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Désintox

Non, les réfugiés ne sont pas prioritaires pour les HLM en Ile-de-France

Valérie Pécresse dénonce le vote par le conseil régional francilien d'une délibération qui favorise les réfugiés dans l'attribution de logements sociaux.
Valérie Pécreesse, lors d'un meeting le 11 mai à Les-Pavillons-sous-Bois, près de Paris. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 6 octobre 2015 à 10h48

INTOX. L'afflux de réfugiés donne de l'intox à moudre à la droite, qui n'hésite pas à brandir le fantasme des sans-papiers privilégiés par rapport aux Français. En tête de ces «hoax», l'attribution en urgence de logements sociaux aux migrants – au détriment des Français. Le Front national évoquait – à tort – la bagatelle de 77 000 logements sociaux en cours d'attribution. Valérie Pécresse, candidate à la région Ile-de-France récupère l'argument à l'échelle régionale. Au micro de France Inter, le 1er octobre, la députée et conseillère régionale LR s'est emballée :

«Il se trouve que la semaine dernière, au conseil régional, la gauche régionale a fait passer une délibération qui s'appelait "réfugiés migrants". Et cette délibération "réfugiés migrants" proposait que les logements sociaux de la région Ile-de-France puissent être attribués, en priorité, à des réfugiés et des migrants qui le demanderaient. Moi j'ai pris une position très ferme, de principe, qui consiste à dire "oui" à l'hébergement des réfugiés, notamment des réfugiés politiques, des réfugiés de guerre, oui à l'hébergement mais non à un droit prioritaire au logement pour des réfugiés alors qu'il y a des Franciliens qui attendent des logements sociaux depuis des années.»

DESINTOX. La région a bien voté un plan d'urgence pour l'accueil des réfugiés lors du conseil du 24 septembre. Il contient plusieurs mesures, dont celle-ci, qu'on imagine être l'objet du courroux de Valérie Pécresse. Alors qu'une récente convention prévoit que le reliquat de logements sociaux réservés aux agents régionaux soit confié à l'Etat, la région suggère que les réfugiés puissent en bénéficier. Selon cette dernière, il s'agit d'une centaine de places. 350 logements selon le préfet.

Initialement, la convention en question entre l'Etat et la région précise le profil du public bénéficiaire : les ménages reconnus prioritaires, en situation d'urgence, dans le cadre d'une procédure de droit au logement opposable (Dalo), les ménages défavorisés, les ménages en situation régulière menacés d'expulsion, les femmes victimes de violences conjugales ou encore les jeunes sortant de résidences sociales.

Les réfugiés viendront-ils s'ajouter à ces publics ? De manière prioritaire ? La délibération ne dit rien de tel. Elle prend même un soin ostensible à préciser : «Le plan d'urgence proposé s'inscrit en sus des politiques d'hébergement et d'action sociale de droit commun, et cela tout particulièrement à l'approche de la campagne d'hiver. D'autre part, il n'impacte en rien le régime normal d'attribution des logements locatifs sociaux» et rajoute une couche : «L'objectif de l'Etat est d'éviter tout phénomène de concurrence entre publics prioritaires dans l'accès au logement social.»

Et de fait, l'Etat veillera tellement à éviter la concurrence entre les publics que Jean-François Carenco, préfet d'Ile-de-France, interrogé par LibéDésintox affirme que les réfugiés ne bénéficieront pas de ce reliquat de logements sociaux : «Je n'y mettrai que du public Dalo, en Ile-de-France on manque déjà de places pour ce public.» Bref, pas de réfugiés.

Et s'il sera bien question de permettre à des réfugiés d'accéder à des HLM, ce sera en province. Certains Syriens, Irakiens ou Erythréens (dits «réfugiés communautaires» par le préfet) vont pouvoir sauter la case «demande d'asile» pour accéder directement au statut de réfugié. Ils pourront alors candidater à des logements sociaux, mais dans un dispositif de droit commun, et sans aucun passe-droit. La préfecture et la Délégation interministérielle à l'hébergement et l'accès au logement (Dihal) vont les dispatcher vers les villes où il y a beaucoup de logements sociaux vacants. Et le préfet de citer les «zones détendues» comme Montauban ou Chambéry. En aucun cas, il n'est question d'attribuer en priorité des logements sociaux aux migrants et de léser les Français candidats depuis des années. Et encore moins en Ile-de-France.

Dans un passage non cité par Valérie Pécresse, la fameuse délibération du conseil régional ne disait pas autre chose : «L'essentiel des demandes est fléché vers le patrimoine de logements locatifs sociaux disponible dans les zones détendues, hors Ile-de-France. Une attention particulière sera portée par tous les acteurs afin qu'aucun phénomène d'éviction ne résulte de l'accueil d'urgence.»

Enfin, en attendant ces orientations vers la province, un recensement des places d’hébergement de tourisme disponibles dans les bases de loisirs comme celle de Cergy est en cours : des réfugiés communautaires vont y être ou sont déjà logés, mais dans le cadre d’un dispositif d’hébergement d’urgence. Bref, rien qui ne valide, là encore, l’affirmation de Valérie Pécresse d’une préférence étrangère dans l’attribution de HLM.

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