C’était une société modèle. Une vieille PME tricolore ayant réussi à grandir jusqu’à devenir un petit groupe solide, rentable, présent un peu partout dans le monde. Une de ces « entreprises de taille intermédiaire » dont la France manque tant par rapport à l’Allemagne, et que les dirigeants politiques citent en exemple. Ils ne pourront bientôt plus le faire : Montupet, qui emploie 3 200 personnes, est en passe de devenir canadien. Un symbole de plus du désarmement industriel de l’Hexagone.
L’opération, officialisée jeudi 15 octobre, réjouira les actionnaires de ce fabricant de pièces automobiles. En Bourse, l’action Montupet a d’ailleurs bondi de 14 % vendredi matin. Linamar, l’équipementier canadien adoubé par la direction de Montupet, a accepté de payer 71,53 euros par action, soit 15,5 % de plus que le dernier cours, et 27 % de plus que la moyenne des trente dernières cotations. Une jolie prime, sachant que les rumeurs de cession avaient déjà bien soutenu le titre depuis un an. En comptant les dettes, l’offre publique d’achat en projet valorise le groupe à 836 millions d’euros.
Des hauts et des bas
L’histoire de cette société, très représentative des heurs et malheurs de l’industrie française, débute en 1894. A Nogent-sur-Oise, en Picardie, Pierre Montupet construit au fond de son jardin un atelier pour fondre le cuivre et le bronze. La première pièce est coulée en septembre. Ainsi naît une PME qui travaille vite pour les constructeurs automobiles comme De Dion-Bouton ou Renault, les chemins de fer, la marine nationale et l’aviation. Elle survit aux deux guerres mondiales, mise avec succès sur l’aluminium et passe un temps dans le giron de Pechiney, le grand producteur national de métal blanc. Puis elle est reprise en 1986 par quatre cadres, dont l’actuel PDG, Stéphane Magnan.
La vieille PME tricolore est un symbole de plus du désarmement industriel de la France
Depuis, Montupet a connu des hauts et des bas. La crise a contraint le groupe à fermer des usines, y compris le site historique de Nogent-sur-Oise. La reprise des Fonderies du Poitou, en 2009, s’est terminée sans gloire par le dépôt de bilan de cette société. Mais, à présent, Montupet, recentré sur le bloc-moteur et surtout sur la culasse, est en grande forme. Son chiffre d’affaires, en hausse de 15 % depuis janvier, devrait franchir le cap des 500 millions d’euros sur l’année. La marge nette dépasse 10 % des ventes, un niveau exceptionnel dans l’industrie. L’entreprise est portée à la fois par l’essor de l’automobile mondiale, par la place croissante accordée aux pièces en aluminium et par sa position-clé sur ce marché. Certains constructeurs fabriquent eux-mêmes leurs culasses, mais ceux qui les achètent à l’extérieur n’ont guère le choix qu’entre Montupet et le mexicain Nemak. Ce duopole permet de tenir les prix.
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