
INTERNATIONAL - Les deux photos ci-dessus, prises le même jour dans la capitale grecque, pourraient tout à fait s’inscrire dans une série “avant et après”.
Celle de gauche a été prise par Alexandros Michailidis sur la place Victoria, où font étape de nombreux migrants et réfugiés avant de poursuivre leur périple à travers l’Europe, dans l’espoir d’une vie meilleure. C’est une photo comme beaucoup d’autres, qui dépeint le désespoir de gens qui ont tout perdu.
Celle de droite a été prise dans la maison d’Ariadni Theodosiadou, une habitante du quartier de Sepolia. Elle a accueilli chez elle la famille que l’on voit sous la pluie place Victoria et lui a offert un bain chaud, de quoi se restaurer et, surtout, de la compassion.
Ariadni Theodosiadou a publié les photos sur son compte Facebook. “[Si vous les aimez], accueillez des réfugiés chez vous! C’est ce que j’ai fait!” a-t-elle répondu à ceux qui écrivaient des commentaires.

Ariadni Theodosiadou a accueilli une famille de réfugiés chez elle, à Athènes.
Elle a indiqué au Huffington Post grec qu’elle souhaitait montrer l’exemple.
"Le garçon est revenu avec 30 à 40 personnes."
"Je me suis dit qu’il valait sans doute mieux donner la priorité aux enfants. J’ai donc choisi cette famille, dont la mère avait un fils de 21 ans et une fille d’une vingtaine d’années, elle-même maman de deux fillettes, dont l’une était âgée de six mois et l’autre, de sept ans."
Chez Ariadni, personne ne communiquait avec des mots: ses invités ne parlaient pas anglais et elle ne connaissait pas leur langue. Elle n’a pas pu leur demander de lui raconter leur histoire, ce qui les avait poussés à s’embarquer dans un tel voyage, comment une si jeune femme pouvait avoir une fille de sept ans, ce qu’ils avaient traversé et où ils se rendaient.
“Nous échangions avec des gestes, mais nous nous comprenions très bien. Quand ils ont commencé à être plus à l’aise, il en est sorti quelque chose de magique”, nous confie-t-elle.
Elle ne sait même pas d’où ils viennent.
“Je ne le leur ai pas demandé, et je m’en fichais. Poser la question aurait été raciste et inutile. Si on veut aider, on n’a pas besoin d’une carte d’identité. Quand je vois des bébés trempés, je ne demande pas d’où ils viennent, j’essaie de les protéger”, ajoute-t-elle.
Ariadni a reconnu que cet acte spontané lui a fait du bien. “J’ai réussi à faire apparaître un sourire sur le visage de gens qui avaient traversé l’enfer. Les enfants n’arrêtaient pas de rire.”
“J’ai rendu ce geste public dans l’espoir que d’autres s’en inspirent et fassent ce qui m’est venu naturellement. Une seule personne ne changera rien. Mais si d’autres s’y mettaient, il n’y aurait plus d’enfants dans la rue.”
Elle dit n’avoir jamais eu peur pour sa sécurité. “Qu’est-ce qui pourrait m’arriver avec des mères et des enfants? J’ai simplement tenté de maintenir des règles d’hygiène et de sécurité.”

Ariadni Theodosiadou a accueilli une famille de réfugiés chez elle, à Athènes.
Ariadni a reçu des dizaines de commentaires suite à la publication de ses photos sur Facebook. Certains, touchés, lui ont demandé comment ils pouvaient aider et où ils devaient se rendre. “J’en ai été très heureuse. Je me suis dit que ce pays était porteur d’espoir”, déclare-t-elle.
D’autres lui ont demandé pourquoi elle n’apportait pas son soutien aux Grecs dans le besoin. “Nous, les Grecs, devrions montrer l’exemple pour les populations vulnérables, selon l’hospitalité légendaire de la Grèce ancienne", leur a-t-elle répondu. "Pour les Grecs qui n’ont rien à manger, pour les réfugiés qui n’ont pas d’abri, pour les animaux errants torturés dans la rue. Cessons de juger et trouvons la compassion en nous. C’est le seul moyen pour ce pays d’aller de l’avant. Avec de l’amour.”
Le referait-elle? “Bien sûr. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé.”
Ariadni n’est pas la seule à ouvrir sa maison aux réfugiés. Alkis Paspatis, de l’île de Lesbos, a lui aussi accueilli des personnes en détresse. Et, comme Ariadni, il a posté des photos sur Facebook.
Bien que les bénévoles et les organisations se soient mobilisés pour offrir de la nourriture et des articles de première nécessité ces derniers mois, de tels cas sont rares. Les stéréotypes décrivant les gens de la place Victoria comme des “immigrés clandestins” qui “nous volent” ont la vie dure.
Yannis Androulidakis, journaliste et militant grec, en a récemment fait l’illustration sur Facebook:
Yannis a déclaré qu’une fois que l’histoire de la place Victoria serait terminée, il écrirait un livre sur tous les gens qu’il y a croisés et qui “ont tant fait pour aider, contre vents et marées, contre la haine et les préjugés de leurs voisins”.
“Je voudrais écrire quelque chose sur cette Afghane qui caressait sa toute petite fille fiévreuse sous la pluie et qui, le matin venu, nous a laissé les oreillers et les couvertures que nous lui avions donnés, intacts et pliés”, raconte-t-il.
Le mardi, les autorités grecques ont commencé à transporter, par bus, un millier de migrants qui campaient place Victoria vers un gymnase dans le secteur de Galatsi, au centre d’Athènes. Giannis Mouzalas, le ministre de l’Immigration, a supervisé les opérations. On leur a indiqué qu’ils pouvaient y rester aussi longtemps qu’ils en auraient besoin. Leur installation s’est déroulée au milieu de manifestations de résidents opposés à l’arrivée “d’étrangers” dans leur quartier. Ceux qui soutiennent la cause des migrants et des réfugiés sont également venus.
La société grecque semble montrer le visage de l’amour autant que celui de la haine. Yannis Androulidakis apporte toutefois une note d’espoir: “Ces jours derniers ont confirmé que notre monde est plein de gens merveilleux qui finiront par faire changer les choses.”
Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post grec, a été traduit de l’anglais par Catherine Biros pour Fast for Word.