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    L'intérêt (calculé) de l'extrême droite pour la cause animale

    Depuis quelques années, certains réseaux d'extrême droite et de défense des animaux (Fondation Bardot, Cause Animale du Nord...) se confondent, malgré les démentis des associations concernées. Enquête.

    De nombreuses personnes ont été choquées après la diffusion d'une vidéo montrant le président de l'association Cause Animale Nord Antony Blanchard agresser un sans-abri roumain puis voler son chiot le 19 septembre. L'activiste assure que l'animal était drogué et une procédure judiciaire a été ouverte contre lui.

    Cette histoire pourrait être un simple fait divers: un SDF victime d'un défenseur de la cause animale se prenant pour Zorro. Mais s'intéresser d'un peu plus près à cette association permet de découvrir la forte présence de l'extrême droite dans des réseaux associatifs de défense des animaux.

    Capture écran de la vidéo lorsque Antony Blanchard vole le chien du SFF.

    Pour se défendre, Antony Blanchard (qui n'a pas donné suite à nos appels) a mis en avant le trafic d'animaux par les sans-abris, mais a aussi et surtout tenu des propos clairement anti-roms. Interrogé par metronews, il a par exemple déclaré:

    «C'est un fait que les Roms droguent leurs animaux et les vendent sur le trottoir. Certains mangent des chats».

    Le 8 janvier 2013, il publiait également une lettre ouverte au président de la République sur son compte Facebook (supprimée depuis) et s'en prenait de façon pour le moins virulente aux immigrés et aux Roms:

    «Apparemment la France préfère reverser les sommes reçues des contribuables français aux immigrés! Retraite pour les étrangers de plus de 60 ans sans justificatif, créations de villages luxueux pour les roms, accès gratuit aux transports en commun pour les roms. Et qui paie cela? Les contribuables français! J'ai honte de la France et honte d'être français».

    Et ces propos tenus par le président de Cause Animale Nord ne sont pas la seule chose qui le lie à l'extrême droite. Cette association a, à plusieurs reprises, été épinglée par des mouvements antifascistes. En cause notamment, une amitié controversée entre Anthony Blanchard et Nathalie K. une autre activiste connue parmi les défenseurs des animaux.

    Une militante proche des néo-nazis à la SPA

    Cette dernière est aussi une militante connue des milieux d'extrême droite. Comme le rappelle le collectif antifasciste Les Enragés, Nathalie K. a été membre de Troisième Voie, une organisation nationaliste révolutionnaire créée par le leader d'extrême droite Serge Ayoub et dissoute après la mort de Clément Méric. Elle a également participé aux actions de ce groupuscule néonazi au sein de sa Section Défense Animale (SDA). Le site Les Enragés précise:

    «Nathalie K. avait défilé l’année dernière aux côtés de Section Défense Animale, groupe de protection animale crée par 3ème Voie avec Katya Veloso et Esteban Murillo, le meurtrier de Clément Méric».

    Membre d'un groupuscule ultra-violent, cette militante a côtoyé l'une des plus grandes associations de défense des animaux, la SPA. Comme le prouve ce document ci-contre, elle s'est même présentée à des élections internes de 2013 pour entrer au conseil d'administration avant de finalement céder sa place à quelques jours du scrutin.

    Contactée, la SPA ne souhaite pas vraiment s'attarder sur le sujet, mais confirme par mail qu'elle était bien adhérente entre 2012 et 2013 et qu'elle a été candidate aux élections internes. L'association tient à préciser qu'elle est «apolitique évidemment, car sa mission est d’abord de défendre la cause animale». «Nous n’avons remarqué aucun intérêt particulier de l’extrême droite envers notre cause et notre association», ajoute-t-elle.

    En plus de Nathalie K, des cadres d'autres associations comme Animaux en Péril ou ALF-le film sont régulièrement accusés d'entretenir une proximité particulière avec le milieu fasciste.

    Bardot et l'extrême droite, une histoire d'amour

    Lorsque l'on déroule le fil, on s'aperçoit que cette même Nathalie K. a été membre de la fondation de Brigitte Bardot (FBB). Et cette fondation, qui est l'une des plus active dans la lutte contre la violence animale, cache de moins en moins ses liens avec l'extrême droite.

    En 2011 par exemple, le porte-parole de la fondation créée par la célèbre actrice avait décidé de donner une interview au site proche de l'extrême droite Novopress, immédiatement reprise par le groupuscule islamophobe Bloc identitaire. Il évoquait l'un des sujets préférés du Front national: une campagne de dénonciation de l’abattage halal.

