
A peine un mois après la rentrée, l’université étouffe, et les syndicats étudiants appellent à la mobilisation pour une hausse du budget de l’enseignement supérieur, le vendredi 16 octobre à Paris. « Les conditions de vie des étudiants influent sur leur réussite académique et la politique du gouvernement améliore la vie étudiante », assurait, le 20 mai, la ministre de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Najat Vallaud-Belkacem, devant un parterre d’étudiants. Quatre mois plus tard, ils sont 38 700 de plus à étudier dans les facs. Usés, exaspérés de devoir se partager des chaises, des salles de cours, de se faire bousculer dans des couloirs trop étroits pour se rendre dans des amphithéâtres surpeuplés. Un grand nombre d’étudiants ont répondu à notre appel à témoignages sur leurs conditions d’études. Voici ce qu’ils écrivent.
Le temps ou seuls les amphithéâtres étaient bondés semble lointain, « ce sont de plus en plus les cours en travaux dirigés (TD) qui subissent la surpopulation », témoigne Marion C., en troisième année de licence à Nanterre. Difficile de pousser les murs, « mais les groupes censés réunir 20 élèves en comptent 45 ». Idem à Nantes, selon Caroline G., en fac d’histoire : « Nous sommes 60 à vouloir le même TD. » Il revient au professeur de désigner les heureux élus. Les autres devront se contenter des cours magistraux, mais « on a quand même le droit à un petit discours sur l’assiduité nécessaire », ironise Caroline.
Premier arrivé, premier servi
À Clermont-Ferrand, l’université Blaise-Pascal tasse 47 étudiants dans une salle de 34 places en histoire contemporaine, 96 dans une salle de 80 en histoire de l’art. « Les surnuméraires sont debout ou par terre », décrit Cyril T. Pas mieux à Strasbourg, selon Lorraine M., où 27 étudiants en master de finance se partagent « 19 chaises et 5 tables ». Même état des lieux à Nice, décrit Marie-Lou B., étudiante en histoire et science politique : « Les premiers arrivés sont les premiers assis. » Les autres partent ou tiennent sur leurs jambes. « J’ai souvent l’impression que l’administration espère que les étudiants abandonnent pour juste laisser quelques places assises. » La méthode du premier arrivé, premier servi prévaut également à l’université Jean-Moulin-Lyon-III, selon Théodore T., en première année de lettres modernes : une fois la classe pleine, « les professeurs refusent l’entrée aux derniers arrivants ».
Toutefois, « toutes les universités ne sont pas pleines à craquer », nuance Cécile G., étudiante en langues à Arras. « Je parlerais même de sous-population », insiste la jeune femme qui vante les capacités des universités d’Artois et du Littoral. Même analyse d’Anne B., de Chambéry, qui rappelle que des universités disposent de places, comme l’université de Savoie-Mont-Blanc, soulignant les « conditions idéales » de son cursus en géographie. Aux nouveaux étudiants de faire le bon choix, et d’éviter les territoires et les filières déjà bouchés.
Lorsque les salles de cours et les amphithéâtres débordent, l’intendance a également du mal suivre. À Nanterre, le restaurant universitaire est « totalement insuffisant », juge Marion C. Il faut jouer des coudes pour un repas, « promiscuité, bousculade, manque de sécurité », sont le lot quotidien pour pouvoir manger. À Bordeaux-Montaigne, c’est « sandwich » rapporte Clara G., faute d’avoir un accès raisonnable au restau U.
« La situation laisse sur le carreau les plus faibles »
Après avoir bataillé pour suivre un cours ou obtenir un repas, de nombreux étudiants rappellent qu’ils doivent aussi gérer des contraintes administratives, voire financières, lorsque les bourses d’études tardent alors que les charges sont, elles, régulières. « Dans un pays où l’éducation est censée être accessible à tous, pourquoi le système se bat-il contre nous ? », interroge Marie-Lou B.
Face à ce constat, les déclarations d’intention du gouvernement agacent : « Pour l’égalité des chances à l’entrée de l’université, la lutte proclamée contre l’échec en première année et la sécurisation des parcours pédagogiques, on repassera », s’indigne Cyril T.
Pour beaucoup, la dégradation des conditions d’études est une stratégie visant à afficher l’accès le plus large possible à l’enseignement supérieur, mais sans donner aux étudiants les moyens d’y réussir. « Au fil des semaines, les rangs se vident… », témoigne la bordelaise Clara G. « Pas d’inquiétude, avance dans un sarcasme Theodore T., la moitié des étudiants échoueront au premier trimestre », laissant autant de places aux plus endurants. « Les tenants de l’absence de sélection au nom de l’égalité ont tort, estime Vanessa M., la situation actuelle laisse sur le carreau ceux qui ont le plus besoin de conseils, d’encadrement. Les plus faibles. »
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