
Il n’y aura plus de femmes nues dans Playboy. Certaines seront bien peu vêtues, mais la full nudity disparaît de l’édition américaine du magazine, emblème déclinante de la révolution sexuelle qui publiait à 7 millions d’exemplaires son numéro de novembre 1976, qui affichait à sa « une » la plupart des stars du Hollywood des seventies au pic de leur carrière, et forçait le président Jimmy Carter à avouer qu’il avait désiré en son for intérieur d’autres femmes que la sienne. Mais on pourra toujours lire les articles…
Ce choix stratégique est révélé lundi 12 octobre par le New York Times. Il aurait été accepté le mois dernier par le fondateur du magazine, Hugh Hefner, 89 ans, dont le nom figure en tête de l’« ours » depuis 1953 – date de la première parution, avec Marylin Monroe en couverture. Un rédacteur en chef, Cory Jones, était venu en émissaire à la Playboy mansion, où vit le patron reclus.
Plus de nu, mais que restera-t-il alors ? « Cette bataille a été menée et gagnée », dit le patron de l’entreprise, Scott Flanders, au New York Times. « Tout le monde est aujourd’hui à un clic de n’importe quel acte sexuel imaginable, gratuitement. Tout cela est donc dépassé. »
La direction souhaite s’éloigner de la presse adulte, pour s’affranchir des limites qu’une telle catégorie pose aux annonceurs et aux filtres Internet. Elle souhaite atteindre un plus grand public, plus jeune, imaginant Playboy comme un produit plus aguicheur et branché, à la manière d’un Lui en France. Elle maintiendrait une production journalistique pouvant être de haute qualité, dans la tradition américaine des formes longues.
Des ventes en chute inexorable
L’inexorable chute des ventes a fini par rendre indispensable ce choix radical, dit la direction. Elles sont passées de 5,6 millions d’exemplaires mensuels en 1975 à 800 000 aujourd’hui, selon l’Alliance for Audited Media. La concurrence s’effondre également. Le grand rival Penthouse, qui a choisi de combattre les grands acteurs du porno en ligne en diffusant des nus de plus en plus « explicites », est lui aussi à la peine.
Selon la direction de Playboy, le magazine a enregistré des pertes de 2,6 millions d’euros l’an dernier. Les licences étrangères se porteraient mieux. L’essentiel du chiffre d’affaires du groupe provient cependant de la vente du logo aux oreilles de lapin sous licence pour des produits de bain, des parfums, des habits, des alcools ou de la bijouterie. Playboy réalise 40 % de son chiffre d’affaires en Chine, où le magazine n’est pas distribué.
Côté en bourse à partir de 1971, il en avait été retiré en 2011 par M. Hefner et Suhail Rizvi, un discret investisseur californien, dont la compagnie Rizvi Traverse Management détient 60 % du capital. M. Hefner en détient encore 30 %.
Le magazine expérimentait déjà sur Internet, tâchant de rendre une part de ses contenus largement partageables sur Twitter et Facebook, ce dernier acceptant mal la nudité. En août dernier, le site a entièrement renoncé au nu intégral, avec un résultat encourageant. Il a vu la moyenne d’âge de son audience baisser de 47 à 30 ans, et sa circulation grimper de 4 à 16 millions de visiteurs uniques par mois.
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