    Ce penchant politique ne date pas d'hier et semble être né d'un engagement personnel de l'actrice, lorsqu'elle s'est mariée en 1993 avec Bernard d'Ormale, conseiller de Jean-Marie Le Pen. Si l'actrice soutient publiquement Catherine Megret, candidate FN à la mairie de Vitrolles (Bouches-du-Rhône) en 1997, il faut attendre 2012 pour que Brigitte Bardot embrasse officiellement ce parti. Dans une interview à Nice Matin, elle expliquait pourquoi il faut selon elle voter Marine Le Pen:

    «C’est l’unique manière qu’on a de sortir du b... dans lequel on se trimballe depuis des années... Elle est la seule à dénoncer avec force et courage la situation. Elle ne gagnera peut-être pas cette fois, mais ce sera pour plus tard car on va s’enfoncer dans un déluge de détresse».

    Brigitte Bardot a également été condamnée cinq fois pour «incitation à la haine raciale» contre les musulmans. La campagne de la Fondation Brigitte Bardot lancée contre «l'abattage rituel» avait même été interdite en 2010 par l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) considérant qu’elle était de nature à «ridiculiser ou choquer».


    La fondation Bardot et les anciens du GUD


    Officiellement, la fondation récuse toute proximité avec l'extrême droite et met en avant sa «ligne apolitique» en précisant d'ailleurs que son conseil d’administration compte parmi ses membres des représentants des ministères de l’Agriculture, de l’Ecologie et de l’Intérieur. Cela n'empêche pas Brigitte Bardot de vanter les mérites du parti de Marine Le Pen et d'ouvrir ses bras aux militants ou responsables d'extrême droite.






    Officieusement, au delà des idées politiques personnelles de Brigitte Bardot, la fondation elle-même travaille avec des figures extrémistes. La direction de la FBB a en effet confié plusieurs de ses campagnes à l'agence de communication Riwal. Fondée et dirigée par des anciens du GUD, mouvement étudiant d'extrême droite radicale des années 1990, cette agence est dirigée par Frédéric Chatillon, un proche de Marine Le Pen mis en examen dans le cadre du financement illégal de la campagne 2012 du FN.


    Enfin, quand on creuse encore davantage, on s'aperçoit du lien très étroit entretenu entre le FBB et Paul Watson, fondateur de l'ONG maritime Sea Shepherd. Héros pour les uns, cet homme a également fait polémique en tenant des discours jugés anti-immigration. S'appuyant sur la célèbre thèse malthusienne, qui préconise la restriction volontaire de la natalité, Paul Watson souhaite par exemple n’autoriser la reproduction «qu’aux personnes pouvant prouver leur capacité à subvenir financièrement et pédagogiquement aux besoins de leur progéniture». Dans un de ses discours, on retrouve des arguments chers au Front national:

    «Chaque année près de 3 millions de personnes s’ajoutent à la population des États-Unis et la plupart viennent de l’immigration. En fait, tout ce que nous préconisons est que le nombre d’immigrants doit être réduit à des niveaux faibles pour obtenir une stabilisation de la population. Par le seul taux de natalité aux Etats-Unis, vous n’aurez pas une telle augmentation. L’immigration est la seule responsable».


    «L'orientation politique ne guide pas nos choix»

    Contacté, le porte-parole de la fondation Christophe Marie jure que «la seule politique de la Fondation Brigitte Bardot, reconnue d’utilité publique, est statutairement de défendre l’animal sauvage et domestique». S'agissant de l'activiste proche des néo-nazis Nathalie K., la fondation assure qu'elle a été exclue:

    «La militante dont vous parlez était effectivement enquêtrice bénévole à la Fondation Brigitte Bardot (et autres associations) jusqu’à ce que nous ayons eu connaissance de son implication dans des mouvements d’extrême droite. Notre avocat lui a alors immédiatement signifié sa radiation».

    Il explique aussi avoir accepté de répondre aux questions du site Novopress, parce qu'il n’avait «jamais entendu parler de ce média». Enfin, s'il confirme travailler avec la société de Frédéric Chatillon, il persiste à dire que cela n'a pas de rapport avec le pedigree politique du personnage et assume cette collaboration:

    «Le choix de l’agence (Riwal, ndlr) a simplement été dicté par sa situation géographique (juste en face de notre Fondation) et par son savoir-faire. Les orientations (politiques, sexuelles…) de nos prestataires extérieurs ne guident pas nos choix».

