Drivers working for car service company Uber, known as VTC drivers in France, wear stickers reading "Uber kills me" during a demonstration in front of the French Uber's headquarters on October 13, 2015 in Paris, as they protest against Uber's decision to trim prices charged in Paris by 20 percent to drum up more rides prices, a few weeks after Paris Taxis companies launched an aggressive strategy of price cut to keep market share.  AFP PHOTO / THOMAS SAMSON

Les conducteurs Uber lors de la manifestation devant le siège français, mardi.

AFP PHOTO / THOMAS SAMSON

Pour un certain nombre de chauffeurs Uber, la récente baisse des tarifs de 20%, pour maintenir la compétitivité d'Uber face aux taxis, est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Leur rentabilité, déjà mise à mal par le dumping d'UberPop pendant plusieurs mois, et les précédentes baisses de tarifs décidées par la plateforme, en prend un sérieux coup, quoiqu'en disent les dirigeants d'Uber. Alors ils se mobilisent. Une centaine manifestaient mardi matin à Paris devant les bureaux de la société, rue de Cambrai, aux cris de "Uber voleur, Uber assassin".

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"On ne fait plus aucun bénéfice, ils nous ont tués", a expliqué Juba Yemmi, chauffeur Uber depuis quatre mois, à l'AFP. "C'est impossible de travailler. On ne peut même plus donner une bouteille d'eau au client...", a-t-il poursuivi. "On n'a pas de syndicat, on ne se connaît pas entre chauffeurs, on n'arrive pas à communiquer ensemble. Il nous faut des syndicats pour qu'on puisse s'organiser."

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Un nouveau syndicat surprise

Voeu exaucé ? Un nouveau syndicat de chauffeurs Uber, le Syndicat des exploitants de transports de personnes (SETP), en cours de constitution, était justement sur les lieux et s'appropriait la paternité du mouvement. "On demande la course minimum à 15 euros. Nous ne sommes pas des chauffeurs de taxi, nous sommes des chauffeurs privés avec une qualité de course haut de gamme, les clients sont d'accord pour payer un peu plus cher", a estimé Farid Aieche, du SETP, interrogé par l'AFP.

Sur France Info, le porte-parole du SETP, Mohammed Radi, a expliqué que si Uber refusait de relever ses tarifs, il pourrait appeler à boycotter l'application, voire en créer une concurrente. Des menaces dont la portée est plus que limitée. Des applications concurrentes, il en existe déjà plusieurs : Snapcar, LeCab, Chauffeur Privé... Elles-mêmes réunies sous une fédération professionnelle, la FFTPR, qui s'est notamment battue contre UberPop.

Par ailleurs, la représentativité de ce nouveau syndicat, le SETP, qui aurait été créé lundi et ne dispose pas encore de statuts, est de fait quasi nulle pour l'instant. Combien de chauffeurs seraient-ils capables de mobiliser? La force d'Uber, ce sont ses 10.000 "partenaires" chauffeurs. Même si quelques centaines s'arrêtaient de travailler pour la plateforme, ce serait complètement indolore pour la société et les clients.

10.000 chauffeurs qui ne parlent pas d'une seule voix

La représentativité des chauffeurs, qui ne parviennent pas à se réunir sous une seule et même bannière, est un réel problème dans la construction du rapport de force avec les plateformes de mise en relation. Un chauffeur Uber expliquait il y a quelques mois à L'Express que la profession avait besoin d'être "forte comme les taxis", mais qu'il était "difficile de fédérer car tout le monde est concurrent".

Et si Mohammed Rabi se félicite que "la profession de VTC et de transport de personnes a un visage" désormais, en fait, elle en a déjà plus d'un. Lors de la manifestation de vendredi dernier à Paris contre la baisse des tarifs d'Uber, qui avait rassemblé quelques dizaines de chauffeurs, Pierre Chartier, le secrétaire de l'association CAPA-VTC, qui représente les chauffeurs VTC indépendants, s'était ainsi exprimé pour demander à être reçu par les dirigeants de l'application. L'association, créée en août, regroupe aujourd'hui environ 600 membres, selon Abdelkader Hamida, son avocat, contacté par L'Express. Fondée par une douzaine de chauffeurs "qui en avaient assez d'être représentés par des applications", elle a pour vocation de parler au nom de l'ensemble de la profession et d'assurer la défense de leurs intérêts.

D'après maître Hamida, du cabinet Vaughan Avocats, c'est la préfecture elle-même qui aurait proposé aux chauffeurs la création du SETP lors d'une réunion lundi, afin d'avoir un interlocuteur à qui s'adresser. Difficile pour elle, en effet, de gérer les rassemblements spontanés comme celui de vendredi, au cours duquel les CRS avaient été dépêchés.

Des "chauffeurs de maître" à l'appStore

Dans le secteur, il existe également des fédérations professionnelles, mais on ne les entend guère: la FFEVTC, syndicat historique des véhicules "de grande remise", qui sont l'ancêtre des VTC, pour clientèle huppée et grandes entreprises ; et la Chambre syndicale nationales des entreprises de remise et de tourisme, la CSNERT, qui représente une centaine d'entreprises et a été créée en 1945. Cette dernière ne représente pas non plus les chauffeurs collaborant avec des applications comme Uber, qu'elle qualifie de "néo VTC".

Dans ce paysage très atomisé, les chauffeurs ne pèsent pas lourd face au rouleau compresseur Uber. Et les clients, eux, sont servis, avec des prix toujours plus bas. Il en faudra davantage pour que l'application revienne sur sa politique tarifaire.

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