Vendredi
9 janvier, François Hollande a vécu un moment rare. L’ensemble de la classe
politique française l’a soutenu et lui a manifesté sa sympathie après qu’une
revue people a prétendu qu’il entretenait une liaison avec une actrice.

Peu
importe que cela soit vrai ou non. Cette violation flagrante des lois
françaises draconiennes sur le respect de la vie privée ont soulevé un tollé,
et sont à l’origine de démonstrations de solidarité qui avaient jusque-là fait
défaut au président français, dont la popularité a dégringolé en chute libre
depuis son arrivée au pouvoir en 2012.Fin de l’omerta

Même Marine
Le Pen, la dirigeante du Front National d’extrême droite, qui n’a jamais
proféré une seule parole positive à l’égard de Hollande, a dû s’avouer choquée
par la couverture de Closer. “Je suis
pour le respect de la vie privée. Pour tout le monde, a-t-elle déclaré. A
partir du moment où ça ne coûte pas un centime au contribuable.”

En
France, les liaisons présidentielles sont la règle plutôt que l’exception, mais
grâce à des médias généralement complaisants et à une sorte d’omerta, il est
rare qu’elles soient de notoriété publique.

L’édition
spéciale de Closer, accompagnée d’un
article de sept pages illustré de photographies, a apparemment pris la classe
politique par surprise. Le magazine soutient que le président aurait traversé
Paris en scooter pour rendre secrètement visite à Julie Gayet, âgée de 41 ans.
Sur des clichés qui auraient été pris le lendemain, on peut voir le garde du
corps de Hollande devant l’immeuble de l’actrice avec ce qui serait un sachet
contenant des croissants.

Dans un
communiqué émis par l’Elysée, Hollande, âgé de 59 ans, n’a pas directement nié
l’information. Au lieu de cela, il accuse le magazine d’avoir violé sa vie
privée et dit envisager d’intenter une action en justice contre Closer, titre qui avait déjà suscité des remous en 2012
après avoir publié des photos de paparazzi où l’on voyait la Duchesse de
Cambridge en monokini lors de vacances dans le sud de la France. Dans le
communiqué, Hollande assure “déplore[r] profondément les atteintes au respect
de la vie privée auquel il a droit comme tout citoyen”.

Les
rumeurs à propos du président et de l’actrice n’ont rien de nouveau. En mars
2013, Gayet avait eu recours à la justice pour tenter d’identifier qui était à
l’origine de rumeurs qui, sur Internet, affirmaient qu’elle entretenait une
liaison avec Hollande. Lors de la campagne électorale de 2012, elle avait pris
part à une émission politique au cours de laquelle elle s’était montrée
dithyrambique au sujet du candidat socialiste, qu’elle avait décrit comme
“humble”, “incroyable”, un homme “vraiment à l’écoute”.

Dans
l’après-midi du 9 janvier, Laurence Pieau, directrice de la rédaction de Closer, a promis de retirer l’article du site du magazine à
la demande de l’avocat de l’actrice. On ne sait pas si une action en justice a
effectivement été intentée, mais Pieau a admis qu’il s’agissait d’une
“injonction très nette”.

Plus tôt
dans la journée, Pieau avait fait mine de ne pas s’inquiéter du scandale
suscité par l’article. “C’est un président normal, une personne normale. C’est
un président qui a un coup de cœur et une histoire. […] Il faut vraiment
dédramatiser autour de ces images,” avait-elle dit alors.Une information impossible à contrôler

Ce
scandale montre bien le gouffre qui sépare la Grande-Bretagne de la France dans
le domaine du respect de la vie privée. Le professeur Matthew Fraser,
spécialiste des médias à l’Université américaine de Paris, commente : “La
loi française ne se soucie pas de la “vérité”, contrairement au Royaume-Uni ou
aux Etats-Unis, où la presse est libre de publier quelque chose dont la
véracité peut être prouvée. En France, il est illégal de violer la vie privée
de quelqu’un, même si c’est la vérité. Ce n’est donc pas qu’une différence
culturelle, c’est la loi.”

Toutefois,
avec l’avènement des réseaux sociaux, il devient difficile pour les politiques
et les célébrités de se retrancher derrière les lois sur le respect de la vie
privée, précise-t-il. “Pour les personnalités en vue, il est extrêmement
complexe, c’est un euphémisme, de dresser une barrière entre la sphère privée
et la sphère publique à l’ère des réseaux sociaux. Autrefois, la vie des
personnages publics était orchestrée par des médias établis, eux-mêmes dominés
par des journalistes professionnels. Le public ne savait presque rien des vies
privées des politiques. Seuls les journalistes étaient au courant. Mais c’en
est fini des anciennes règles. Avec les réseaux sociaux, l’information est accessible,
elle se diffuse en quelques minutes. Il est impossible de la gérer ou de la
contrôler.”

Quand on
sous-entend que l’affaire pourrait en fait contribuer à redorer le blason du
président aux yeux des électeurs, Fraser se montre dubitatif. “Contrairement
aux conquêtes de ses prédécesseurs, qui étaient des hommes à femmes, cette
histoire a presque quelque chose de comique - comme une pièce de Feydeau -, une
impression encore accentuée par l’image de Hollande coiffé d’un casque filant
en scooter dans Paris pour se rendre à des rendez-vous secrets.”

Publié
le 10 janvier