    Si l'on ne peut évidemment pas associer toute la cause animale à l'extrême droite, comment expliquer qu'elle soit aussi présente? Quelques pistes se dégagent pour expliquer cette proximité.


    La protection animale née sous la législation nazie

    Marco Bertolini, journaliste belge pour le site myeurop et spécialiste de l'extrême droite européenne, posait le même constat en 2012:

    «Du Parti pour la Liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas à la Ligue du Nord en Italie, en passant par le Vlaams Belang en Belgique ou les Sverigedemokraterna, les "nationaux-démocrates" suédois, c’est toute la droite radicale - voire néo-nazie - européenne qui se préoccupe du sort des animaux».

    Il livrait ensuite quelques éléments historiques en rappelant le débat existant autour de l'instigateur des premières lois en faveur des animaux. Certains, comme le philosophe Luc Ferry, attribuaient cette responsabilité à Hitler, mais selon Marco Bertolini, le régime nazi a surtout récupéré à son compte cette cause:

    «Alors que Ferry présente cette loi (sur la protection animale promulguée le 24 novembre 1933, ndlr) comme émanant d’Adolf Hitler "qui en faisait une affaire personnelle", l’historienne (Élisabeth Hardouin-Fugier, ndlr) rappelle qu’en réalité, les nazis ont simplement repris à leur compte un travail législatif antérieur, effectué par l’ensemble des sociétés de protection animale sous la coordination du juriste Fritz Korn. Hitler, à son habitude, a signé la loi après en avoir lu un bref résumé (...)

    La propagande de Goebels se charge ensuite de présenter ces travaux comme "une preuve du haut degré de civilisation de l’Allemagne nazie", selon le mot de Heinrich Himmler, lui-même ancien éleveur de poulets en batteries…»


    La récupération du FN à des fins islamophobes

    Depuis quelques années en France, le Front national a également mis en avant son souci de lutter contre la souffrance animale. Sauf que le combat de ce parti en la matière porte presque exclusivement sur l'abattage rituel, pour dénoncer plus particulièrement cette pratique musulmane. Du dentifrice halal aux plats de substitution dans les cantines, le parti profite de toutes les polémiques pour attaquer l'islam. Mais qu'en est-il des autres combats pour la cause animale? Voici quelques exemples:

    - Les eurodéputés FN ont été les seuls français à voter contre la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) qui visait à protéger les espèces de faune et de flore menacées.

    - Marine Le Pen soutient la chasse et propose «le renouveau d’une chasse populaire».

    - Les eurodéputés FN ont également voté contre l'interdiction du chalutage profond, décrié par les associations de défense des animaux.

    - Le FN ne cesse enfin de soutenir plus ou moins directement les corridas.


    «Instrumentalisation de l’amour des animaux»

    Si Brigitte Bardot appelle à voter Marine Le Pen et si de nombreux militants défendent la cause animale, les décisions politiques des frontistes sont donc loin d'être cohérentes. Le site Politique & Animaux, qui analyse les engagements ou votes de nombreux responsables, juge d'ailleurs sévèrement les positions du parti d'extrême droite qui «penche contre les animaux». Voici un extrait datant de 2012 et qui porte sur la présidente du FN:

    «Marine Le Pen exprime quelques engagements positifs pour les animaux concernant l'expérimentation animale et les animaux de compagnie. (...) Elle est par contre acquise à la chasse (favorable à tous types de chasse), évite de s'engager pour l'interdiction immédiate de la corrida et adopte des positions contradictoires concernant les animaux d'élevage (hormis l'interdiction de l'abattage sans étourdissement)».

    Et Marco Bertolini, de myeurop, de prévenir:

    «L’instrumentalisation de l’amour des animaux à des fins de propagande ne doit pas non plus être négligée : tous ces partis (d'extrême droite) consacrent évidemment davantage d’espace et d’énergie aux thèmes sécuritaires et au durcissement des politiques migratoires qu’à la souffrance animale».

    Enfin, pour Isabelle (le prénom a été modifié à sa demande pour «des questions de sécurité»), qui lutte pour la défense des animaux et qui se qualifie également comme étant «anti-fasciste», l'implantation de l'extrême droite s'explique aussi pour des raisons électoralistes:

    «Brigitte Bardot a médiatisé de façon importante la cause et comme elle a presque toujours été proche de l'extrême droite, elle attire inévitablement des militants au profil similaire. Mais cette présence s'explique aussi parce que les autres partis politique ont déserté la cause de la libération animale».

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