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Municipales : ces élus qui nous coûtent trop cher

© Bruno AMSELLEM / SIGNATURES

Plus que quelques semaines avant les élections municipales. Le moment où jamais de se pencher sur les qualités de gestionnaires de nos élus.

Et ça continue! Les élus locaux sont les mauvais élèves de la rigueur. Malgré les nombreux appels à la raison lancés en 2012, les dépenses des administrations publiques locales se sont une fois de plus envolées: 242,5 milliards d'euros. C'est 7,2 milliards de plus qu'un an plus tôt (+ 3 %). Et comme, dans le même temps, les recettes avaient plutôt tendance à diminuer, la sanction ne s'est pas fait attendre: en 2012, le déficit des administrations publiques locales a tout simplement doublé, passant de 1,5 à 3,1 milliards d'euros.

Certes, l'Etat, endetté jusqu'au cou, a tendance à transférer une partie de ses charges sur les collectivités locales, décentralisation oblige. Mais tout de même: en pleine crise, nos édiles ne devraient-ils pas montrer davantage l'exemple? Les chambres régionales des comptes ont beau épingler leurs excès à intervalles réguliers, dénoncer la gabegie, les dépenses de prestige et d'image de certaines municipalités et la folle croissance des impôts locaux, nombre d'élus continuent de dilapider sans compter l'argent des contribuables comme au temps des vaches grasses. En cause notamment: les dépenses de fonctionnement des collectivités locales, en hausse de «3,1 % en plus de l'inflation, chaque année en moyenne depuis 1983», a rappelé en octobre dernier Didier Migaud, président de la Cour des comptes, lors de la présentation du rapport que cette vénérable institution a consacré aux finances publiques locales. Un document qui sonne comme un rappel à l'ordre, les sages de la rue Cambon recommandant avec fermeté «un freinage effectif des dépenses de fonctionnement, en particulier pour les communes et intercommunalités, sans que soit remise en cause la qualité des services publics».

A l'heure du ras-le-bol fiscal et des difficultés économiques, les excès de certains élus locaux sont, il est vrai, de plus en plus difficiles à avaler pour les administrés. A quelques semaines des élections municipales, les Français veulent savoir comment ceux qu'ils ont élus en 2008 ont assumé leurs responsabilités et géré les deniers publics. Pour 51 % des Français, la fiscalité sera un élément déterminant dans leur vote en mars prochain, révélait en décembre dernier un sondage OpinionWay réalisé pour Le Figaro et LCI. Loin devant la problématique de la sécurité par exemple (32 %), le développement économique ou la création d'emplois (31 % pour les deux).

Pour la troisième année consécutive, Le Figaro Magazine et Public Evaluation System (PES), l'agence de notation des collectivités locales, ont passé au crible les comptes administratifs 2012 des villes françaises de plus de 100 000 habitants, mais aussi ceux des départements et des Régions. Charges de personnel, impôts, dette, dépenses de communication, frais de mission par élu sont autant d'indicateurs sensibles, révélateurs d'une bonne ou d'une mauvaise gestion. Pour chacun de ces critères, nous avons établi un palmarès distinguant les bons élèves… mais aussi ceux qui pourraient mieux faire!

1. PERSONNEL: absentéisme et petites faveurs

Pour quelle raison les absences pour maladie battent-elles des records à Strasbourg? Par quel miracle les heures supplémentaires ont-elles augmenté de plus de 40 % entre 2005 et 2010 dans la commune de Loos (Nord), soit l'équivalent de sept emplois à temps plein? Et comment justifier que le personnel de la communauté urbaine du Grand Toulouse bénéficie d'un régime beaucoup plus favorable que les autres salariés de la fonction publique territoriale, à l'origine d'un surcoût de 3,2 millions d'euros pour la Ville rose? Dans son rapport sur la situation des finances locales remis en octobre dernier, la Cour des comptes tire la sonnette d'alarme: les dépenses de personnel dérapent. Et elles pèsent lourd dans les comptes de ces dernières: en moyenne, 35 % des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en 2012. Et encore, dans de nombreuses communes, ce pourcentage dépasse ­allègrement les 50 %!

Certaines d'entre elles montrent l'exemple, comme Villeurbanne, Reims ou Brest, en tête de notre palmarès avec des charges de personnel respectivement de 586, 600 et 629 €/habitant. Mais que dire de Strasbourg (voir encadré) où celles-ci atteignent 1335 €/habitant? Ou encore de Montreuil (1072 €/habitant) et Saint-Denis (1076 €/habitant)? «Pendant longtemps, il n'y a pas eu d'intercommunalités en Ile-de-France. Il est normal que ces villes supportent des charges de personnel plus importantes que les autres communes», remarque Jean-Luc Bœuf, expert en collectivités locales au sein de l'Institut Montaigne et ex-directeur général des services en ville, département et Région. Mais aujourd'hui, cet argument tient-il encore? Saint-Denis a rejoint l'intercommunalité de Plaine Commune, tandis que Montreuil appartient, depuis 2010, à la communauté d'agglomération Est Ensemble, la plus grande d'Ile-de-France avec près de 400.000 habitants. Pour autant, dans ces deux villes, les effectifs n'ont pas baissé d'un iota!

