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Les femmes, oubliées ou sous-estimées des prix Nobel

Comme chaque année, la première semaine d’octobre sera marquée par l’attribution des célèbres prix, encore très majoritairement remis à des hommes. Nombreuses sont pourtant les femmes à avoir œuvré dans l’ombre d’un « nobélisé ».

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Publié le 08 octobre 2015 à 18h52, modifié le 04 octobre 2018 à 10h36

Temps de Lecture 3 min.

L’édition 2018 des Nobel va-t-elle récompenser des femmes ? Alors que les prix se féminisaient lentement depuis le début des années 2000, aucune représentante de la gent féminine n’a été distinguée en 2017, ni même en 2016. Depuis la création du prix en 1901, les femmes ne représentent que 5,4 % des nobélisés (48 sur 888 lauréats).

Non pas que les femmes n’aiment pas les prix Nobel : elles n’en ont jamais refusé, contrairement aux hommes (Jean-Paul Sartre en 1964 et Le Duc Tho en 1973). Mais les récompenses ne se sont pas ruées sur elles. Et quand il y a distinction, avec un prix, elle est souvent partagée et sert de prétexte à une diversité de façade.

Le rôle mésestimé des proches collaboratrices

Difficiles d’entrer dans les coulisses des laboratoires et des carrières, parfois tortueuses, des Nobel, mais en parcourant les biographies des uns et des autres, on croise souvent des noms féminins, épouses ou assistantes, sans qui les découvertes récompensées auraient été beaucoup plus difficiles, voire impossibles.

L’un des exemples les plus flagrants d’oubli du comité Nobel est celui de Lise Meitner, collaboratrice d’Otto Hahn (prix Nobel de chimie en 1944) et qui joua un rôle majeur dans la découverte de la fission nucléaire. Juive autrichienne, elle dût fuir l’Allemagne nazie en 1938 et refusa ensuite de participer à la construction d’une bombe atomique.

Autre assistante « utile », Jocelyn Bell, qui découvrira le premier pulsar (une étoile qui émet des signaux très régulièrement), découverte pour laquelle son directeur de thèse, Antony Hewish, obtint le prix Nobel en 1974.

Une présence plus forte à travers les prix partagés

Quand elles ne sont pas absentes, elles doivent partager leurs prix. Moins représentées dans l’ensemble des lauréats, elles le sont en effet largement plus pour les prix « divisés » en deux ou trois parts.

Nombreuses sont celles, en l’occurrence, qui ont reçu une récompense en couple (sur la page que l’institut consacre aux couples, on peut voir les lauréats, souris de laboratoire sur l’épaule) ou dans le cadre d’un groupe, que ce soit un prix Nobel partagé ou une simple citation.

Sur les 241 prix partagés entre deux ou trois lauréats, 28 le sont par des femmes

Parmi les Nobel partagés, en moyenne 10 % le sont par des femmes... alors qu'elles ne représentent que 5 % de l'ensemble des lauréats

Prix partagés par deux ou trois lauréats
Source : Nobel Prize

Une sous-représentation dans les matières scientifiques

S’il y a donc de plus en plus de femmes distinguées par un prix, les heureuses élues le sont le plus souvent dans des catégories « non scientifiques » (littérature et paix), souvent perçues comme moins prestigieuses que les sciences « dures », ou économiques.

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Les statistiques de l’institut suédois montrent que les femmes ont obtenu 30 prix « littérature » et « paix » sur les 49 prix collectionnés au total par la gente féminine. Il faut dire que le monde de la science n’est pas exempt de clichés sexistes. On se souvient du cas récent du prix Nobel de médecine 2001, Tim Hunt, qui avait défrayé la chronique durant l’été 2015 en estimant :

« Vous tombez amoureux d’elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent. »

Ces propos avaient créé l’émoi, même si leur auteur s’était ensuite excusé, avant de démissionner.

La minimisation des contributions des femmes dans les sciences a d’ailleurs été théorisée : c’est l’« effet Matilda », nom donné par une historienne des sciences américaine, Margaret W. Rossiter, au déni et à la minimisation, systématique selon elle, des contributions des femmes à la recherche.

Plus de la moitié des Nobel décernés aux femmes appartiennent aux catégories "littérature" et "paix"

Marie Curie a reçu à la fois le prix de chimie et de physique (avec son mari). Il y a donc 52 prix pour 51 lauréates.
Source : Nobel Prize

Le seul point sur lequel les femmes peuvent se targuer d’être plus « en avance » que les hommes, lorsque l’on analyse les prix Nobel qui ont été remis, c’est la diversité de leur origine par pays : celle-ci est bien plus équilibrée chez les femmes que chez les hommes.

Les Nobel attribués à des femmes sont mieux répartis par nationalité que chez les hommes, mais les Etats-Unis écrasent les autres
Il y a plus de nationalités primées chez les hommes que chez les femmes mais elles sont très concentrées : Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne et France. Attention, l'échelle des barres n'est pas linéaire (mais logarithmique), et ce pour permettre de représenter les nationalités avec peu de prix.
Source : Nobel Prize

Mise à jour le 2 octobre 2017 à 15 h 55 : modification du passage sur les femmes de certains Nobel et notamment de l’histoire complexe de Clara Immerwahr, femme de Fritz Haber, et de Mileva Maric, étudiante d’Albert Einstein.

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