Tchernobyl : Le risque d’un « feu de forêt nucléaire » causé par les feuilles mortes

 Les feuilles mortes qui tombent des arbres irradiés pendant la catastrophe de 1986 ne se décomposeraient pas normalement. Au contraire, elles s’accumuleraient de manière inhabituelle dans la zone depuis près trois décennies, faisant craindre aux auteurs d’une récente étude parue dans la revue scientifique Oecologia un catastrophique « feu de forêt nucléaire ».

(photo Benoît Jacquelin/8e étage)
(photo Benoît Jacquelin/8e étage)

Administrée par le Ministère des Situations d’urgences d’Ukraine depuis la dissolution de l’URSS en 1991, la zone d’exclusion de Tchernobyl (aussi connue sous le nom de zone d’aliénation) couvre une superficie de 2 600 km2. Officiellement ouverte aux touristes depuis 2011, elle a toujours représenté un sujet d’étude fascinant pour la communauté scientifique. Car oui, vingt-huit ans après l’explosion ayant eu lieu au niveau du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, les conséquences sur la nature se font toujours autant sentir.

Ainsi, dans le passé, de multiples anomalies comportementales et/ou génétiques ont pu y être observées chez les animaux. On sait maintenant par exemple que les insectes ont largement déserté la zone et que les oiseaux, eux, y naissent parfois avec des becs déformés ou des cerveaux de taille réduite. Mais dernièrement, ce sont les arbres, et tout particulièrement « l’accumulation de litière de feuilles au fil du temps », qui causent du souci aux observateurs de la zone.

En effet, à en croire une étude parue dans la revue Oecologia, les feuilles des arbres situées dans la zone contaminée — et notamment dans la tristement célèbre Forêt rousse — ne se décomposeraient pas correctement. En cause, la disparition des micro-organismes (microbes, bactéries, champignons, vers, etc.), mieux connus sous le nom de décomposeurs, qui remplissent un rôle essentiel dans la désagrégation des feuilles mortes.

Pour tester leur hypothèse, les auteurs de l’étude ont laissé à l’abandon pendant un an, de 2007 à 2008, 600 sacs remplis de feuilles mortes dans la zone d’aliénation. Lorsqu’ils les ont ouverts, ils ont pu constater que si dans les zones peu ou pas irradiées 70 à 90% des feuilles s’étaient décomposées, seulement environ 40% d’entre elles s’étaient désagrégées dans les zones très irradiées.

Un phénomène étrange qui pourrait même s’avérer particulièrement dangereux. Dans une interview accordée au Smithsonian magazine, Timothy Mousseau, l’un des auteurs de l’étude, confie avoir très peur qu’un « incendie catastrophique ne puisse s’y déclarer dans les prochaines années ».

Cette éventualité a de quoi faire froid dans le dos, comme le fait justement remarquer un récent article paru sur le site Internet de Vice Motherboard. Et pour cause, cela fait maintenant trois décennies que les arbres — qui recouvrent près de deux tiers de la zone d’exclusion — absorbent massivement des radionucléides de type strontium 90 ou cesium 137. Si d’aventure un feu de forêt s’y déclarait, ces radionucléides, très dangereux pour l’homme en grande quantité, risqueraient d’être libérés dans l’atmosphère sous forme de microparticules facilement transportables sur plusieurs dizaines de kilomètres par les vents. En somme, si personne ne remédie à cette situation, le spectre d’un nouveau nuage de Tchernobyl pourrait bientôt planer au dessus de nos têtes.

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