Mais telle n'est pas la priorité du maire de Saint-Denis, Didier Paillard, dernier maire communiste d'une ville de plus de 100.000 habitants en France. «Ici, le revenu moyen est deux fois plus faible que la moyenne nationale, explique-t-il. Nous sommes tenus de développer une offre de services publics beaucoup plus conséquente qu'ailleurs, d'autant que la population a augmenté de 20.000 habitants ces dernières années. Nous avons par exemple ouvert quatre centres de santé municipaux, pour offrir un accès aux soins aux populations défavorisées et, depuis cinq ans, une école maternelle et une école primaire par an. Or il faut du personnel pour faire fonctionner ces structures, d'autant que chaque école est dotée d'un centre de loisirs, et donc d'animateurs, au nombre de 408 à Saint-Denis.» Au total, 3300 agents travaillent pour la mairie de Saint-Denis, les charges de personnel représentant 63 % du budget de fonctionnement. Un taux certes très élevé, mais que Didier Paillard assume totalement.

De même, à Montreuil, Dominique Voynet, élue maire en 2008, doit composer avec quatre-vingts ans d'héritage communiste. Employant 2600 agents pour 104.097 habitants, la ville se classe dans le peloton de tête des municipalités les plus dépensières en charges de personnel. Avec cette spécificité que les agents des catégories B et C y sont bien mieux payés qu'ailleurs (de 20 à 30 % plus cher), tandis que la rémunération des cadres de catégorie A y est inférieure de 20 % à ce qu'elle est dans les villes de taille comparable.«Cela nous pose de vrais problèmes de recrutement», confie Sébastien Maire, directeur de cabinet de Dominique Voynet à la mairie de Montreuil. Mais l'heure n'est pas tellement au recrutement. «A chaque départ à la retraite, nous regardons précisément si l'emploi a réellement besoin d'être remplacé», explique-t-il. Toutefois, dans cette ville où 100 % du conseil municipal est à gauche (un cas unique en France!), on est encore loin du seuil de non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite. En six ans, aucun emploi n'a encore été supprimé à Montreuil, les nouveaux services créés (trois écoles, trois crèches, deux centres sociaux…) ayant dû être pourvus en effectifs. Un jeu de chaises musicales dans lequel de nombreuses communes sont devenues expertes.

2. IMPÔTS: toujours plus

De tous les impôts qui pèsent sur les Français, ceux qu'ils acquittent en faveur des collectivités territoriales (communes, départements, Régions), pour le simple droit d'habiter quelque part en y bénéficiant d'infrastructures publiques (crèches, voirie, transports urbains, piscines ou médiathèques), sont de loin ceux qui les exaspèrent le plus. Bien davantage, par exemple, que l'impôt sur le revenu ou la TVA, ainsi que nous avons pu le constater récemment à l'occasion d'une enquête sur le «ras-le-bol fiscal». Mais il faut dire que l'augmentation fulgurante de ce type de prélèvements obligatoires y est pour beaucoup. Sur la durée de la dernière mandature municipale (mars 2008 - mars 2014), le produit cumulé de la taxe d'habitation et des deux taxes foncières aura en effet augmenté, en moyenne, d'un peu plus de 30 %… alors que, sur ces mêmes six années, l'inflation n'a progressé que de 7,35 %!

De quoi entraîner d'énormes difficultés de paiement pour tous ceux dont les revenus sont indexés sur la hausse des prix, ou pire encore, gelés. Et cela d'autant plus qu'il est assez rare d'être exonéré de taxes locales: sur 36 millions de foyers fiscaux français, seuls 18 millions (49,8 %) paient, en effet, l'impôt sur le revenu, alors qu'ils sont 31 millions (86,9 %) à être assujettis à une taxe d'habitation et 30 millions (82,7 %) à verser aussi une ou deux taxes foncières en leur qualité de propriétaire de leur logement et/ou d'un terrain non bâti.

