AboDes Suisses dans l'«enfer» d'un camp à la frontière serbe
Le photographe Petar Mitrovic et des bénévoles ont distribué habits et vivres à des réfugiés. Ils racontent.
L'émotion est encore palpable dans la voix de Petar Mitrovic. Vendredi, le photographe lausannois d'origine croate et huit bénévoles de l'association Humansnation quittaient le canton, direction la frontière serbo-croate. Leur objectif: apporter un soutien matériel aux migrants transitant par les Balkans.
Ils sont rentrés mardi, au terme d'une mission humanitaire qui les a marqués. «L'équipe s'est pris une claque», raconte Petar Mitrovic.
Réfugié en Suisse lorsqu'il était enfant, l'habitant de Montricher s'est reconnu dans ces enfants fuyant la guerre en Syrie. Déterminé à ne pas rester les bras croisés, il a lancé sur les réseaux sociaux début septembre un appel qui a suscité un élan de solidarité inespéré.
Des centaines de messages, des tas d'habits, des collectes organisées aux quatre coins du canton et au-delà: l'engouement a été tel qu'il a fallu mettre un frein aux velléités. «On avait peur de manquer de temps pour tout trier et de ne pas être prêts pour le départ.»
Alors qu'ils projetaient de partir avec une voiture, c'est finalement au volant de trois fourgonnettes et d'un camion remplis de cartons que Petar Mitrovic et les membres de l'association Humansnation – créée à cette occasion – ont pris la route. Ils étaient loin de se douter des écueils qui allaient se dresser sur leur chemin.
Vers un énième camp
Après avoir été ballottés de douane en douane, avoir rempli nombre de formulaires, promis de ne pas revendre habits et chaussures, ils n'ont pu fouler que lundi soir le sol serbe, à Sid, où les attendait un contact. C'est dans cette ville frontalière, au milieu d'un champ, que se trouve un «point de contrôle». Des centaines de migrants y transitent quotidiennement à la hâte, traversant à pied un «tunnel» de tentes menant à la frontière croate, où un bus les attend pour les conduire à un énième camp sur leur route vers le nord.
«On est arrivé la nuit, il faisait froid, il pleuvait, il y avait de la boue partout», se rappelle Eliana Alvarez, une des volontaires, domiciliée au Mont-sur-Lausanne. Sur place, des bénévoles tchèques et deux collaborateurs de Médecins sans frontières agissent déjà. Un car arrive, le premier d'une longue série: des flots de migrants, syriens, kurdes, afghans, défileront ce soir-là. «Ils n'avaient pas de veste, portaient des shorts, des sandales. Ils tremblaient, avaient l'air effrayé. Il y avait des enfants, certains handicapés, d'autres avaient les pieds nécrosés. Des mères portaient leurs bébés dans les bras, des couches étaient souillées depuis plusieurs heures.»
Eliana Alvarez n'a pas peur des mots: c'était un «enfer». Le «regard vide» de ces réfugiés déboussolés, parfois amorphes, certains ayant perdu des membres de leur famille en cours de route, hante encore Petar Mitrovic.
Trente heures à la douane
Avant de distribuer les marchandises, l'équipe doit les dédouaner. Mais, face à l'urgence, elle passe outre cette obligation. «On ne pouvait pas laisser les enfants comme cela, dit Eliana Alvarez. On a commencé à donner des chaussures, des vestes, des bonnets, ainsi que des boissons et des vivres achetés dans le village – on a dévalisé les trois boutiques du coin.
En quelques heures on avait tout distribué.» Ils quittent le camp à 1 h du matin, choqués. «Je savais que ce serait dur, mais je ne m'attendais pas à une telle misère», confie Eliana Alvarez.
Résolue à en faire plus, l'association Humansnation se rendra dans deux semaines au camp de Presevo, en Serbie. «Quand je pense que celui de Sid est classé en zone bleue, c'est-à-dire en situation maîtrisée, je n'ose pas imaginer à quoi ressemble celui de Presevo, en zone rouge», souffle Eliana Alvarez.
Tirant les leçons de leur premier voyage, trois bénévoles gagneront cette fois-ci leur destination en avion. Ils achèteront habits et nourriture à distribuer sur place. Un nouvel appel aux dons complétera ce qui leur reste de la première mission. «Nous avons passé près de trente heures aux douanes croates et serbes!» soupire Petar Mitrovic. «Avant de partir, personne n'a pu nous dire de quels papiers nous avions besoin, regrette Eliana Alvarez. Au contraire de ce que nous imaginions, le fait que cela soit une action humanitaire ne rend pas les choses plus simples.»
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