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Rugby : cette Coupe du monde est un « cauchemar »

Le somptueux spectacle offert depuis le début du tournoi est terni par quelques désagréments plus ou moins pénibles.

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Publié le 07 octobre 2015 à 16h36, modifié le 08 octobre 2015 à 09h49

Temps de Lecture 5 min.

Mathieu Bastareaud en fâcheuse posture face au Canada, le 1er octobre à Milton Keynes.

L’organisation est impeccable, les stades sont pleins, les matchs magnifiques, les essais nombreux, plusieurs équipes réjouissantes ont bousculé la hiérarchie, et l’Angleterre est déjà éliminée : d’aucuns seraient peut-être tentés de parler d’une Coupe du monde de rêve. Que nenni. En réalité, un tas de plus ou moins petites choses, recensées ci-dessous, avec plus ou moins de mauvaise foi, vient gâcher la fête de l’Ovalie. Et il n’est même pas question ici de la partition légèrement monotone jouée par le XV de France.

Le prix des places. C’est vrai qu’il y avait des tickets à 15 livres (20 euros) : pour Samoa - Etats-Unis, Canada - Roumanie, ou Namibie - Géorgie. Assister à France - Irlande dans des conditions décentes, dimanche prochain, vous coûtera 338, 237 ou 170 euros selon que vous serez assis en catégorie A, B ou C (tout en haut, dans un coin du Millenium Stadium de Cardiff).

Plus de la moitié des billets du tournoi auront dépassé le prix de 100 livres (135 euros, soit le prix de l’abonnement au stade de Roudourou pour assister à toute une saison de l’En Avant de Guingamp, sachez-le), avec des pics pour les matchs de l’Angleterre (102, 217, 291 et 426 euros) et de la phase finale : de 130 à 338 euros pour les quarts, de 170 à 700 pour les demies, et de 200 à 970 pour la finale. La Coupe du monde de rugby 2015 aura été l’événement sportif le plus cher de l’histoire pour les spectateurs, selon le Mail on Sunday : 141 euros en moyenne par place, contre 128 pour la Coupe du monde de football au Brésil en 2014, ou 118 pour la Coupe du monde de rugby en France en 2007.

La censure de World Rugby. Tous les joueurs ont dû signer, avant la Coupe du monde, une charte de bonne conduite que la Fédération internationale n’a pas souhaité nous envoyer, arguant qu’il s’agissait d’un document contractuel privé (« private contractual document »). Tout au plus sait-on, grâce à un article de L’Équipe, que ladite charte leur interdit, par exemple, de s’afficher avec un t-shirt portant une marque qui ne serait pas un partenaire commercial du tournoi, ou de tweeter qu’ils ont trouvé partial l’arbitrage d’une rencontre.

L’interdiction des cornemuses (écossaises) dans les tribunes, dont les organisateurs ont également banni les vuvuzelas (sud-africaines), les grands chapeaux (irlandais) et les grands drapeaux (de tous les pays), sous prétexte que cela « pourrait nuire au plaisir ou au confort d’autres personnes dans le stade ». Pourquoi ne pas interdire aux spectateurs de chanter, d’applaudir ou d’éternuer trop fort, tant qu’on y est ?

Le « bagpipe ban » a fait scandale en Écosse, tant au sein du XV du chardon que de la classe politique : vingt-et-un députés ont signé une motion dénonçant l’affront, et soulignant que « les cornemuses ne sont pas dangereuses ». L’affaire ne devrait pas empêcher les Scots de se hisser en quarts de finale, mais on peut considérer que le folklore du rugby a pris un tampon. Cela dit, soyons honnêtes, si les cornemuses et leur mélodieux bourdonnement avaient été autorisés, on les aurait sans doute classés parmi ces « petits choses qui viennent gâcher la fête ».

Visiblement, le Namibien Tinus Du Plessis se régale.

