmers verts, ndlr] redoutent son impact sur l’environnement. » Impossible, puisque la mine servira au développement de « technologies vertes » !

« Ils craignent que son arrivée remette en cause toutes les activités traditionnelles, la pêche et la chasse au phoque, qui deviendraient alors les grandes perdantes du réchauffement climatique du Sud du Groenland. » Ils ne vont quand même pas nous faire croire que les chasseurs-cueilleurs constituent l’avenir de l’humanité ! Ils n’ont pas lu le livre de Philippe Verdier ? Ou alors, ils n’ont pas encore la télé. Il faudra penser à leur vendre un EPR pour leur fournir de l’électricité « vertueuse » et même « exemplaire », comme le souligne judicieusement le monsieur météo de France 2.

Ma vie au poste, le blog de Samuel Gontier
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