De l'art et du bazar : Damien Hirst ouvre sa galerie

Comme la fondation Prada à Milan et le premier entrepôt du collectionneur Charles Saatchi à Londres, la galerie-musée de Damien Hirst se trouve au milieu de nulle part. Parions cependant que ce no man’s land ne va pas tarder à devenir un nouveau centre culturel de la capitale britannique.

Par Agnès Poirier

Publié le 13 octobre 2015 à 14h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h56

Prenez le métro jusqu’à Vauxhall, quartier Sud de Londres, marchez à l’ombre du viaduc et de la voie ferrée sur Vauxhall Walk, traversez des ensembles HLM et vous voici devant la Newport Street Gallery, dans la rue du même nom. Ce musée-galerie ouvre à tous les curieux à partir de ce weekend et son accès est gratuit. Nichée dans d’anciens ateliers victoriens en briques roses, utilisés à l’origine pour la fabrication de décors des théâtres du West End, le quartier général de l’ex-enfant terrible de l’art contemporain britannique aujourd’hui quinquagénaire, a coûté 37 millions d’euros en restauration et réaménagement.

L’artiste devenu entrepreneur et collectionneur, révélé au grand public pour ses vaches et requins découpés en rondelles et conservés dans des aquariums remplis de formol, s’est offert les services d’une agence d’architecture, Caruso St John, célébrée pour sa rénovation de la Tate Britain. Le résultat, à Newport street, est subtil, brut et presque minimaliste, et surprenant pour celui qui s’est fait connaître depuis vingt ans pour son outrance, son sens de l’esbroufe, et son goût certain du clinquant.

De grandes fenêtres et de hautes portes métalliques soulignent les volumes intérieurs tandis que trois escaliers ovoïdes en spirale s’élèvent comme de grandes cheminées et frappent les visiteurs par leur conception : un véritable tour de force architectural. On oublierait presque que nous sommes chez Damien Hirst.

Produits dérivés

Alors, que trouve-t-on à la Newport Street Gallery ? Tout sauf les œuvres de l’artiste dont la fortune est aujourd’hui estimée à plus de 300 millions d’euros. Nous ne verrons donc pas ses murs de papillons morts, ou son crâne serti de dents humaines et de 8 600 diamants. En revanche, on retrouvera Hirst dans l'esprit des lieux, dans les produits dérivés proposés à la boutique, et dans le café ou au restaurant du musée. Comme à la Fondation Prada de Milan, l’artiste et collectionneur n’en est pas moins commerçant. Le restaurant, par exemple, se nomme Pharmacy 2. Les Londoniens qui se souviennent de Pharmacy, la table ouverte par Damien Hirst en 1998 à Notting Hill, sauront à quoi s’attendre, mais ils devront patienter jusqu'à son ouverture prévue pour le début 2016 pour y faire une réservation.

Et l’art, dans tout cela ? Newport Street Gallery ouvre ses portes avec une exposition des œuvres de John Hoyland, décédé en 2011. Deux artistes seront mis en avant chaque année pour une période de six mois environ, aux côtés d’une sélection des 3 000 pièces de la collection personnelle de Damien Hirst, signées notamment Andy Warhol, Francis Bacon, Jeff Koons, Richard Price ou encore Richard Hamilton.

Hirst, dont les deux dernières expositions solo, « No Love Lost » à la Wallace Collection et « Two Weeks One Summer » à la White Cube Gallery, ont été fort peu appréciées des critiques, semble vouloir se reconvertir en gentleman collectionneur, promoteur de talents et commissaire d’expositions. Les 3 400 mètres carrés de son musée devraient l'y aider.

A voir :

« John Hoyland : Power Stations Paintings 1964-1982 », jusqu’au 3 avril 2016, Newport Street Gallery, Newport Street, London SE11 6AJ

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