D'où la grogne des contribuables contre l'emballement d'une fiscalité locale dont ils contestent aussi l'usage. Face à l'avalanche de leurs critiques, fréquemment confirmées par les chambres régionales des comptes (investissements de prestige, dérive incontrôlée de la facture des chantiers publics, embauche de personnels en nombre pléthorique ou trop payés), les élus locaux ont donc rodé des arguments aptes à justifier, sinon leurs dépenses, du moins la hausse continue des impôts qui les financent. Hier, ils invoquaient le coût du transfert de certains services de l'Etat. Aujourd'hui, ils accusent la baisse des droits de mutation, le gel des donations publiques et la crise économique.

Et demain? Demain s'annonce encore pire pour leurs administrés… et plus facile pour les élus dépensiers, qui pourront continuer à brandir l'excuse de la diminution des subventions de l'Etat, ainsi que celle de la crise ; tout en ayant, en prime, la possibilité d'augmenter massivement l'ensemble des impôts locaux, sans même avoir l'air d'y toucher!

Car, dès les élections municipales passées, la réforme foncière que l'on nous promet depuis près de vingt ans commencera à être mise en place. Toutes les valeurs cadastrales qui servent d'assiette aux impôts locaux seront réactualisées. Etablies en 1970, elles ne correspondent en effet plus du tout à la réalité des prix pratiqués sur le marché immobilier. A Paris, par exemple, il est fréquent que les appartements haussmanniens - souvent dépourvus d'ascenseur ou de salle de bains il y a quarante ans - affichent une valeur cadastrale inférieure à celle des logements construits dans les années 60, alors que leur valeur d'échange - vente ou location - est notoirement supérieure. Et c'est pareil sur tout le territoire, notamment dans les centres-villes, autrefois très mal équipés et parfois même insalubres. C'est d'ailleurs pour compenser la faible valeur cadastrale de leurs plus beaux quartiers, depuis longtemps rénovés, que certaines communes ont dû fixer des taux d'imposition très élevés. Mais, si elles omettaient de les baisser demain, la facture de la réforme serait alors monstrueuse pour l'immense majorité des contribuables. Les premiers calculs laissent en effet penser que, dans ce cas-là, l'augmentation des impôts locaux pourrait être comprise entre 300 % et 500 %!

3. DETTES: la mauvaise pente

Etre maire d'une grande ville relève de plus en plus du casse-tête chinois. D'un côté, les subsides de l'Etat s'amenuisent d'année en année, crise et tours de vis budgétaires obligent. De l'autre, le ras-le-bol fiscal général rend l'augmentation des impôts quasi suicidaire où que ce soit en France!

Reste la solution de l'endettement, qui permet aux élus de tenir leurs promesses électorales sans déclencher la colère des contribuables, même si ces derniers finissent tôt ou tard par réaliser qu'il faut bien régler la facture des crèches, écoles, tramways et autres stades qui font l'orgueil de leurs édiles.

En 2012, le recours à l'emprunt par les communes a progressé de 12 % par rapport à 2011. A la fin de l'année 2012, l'encours de leur dette atteignait 61,5 milliards d'euros, contre 59,35 milliards en 2010. Rien ne semble pouvoir freiner la spirale de l'endettement!

La tentation de la dette est-elle plus forte à gauche de l'échiquier politique qu'à droite? Pas certain. Parmi les mauvais élèves de notre palmarès (critère: dette par habitant) figurent aussi bien des villes gérées par la droite, comme Perpignan ou Marseille, que des municipalités de gauche comme Saint-Etienne, Montpellier ou Lille.

Dans la ville de Martine Aubry (PS), la dette (hors communauté urbaine) s'est même envolée entre 2008 et 2012, passant de 185 à 358 millions d'euros. Soit une hausse vertigineuse de 93,5 %! «Dans le contexte d'endettement massif de l'Etat français, les collectivités territoriales portent leur part de responsabilité, écrit l'Institut Montaigne dans une note consacrée à la gestion de la dette locale (mars 2011). Contrôler l'évolution de leurs dépenses et de leur gestion est un enjeu essentiel pour une plus grande maîtrise des finances publiques.» Plus facile à dire qu'à faire!

4. COMMUNICATION: petits fours et feux d'artifices

Fête de la Mirabelle, Metz Plage, feux d'artifices, inaugurations et cocktails… Avec 322.400 € par tranche de 10.000 habitants, Metz est la ville de France qui soigne le mieux sa communication et son animation (elle est aussi l'une des villes les plus sobrement gérées, avec une dette par habitant et des impôts locaux parmi les plus faibles de France). Il est vrai que le classement élaboré par Public Evaluation System (PES) prend également en compte (à l'instar de la comptabilité publique) les frais liés à l'événementiel, et ils sont importants dans cette ville dynamique où la culture tient une large place, notamment depuis l'ouverture du Centre Pompidou. Mais toutes les collectivités locales de notre palmarès sont logées à la même enseigne, ce qui permet d'établir des comparaisons et de ne pas «oublier» certaines dépenses que des villes ont parfois tendance à inscrire dans la case «divers».