Le jeu de massacre. Les rugbymen sont de plus en plus costauds, ils courent de plus en plus vite, et le temps de jeu effectif ne cesse de s’allonger. Résultat, il pleut des blessures graves depuis le début du tournoi. Après les deux tiers des matchs, le nombre de joueurs sur le flanc a déjà largement dépassé le total atteint sur l’ensemble de la compétition il y a quatre ans, en Nouvelle-Zélande : 20 blessés ont vu la Coupe du monde 2015 s’achever avant l’heure, contre 15 sur tout le tournoi en 2011. Le rugby est de plus en plus un sport de brutes.

Le TMO, « homme du match » à plusieurs reprises en début de tournoi, sans même fouler la pelouse. Homme du premier match, notamment, entre l’Angleterre et les Fidji, qui s’était étalé sur plus de 100 minutes (un match de rugby en dure 80, sans les arrêts de jeu), tant le Television Match Official, à savoir l’arbitre vidéo posté en régie doté de pouvoirs élargis depuis la dernière Coupe du monde, avait été sollicité par son collègue sur la pelouse, incapable de trancher lui-même les actions litigieuses. Rencontres hachées, perte d’intensité, risque de blessure accru pour les joueurs qui se refroidissent : le recours abusif à la vidéo a suscité de nombreuses critiques, avant que le corps arbitral ne rectifie le tir avec succès, et que le TMO s’efface peu à peu au fil des matchs.

Le calendrier du tournoi. Certes mieux fichu et moins injuste qu’il y a quatre ans, il a tout de même fait des victimes : Japonais et Fidjiens peuvent s’estimer lésés. Si les premiers n’avaient pas eu que quatre minuscules jours de récupération après leur exploit contre l’Afrique du Sud, peut-être ne se seraient-ils pas effondrés en seconde période face à l’Écosse et ne se trouveraient-ils pas en position d’être éliminés du tournoi malgré trois victoires (dont celle à venir, dimanche, face aux Etats-Unis). Quant aux Fidjiens, idem, avec plus de quatre jours de repos entre l’Angleterre et l’Australie, peut-être auraient-ils pu embêter les Wallabies, et réellement jouer les trouble-fête dans le « groupe de la mort ».

Visiblement, le Japonais Shinya Makabe se régale autant que Tinus Du Plessis.

La routine des quarts de finale où l’on retrouvera encore et toujours les mêmes équipes, ce qui est à la fois une conséquence du point précédent, de la hiérarchie du rugby qui évolue au super-ralenti, et du système de bonus, qui dévalorise une simple victoire. Le Japon est la preuve que l’on peut gagner trois matchs de poule, y compris face à une nation double championne du monde, et ne pas voir les quarts de finale, tout ça parce qu’on a gagné ses rencontres de justesse (avec bonus défensif pour l’adversaire, donc) et/ou en inscrivant moins de quatre essais (sans bonus offensif, donc). Merci aux Anglais de nous avoir fourni quelques sensations en s’étant fait sortir dès le premier tour.

La logique de rentabilité maximale qui a poussé les organisateurs à faire jouer les matchs dans des stades de football (7 sur 13) et une arène sans âme (le stade olympique de Londres), et à ne retenir que deux « authentiques » enceintes du rugby de club anglais, à Exeter (12 300 places) et Gloucester (16 500), lesquelles, évidemment, ne leur auront pas rapporté des mille et des cents. Notons que les deux records d’affluence pour un match de rugby dont s’est targuée la Fédération internationale (89 019 spectateurs pour Nouvelle-Zélande - Argentine, puis 89 267 pour Irlande - Roumanie) ont eu lieu à Wembley, propriété de la fédération anglaise... de football.

Swing Low, Sweet Chariot, partout, tout le temps, à chaque rencontre, dans chaque stade, jusqu’à l’overdose. Entendre douze fois ce chant de soutien au XV de la rose pendant les matchs du XV de la rose, passe encore. Mais en plein Tonga - Namibie, franchement ? Imagine-t-on le public entonner Allez les Bleus pendant un Autriche - Norvège lors de l’Euro de football, en France, l’été prochain ? Les messieurs en costard ayant banni les cornemuses des stades auraient pu avoir la bonne idée d’en faire de même avec Swing Low, Sweet Chariot. Cela étant, maintenant que l’Angleterre s’apprête à disparaître du tournoi, il est raisonnable d’espérer que cette rengaine aussi.

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