L’édition 2018 des Nobel va-t-elle récompenser des femmes ? Alors que les prix se féminisaient lentement depuis le début des années 2000, aucune représentante de la gent féminine n’a été distinguée en 2017, ni même en 2016. Depuis la création du prix en 1901, les femmes ne représentent que 5,4 % des nobélisés (48 sur 888 lauréats).
Non pas que les femmes n’aiment pas les prix Nobel : elles n’en ont jamais refusé, contrairement aux hommes (Jean-Paul Sartre en 1964 et Le Duc Tho en 1973). Mais les récompenses ne se sont pas ruées sur elles. Et quand il y a distinction, avec un prix, elle est souvent partagée et sert de prétexte à une diversité de façade.
Le rôle mésestimé des proches collaboratrices
Difficiles d’entrer dans les coulisses des laboratoires et des carrières, parfois tortueuses, des Nobel, mais en parcourant les biographies des uns et des autres, on croise souvent des noms féminins, épouses ou assistantes, sans qui les découvertes récompensées auraient été beaucoup plus difficiles, voire impossibles.
L’un des exemples les plus flagrants d’oubli du comité Nobel est celui de Lise Meitner, collaboratrice d’Otto Hahn (prix Nobel de chimie en 1944) et qui joua un rôle majeur dans la découverte de la fission nucléaire. Juive autrichienne, elle dût fuir l’Allemagne nazie en 1938 et refusa ensuite de participer à la construction d’une bombe atomique.
Autre assistante « utile », Jocelyn Bell, qui découvrira le premier pulsar (une étoile qui émet des signaux très régulièrement), découverte pour laquelle son directeur de thèse, Antony Hewish, obtint le prix Nobel en 1974.
Une présence plus forte à travers les prix partagés
Quand elles ne sont pas absentes, elles doivent partager leurs prix. Moins représentées dans l’ensemble des lauréats, elles le sont en effet largement plus pour les prix « divisés » en deux ou trois parts.
Nombreuses sont celles, en l’occurrence, qui ont reçu une récompense en couple (sur la page que l’institut consacre aux couples, on peut voir les lauréats, souris de laboratoire sur l’épaule) ou dans le cadre d’un groupe, que ce soit un prix Nobel partagé ou une simple citation.
Sur les 241 prix partagés entre deux ou trois lauréats, 28 le sont par des femmes
Une sous-représentation dans les matières scientifiques
S’il y a donc de plus en plus de femmes distinguées par un prix, les heureuses élues le sont le plus souvent dans des catégories « non scientifiques » (littérature et paix), souvent perçues comme moins prestigieuses que les sciences « dures », ou économiques.
Les statistiques de l’institut suédois montrent que les femmes ont obtenu 30 prix « littérature » et « paix » sur les 49 prix collectionnés au total par la gente féminine. Il faut dire que le monde de la science n’est pas exempt de clichés sexistes. On se souvient du cas récent du prix Nobel de médecine 2001, Tim Hunt, qui avait défrayé la chronique durant l’été 2015 en estimant :
« Vous tombez amoureux d’elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent. »
Ces propos avaient créé l’émoi, même si leur auteur s’était ensuite excusé, avant de démissionner.
La minimisation des contributions des femmes dans les sciences a d’ailleurs été théorisée : c’est l’« effet Matilda », nom donné par une historienne des sciences américaine, Margaret W. Rossiter, au déni et à la minimisation, systématique selon elle, des contributions des femmes à la recherche.
Le seul point sur lequel les femmes peuvent se targuer d’être plus « en avance » que les hommes, lorsque l’on analyse les prix Nobel qui ont été remis, c’est la diversité de leur origine par pays : celle-ci est bien plus équilibrée chez les femmes que chez les hommes.
Mise à jour le 2 octobre 2017 à 15 h 55 : modification du passage sur les femmes de certains Nobel et notamment de l’histoire complexe de Clara Immerwahr, femme de Fritz Haber, et de Mileva Maric, étudiante d’Albert Einstein.
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