Ainsi, Metz est suivie de près par Montpellier, où Hélène Mandroux (PS) consacre 314.941 € pour 10.000 habitants en frais de communication et événementiels. L'an dernier, le chiffre était de 316.864 €, soit sensiblement la même chose! Madame le maire n'a donc une fois de plus pas lésiné sur les dépenses liées aux publications, événements sportifs et culturels, illuminations de Noël… L'an dernier, Caen et Clermont-Ferrand figuraient déjà dans notre palmarès des villes les plus dépensières en communication. Elles sont encore parmi les dernières de la classe cette année, juste avant Metz et Montpellier. Mais faut-il s'en étonner? A l'approche d'une échéance décisive, il serait suicidaire pour un maire de rogner trop ouvertement sur la partie la plus visible de son budget municipal ; même si c'est sans doute aussi la moins indispensable, en particulier en période de crise. Brest, Rennes, Toulon et Strasbourg s'en sortent bien, avec des dépenses de com' et événementiel bien inférieures: celles-ci ne dépassent pas 69.000 € pour 10.000 habitants!

Dans les départements, l'Est de la France se distingue là encore, avec en deuxième place de notre palmarès celui de la Moselle qui, en 2012, a dépensé 73.076 € pour 10.000 habitants en frais de communication. «Le conseil général de la Moselle ne souhaite pas commenter les résultats de votre enquête, mais vous remercie de bien vouloir y apporter ces précisions: le budget communication et événementiel s'élève précisément à 6.721.714 €.» Message reçu. Parmi les départements, c'est toutefois la Vendée qui arrive en tête, avec 111.170 € pour 10 000 habitants. Un chiffre bien supérieur à la moyenne des autres départements, mais qui s'explique par un choix stratégique de Bruno Retailleau (apparenté UMP), qui a pris la suite de Philippe de Villiers à la tête du conseil général. La Vendée a choisi de faire de la communication le cœur de sa stratégie de développement, autour d'événements comme le Vendée Globe, le Tour de France (le grand départ du Tour de France 2011 a été organisé en Vendée) ou encore TV Vendée. Des investissements plutôt bénéfiques en termes économiques. En 2011, le Tour de France aurait rapporté 28 millions d'euros à l'économie touristique du département. Et à chaque édition, tous les quatre ans, le Vendée Globe générerait 35 millions d'euros de retombées économiques.

5. FRAIS DE MISSION: voyages lointains

Des cigares pour 1750 €, des achats de vins pour 55.000 €, des voyages d'élus aux Etats-Unis (29.000 €), en Chine (128.000 €), de nombreuses visites de courtoisie aux villes jumelées… La municipalité de Montpellier mène grand train comme l'a révélé, en novembre 2013, un rapport provisoire de la chambre régionale des comptes sur la gestion de la mairie de 2006 à 2011. De quoi réjouir l'opposition, qui ne cesse de dénoncer les voyages lointains de Mme le maire, Hélène Mandroux (PS), et la folle envolée des frais de mission, deux fois plus élevés dans la cité montpelliéraine, il est vrai, que dans d'autres villes de taille comparable! Mais Mme Mandroux, à 1865 € en moyenne par élu, n'est pas la seule à avoir la dépense facile. Christian Estrosi (UMP), à Nice, ne fait guère mieux avec 1565 € par élu, ni d'ailleurs Michel Destot (PS) à Grenoble (1514 €/élu) ou Pierre Cohen (PS) à Toulouse (1429 €/élu).

Le champion en la matière n'est autre qu'Alain Juppé, maire UMP de Bordeaux: 2481 € de frais de mission par élu! Sans doute la promotion des vins de Bordeaux, mais aussi sa stature nationale, l'amènent-elles à se déplacer un peu plus souvent que les autres maires de France. Tout comme d'ailleurs Hélène Mandroux qui, outre sa fonction de maire de Montpellier, est aussi présidente de l'Association des villes universitaires françaises et vice-présidente de l'Association des grandes villes de France.

Mais ces frais sont somme toute assez limités quand on les compare à ceux des départements. La barre des 5000 €/élu (5273 € très exactement) est par exemple allègrement franchie par celui de la Moselle, sous la houlette de Patrick Weitein (UDI). Celui de la Drôme, présidé par le socialiste Didier Guillaume, arrive en deuxième position, avec 4433 € par élu. Dans les Régions, on apprécie aussi les voyages et les cigares. Même si elles ont fait des efforts depuis deux ans, la Bretagne, Rhône-Alpes et la Région Aquitaine caracolent en tête de notre palmarès.

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