
Une pousse de haricot en plastique, accrochée aux cheveux par une épingle. C’est ainsi qu’a commencé le petit phénomène du tou shang zhang cao (« l’herbe sur la tête »), qui depuis quelques semaines a fait son apparition dans les rues chinoises. « J’en ai porté une avec mon petit ami quand on est allés dîner avec des amis », témoigne Wenjie, 26 ans, une jeune « bobo » de Pékin qui travaille pour un média chinois en ligne. « Pour avoir l’air bête ! C’est une manière d’être sarcastique », tente-t-elle d’expliquer.
Les vacances d’octobre, où des millions de touristes chinois partent se défouler dans des lieux touristiques, ont donné lieu à des mutations génétiques : à la pousse de haricot s’est jointe toute une palette végétale – fleurs, bananes, carottes, piments, champignons, tournesols – vendus 0,7 euro pièce dans la rue, et quelques centimes seulement par lots de dix sur Taobao, la foire en ligne chinoise. Des petits rigolos ont ensuite commencé à exhiber une cuisse de poulet, une saucisse, et même un cafard, comme si chaque itération était une manière de se moquer de la précédente.
Un accessoire anti bling-bling ? Le retour d’une tradition ?
La presse et les réseaux sociaux se sont mis en quête d’une explication. Le phénomène pourrait signifier un désir de retour à la simplicité, comme s’il s’agissait pour une partie de la jeunesse d’afficher l’accessoire le plus sobre, meilleur marché et incongru possible, en réaction à l’obsession du luxe et aux goûts clinquants des tuhao, les nouveaux riches, bien moins fiers en ces temps de chasse à la corruption et d’anémie boursière. Une tendance qui se rapproche de la tribu des « anti-consommation » – qui recyclent le plus possible – et de ceux partis se « mettre au vert » loin des grandes villes, comme à Dali, un village du Yunnan devenu une base « bobo ».
Des internautes ont fait remarquer que ceux qui portaient une fleur ou un brin d’herbe (des vrais, pas en plastique) dans la Chine ancienne signalaient qu’ils n’avaient plus qu’eux-mêmes à vendre - leur corps pour les prostituées ou leur force de travail pour ceux qui étaient prêts à devenir des serviteurs. La comparaison n’a pas été du goût de tout le monde : la pop culture, se sont-ils vu expliquer, n’a pas forcément ses racines dans la Chine ancienne.
Le chanteur taïwanais Jay Chou et son épouse, une herbe sur la tête
« L’herbe sur la tête », ont reconnu d’autres observateurs, est un avatar chinois de la culture japonaise du kawaii (« mignon »), qui en chinois se dit meng. D’ailleurs, une bande dessinée diffusée en ligne, Great Anny, dont l’auteure affiche 9 millions de clics sur son Weibo (le Twitter chinois), met en scène depuis longtemps un personnage dont la tête est ainsi surmontée d’une pousse chaque fois qu’il dit quelque chose de « mignon ».
Le magazine économique Caijing fait remonter la lubie du cao (prononcer « tsao », herbe en chinois) aux efforts marketing d’une société financière de Shanghaï, appelée Cai Miao Finance, dont le logo représente une pousse, et qui, pour sa promotion, avait diffusé, avant la mode actuelle, des photos de gens affublés d’une pousse verte.
Cette vogue du tou shang zhang cao a aussi bénéficié du coup de pouce, en septembre, du chanteur taïwanais Jay Chou, une star en Chine, quand il a mis en ligne une photo de lui et de son épouse avec un brin d’herbe sur la tête. De quoi faire fleurir des vocations.
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