Volkswagen (VW) vient d’être déboulonné de son piédestal. Le fleuron de l’industrie allemande a triché à grande échelle sur la performance environnementale de ses moteurs diesel en les équipant d’un « logiciel trompeur » capable de modifier les résultats d’émissions polluantes en cas de test. L’histoire officielle retient qu’il s’agirait d’un faux pas dévastateur mais inédit. Mais, lorsqu’on se penche sur l’histoire du groupe, la route empruntée est moins rectiligne que ce que l’on pourrait croire.
Les choses n’avaient effectivement pas débuté sur de très bonnes bases. Tout le monde sait que la voiture qui lancera VW, la Coccinelle, a été au départ un projet du mouvement Kraft durch Freude (KDF, « la force par la joie »), du nom d’une branche du Front du travail nazi. L’idée, qui remonte à 1934, est d’imaginer une voiture vendue moins de 1 000 reich marks – cinq mois de salaire ouvrier –, la KDF Wagen, capable d’accélérer l’adhésion au national-socialisme. Ce que l’on sait moins, c’est que l’ingénieur à qui fut confié ce projet de « voiture du peuple », Ferdinand Porsche, s’est largement inspiré, pour ne pas dire plus, d’un modèle lancé quelques années auparavant. Son concepteur ? Hans Ledwinka, un ingénieur tchèque, qui travaillait pour le constructeur Tatra.
Son modèle, la T97, avec son moteur arrière et son système de refroidissement à air, est très innovant pour l’époque. Une originalité qui ne passe pas inaperçue auprès de M. Porsche, d’autant qu’il est originaire de Maffersdorf, en Bohéme, ville devenue tchèque en 1919. « Comme tout bon ingénieur, Porsche regarde ce qui se fait autour de lui et connaît bien le potentiel industriel des Sudètes, notamment les firmes Tatra et Skoda », note l’historien de l’automobile Jean-Louis Loubet.
Petits arrangements avec l’histoire
La KDF Wagen, qui se transformera en Coccinelle après la guerre, reprend tout de la T97 : ses formes rondes et son ingénierie innovante. VW niera toujours avoir copié les plans de Ledwinka. Mais, comme le rappelle M. Loubet, trois éléments contredisent cette version. D’abord le refus des organisateurs du Salon de Berlin de 1939 d’exposer la T97, susceptible de faire de l’ombre à la vedette de la manifestation. En 1946, Pierre Lefaucheux, tout juste nommé PDG de Renault, qui vient d’être nationalisé, n’hésite pas à prendre la plume dans la très sérieuse Revue des ingénieurs civils de l’automobile pour dénoncer la supercherie. Il y a plus gênant pour VW : un procès pour plagiat intenté et gagné par Tatra en 1961. Une victoire à la Pyrrhus, car le constructeur allemand s’en tira avec le versement d’un dédommagement de 3 millions de marks. Une misère au regard d’une voiture qui fut vendue à plus de 21 millions d’exemplaires et qui plaça VW sur orbite.
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