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Des déchets qui polluent l’océan pacifique, faire une île recyclée

Pour se débarrasser des tonnes de plastique qui encombrent les océans, des architectes néerlandais envisagent de les transformer en une île habitable.


Un atoll, des cocotiers, du sable blanc, chaud et fin… Voilà ce qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque des « îles du Pacifique ».

Bientôt, une autre image, moins bucolique, apparaîtra peut-être tout aussi spontanément : celle de montagnes de déchets plastiques flottant sur le bleu de l’océan.

Dans le Pacifique Nord, entre le Japon et la côte ouest des Etats-Unis, se trouve un vortex – un gigantesque courant marin tourbillonnaire – qui attire et emprisonne les déchets dans son flux.

« Il s’étend sur une superficie équivalant à celle de l’Europe, explique François Galgani, chercheur à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Et on trouve une zone de convergence similaire dans l’Atlantique Nord. »

Pour lutter contre cette pollution qui menace l’écosystème des océans et valoriser ces détritus que personne ne prend la peine de collecter, WHIM, une agence d’architecture de Rotterdam, propose de les transformer en… une île artificielle.

« L’idée m’est venue il y a trois ans, alors que je survolais cette zone de l’océan en avion, se remémore Ramon Knoester, à l’initiative du projet. Pourquoi ne pas nettoyer la mer et créer un nouvel habitat en même temps ? Rien ne serait gaspillé, pas même les déchets. »

Et pour mener le projet à bien, ce n’est pas la matière première qui manque. Notre Grand Bleu a en effet été souillé avec application par l’Homo plasticus.

« Chaque année, entre 5 et 20 millions de tonnes de plastique sont déversées dans nos océans », explique François Galgani.

Située dans le Pacifique Nord, l’île imaginée par Ramon Knoester serait constituée exclusivement de plastique et devrait avoir une superficie de 10 000 kilomètres carrés, soit la taille de l’île de Hawaï.

Pour la bâtir, il suffira de récupérer et de recycler les matériaux sur place. « Il serait anti-écologique de ne pas recycler les déchets à l’endroit où ils se trouvent, affirme Ramon Knoester. Nous pourrions les transformer sur des bateaux, dans des containers adaptés pour l’occasion. »

De ces unités de retraitement flottantes sortiraient des dalles de plastique recyclé qui serviraient de structure à l’île artificielle.

Sur cette base viendraient ensuite se greffer d’autres modules produits à partir du recyclage, notamment des bacs de plastique à remplir de terre pour constituer un sol naturel dans lequel planter fruits et légumes.

Autosuffisante et écologique

Car l’objectif visé de ce Hawaï d’un nouveau genre né du contenu de nos poubelles est l’autosuffisance.

C’est pourquoi, à côté des zones réservées aux habitations, une partie de l’île sera consacrée à l’agriculture, tandis que la culture des algues est envisagée sur les côtes.

Pour produire son électricité, l’île utilisera les énergies marémotrice – créée par le mouvement des vagues – et maréthermique – produite en exploitant la différence de température entre le fond de la mer et sa surface.

Quant à l’eau, elle proviendra des pluies et de stations de désalinisation.

Pour rester dans cette logique d’autosuffisance, les déchets organiques produits par les habitants de l’île seront eux aussi recyclés pour être utilisés comme fertilisants pour l’agriculture.

« Créer, à partir de déchets, un nouvel habitat qui produirait lui aussi des déchets serait un peu stupide ! » raisonne Ramon Knoester.

Un îlot test aux Pays-Bas

Pour prouver la faisabilité et la viabilité de son projet, le studio WHIM compte réaliser, dès 2014, un îlot test.

Installée dans la ville néerlandaise de Rotterdam, à l’embouchure de la Nouvelle Meuse, la petite île test, aux dimensions beaucoup plus modestes que celles du projet final (10 kilomètres carrés), sera fabriquée à partir de plastiques recueillis dans le lit de la rivière.

Dès 2014, le studio WHIM construira un îlot de 10 km2 à Rotterdam, à partir de déchets récoltés dans une rivière de la ville néerlandaise.

Sa base sera composée de plateformes de deux mètres sur trois, sur lesquelles une couche de terre sera plantée d’arbres.

Contrairement à la grande île du Pacifique qui, avec ses 10 000 kilomètres carrés, sera stabilisée par son propre poids, la version réduite devra être arrimée au fond de la rivière.

Ramon Knoester se targue d’avoir obtenu le soutien et la participation à son projet de la municipalité de Rotterdam et de l’université de la ville.

« Nous voulons avant tout déclencher une prise de conscience. Si nous réussissons à attirer et à convaincre des institutions, alors nous pourrons réaliser notre projet, explique-t-il. Ce qui nous importe, c’est de faire comprendre que les déchets plastiques peuvent être valorisés. »

Non seulement la récolte de la pollution marine, pour le moment peu développée, pourrait devenir une industrie attractive et rentable, mais les détritus reconvertis en matériaux de construction acquerraient aussi une valeur économique.

L’air de rien, Ramon Koestner a peut-être trouvé l’alchimie qui changerait les ordures en or.

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