« L’association est un groupe de pression militant et une force de propositions qui a pour objectif de rendre les citoyens plus vigilants et les hommes politiques plus rigoureux dans leur gestion des affaires publiques ». Rien de physiologique dans ce premier paragraphe des « Objectifs d’Anticor » pas plus que dans reste du site d’ailleurs. « Cor » ici est la première syllabe de corruption, on l’aura compris.
La même plume est trempée dans l’encre indélébile qu’exige un texte fixant des règles éthiques d’une démocratie exemplaire. Alors on se félicite, on se congratule, on fait des serments, comme souvent avant des échéances électorales. Mais pas tous les candidats.
A Strasbourg par exemple, dans une liturgie convenue (photo de Bernard Naegelen ci-dessous), la cérémonie de signature avait un caractère plus incisif, même provocateur en raison d’une expérience plutôt dérisoire en 2012. N’était le côté drôle, on aurait peut-être oublié le côté révélateur d’une perception curieuse de la clarté des marchés publics par les élus. De plus leur confiance dans l’administration immuable qu’ils sont sensés contrôler, est aveugle, quand le chef la proclame ( voir ci-dessous).
François Loos candidat centriste à la mairie (UDI/Radical) ou plutôt celui qui se veut « l’alternative » entre PS et UMP, n’a pas manqué l’occasion de prendre le contre-pieds de son rival PS en signant des deux mains, propres svp, la charte présentée par Chantal Augé, la présidente d’Anticor67. Drôle d’histoire en effet.
Chantal Augé, adjointe en charge des marchés publics, débarquée en 2012.
Elle y serait bien restée dans l’équipe dirigeante, en dépit d’un coup de semonce réprobateur du maire sortant, le sénateur Roland Ries, mais pas en renonçant à ses principes notamment ceux auxquels elle a adhéré en devenant membre d’Anticor. « Inacceptable, car ce serait jeter la suspicion sur la municipalité et sur la probité de l’administration » : voilà ce qu’en substance, le maire lui reproche en la démettant de sa délégation d’adjointe pour s’être soustraite à sa règle de premier magistrat. Fichtre ! 42 voix sur les 44 de la majorité municipale ont souscrit à cette rétrogradation de leur collègue au rang de simple conseillère. Aujourd’hui, même parmi ces censeurs grégaires certains considèrent que ce fut pour le moins une maladresse. Médiatique ? Pas seulement mais gênante aussi pour un maire entendu par la Justice dans une affaire de marché public précisément. Petite, petite, pusillanime même cette affaire ! Une peccadille ou une erreur d’appréciation vraisemblablement mais çà fait mauvais genre, pour le « type propre » qu’on a élu pour çà.
Il faut tout de même reconnaître que Roland Ries aurait pu, comme tout un chacun, la signer cette charte. Le peut-t-il encore à présent ? Ses conseillers lui trouveront sans doute une habile formule de substitution.
Son ex-adjointe, Mme Augé, comme par hasard, n’est pas sur la prochaine liste du PS. A-t-elle sollicité aussi la signature de la sénatrice, ex-maire, Fabienne Keller, candidate de l’UMP et ex élue UDF ? Et bien d’autres dans le département. Oui bien sûr, la réponse est à venir.
Pas plus de deux mandats. Voilà une autre clause gênante.
François Loos s’est donc engagé, entre autres obligations, à celle de probité, d’ honnêteté, de clarté, d’équité, de justice, de prise en compte de l’opposition minoritaire etc… toutes choses qui vont de soi comme les quatre vertus cardinales sur lesquelles elles s’appuient depuis Platon. D’ailleurs, il les revendique aussi comme éthique fondamentale du parti radical dont il est issu.
Mais des petits détails peuvent faire rechigner quelques ambitieux incorrigibles. D’une part, le cumul des mandats exécutifs est strictement proscrit mais, plus contraignant encore, un troisième mandat ne saurait être toléré. Or Roland Ries en serait à son troisième, s’il était élu. Ou du moins au deuxième et demi ! Il avait accompli comme maire, la deuxième partie du mandat de Catherine Trautmann nommée ministre de 1997 à 2000. Cas particulier certes et ce ne sont là que billevesées par rapport à une réalité dans laquelle il est difficile de distinguer une « corruption avérée » d’une faiblesse accordant un privilège gratuit mais visée suspecté de clientéliste. N’empêche qu’Anticor doit tenir bon en favorisant et en relayant l’observation par les citoyens comme par les élus de l’observance des règles d’une réelle démocratie, sans jouer les sycophantes ou les accusateurs publics de sinistre mémoire. De la mesure ! Pas d’hybris ( la démesure chez les Grecs anciens). Difficile !
Le premier candidat à s’être déclaré pour la mairie est donc aussi le premier signataire de la charte. Il ne se refuse au demeurant à aucune prise de position sur des sujets plus locaux. Ainsi il prend fait et cause pour la charte européenne des langues régionales et minoritaires.
Dialectophone content de pratiquer, germanophone bien sûr, anglophone forcément ( ministre du commerce extérieur, il a signé de nombreux contrats souvent en anglais), il projette de soutenir et de promouvoir le bilinguisme dans la ville qu’il aspire à diriger, ne serait-ce que pour favoriser l’emploi des jeunes Alsaciens Outre-Rhin. « Pas de bilinguisme cosmétique ou de folklore mais un bilinguisme pour l’emploi ». En effet la démographie allemande connaît un déficit tel que de nombreux emplois sont disponibles. Les Alsaciens bilingues seraient sans doute préférés aux candidats des pays de l’Europe de l’est ou du sud.
Enfin François Loos n’est pas le seul candidat strasbourgeois à prôner ces positions mais il est souvent le premier à les affirmer haut et clair. On s’amuse à parler de « François toujours Premier », ce qui a dû être souvent le cas pour cet X-Mines. Une façon de combler le déficit de notoriété par rapport à ses principaux rivaux comme Roland Ries ou Fabienne Keller qui a reçu NKM qu’elle ira peut-être soutenir à Paris( ?) puis Wolgang Schaüble, le ministre allemand. Et vlan, François Loos recevra Rama Yade le 15 janvier après Edgar Morin. L’UDI sans le Modem à Strasbourg car ce qui reste de ce micro-parti est de surcroît atomisé sans compter les particules élémentaires égarées dans le vaste espace politique. Que Bayrou, pour une fois y fasse bon ordre !
Pas sûr que les électeurs strasbourgeois aient besoin de ces secours extérieurs pour faire leur choix. Certains rêvent encore d’une finale désormais impossible entre François Loos et Robert Herrmann, jadis envisageable. Ils rêvaient de neuf !
Antoine Spohr.