Nouvelle-Zélande - Afrique du Sud samedi, Australie - Argentine dimanche (17 heures). Ce pourrait être une journée classique du Four Nations, l'équivalent de notre Tournoi des Six Nations pour les grandes nations de l'hémisphère Sud. Ce seront les demi-finales de la Coupe du monde de rugby 2015. Nouvelle-Zélande - Afrique du Sud est un classique du rugby, dont les racines plongent dans la première moitié du XXe siècle. Australie - Argentine n'est devenu un choc qu'avec la montée en puissance des Sud-Américains au tournant des années 1990 et 2000. Entre vieille rengaine et affiche à la mode, une certitude: les quatre pays vont régler entre eux la question de la suprématie du rugby mondial, à 11 000 kilomètres de Buenos Aires, 13 000 de Pretoria, 17 000 de Melbourne et 19 000 de Wellington. Pour la vieille Europe, anglo-saxonne ou non, c'est une humiliation, inédite dans l'histoire de la compétition.

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La moins bonne équipe du Sud (Argentine) devant la meilleure du Nord (Irlande)

C'était envisageable mais pas exactement prévisible. Il a fallu une surprise en quarts de finale pour aboutir à ce résultat. Il est venu de la victoire - nette et impressionnante - de l'Argentine sur l'Irlande (43-20). Que la moins bonne équipe du Sud ait dominé la meilleure équipe d'Europe constitue le symbole de cette sévère dictature. Considérer l'Argentine comme la moins bonne équipe du Sud est un enseignement du classement mondial World Rugby, où elle est sixième. L'Irlande est troisième. Qu'elle soit le maillon faible de l'hémisphère Sud n'est plus établi depuis qu'elle a terminé troisième du dernier Four Nations, pour la première fois, devant l'Afrique du Sud. Encore moins depuis les séquences offensives rapides et aériennes qui ont ébloui la compétition en début puis en fin de match dimanche à Cardiff.

La joie des Argentins qualifiés pour les demi-finales du Mondial, le 18 octobre 2015 à Cardiff

La joie des Argentins qualifiés pour les demi-finales du Mondial, le 18 octobre 2015 à Cardiff.

© / afp.com/DAMIEN MEYER

L'Afsud fut justement l'équipe la plus secouée ce week-end. Brave à en pleurer, le Pays de Galles n'a pas tenu la distance des 80 minutes contre la puissance des Springboks (23-19), auteurs de l'essai de la victoire à cinq minutes de la fin. La résistance de l'Ecosse à l'Australie fut carrément imprévue et encore plus passionnante. Moins bonne équipe d'Europe sur le papier, le XV du Chardon menait à la pause (16-15) et à une minute de la fin (34-32). Mais l'Australie, l'une des plus belles équipes du premier tour, a su transformer la dernière pénalité sous un pluie battante à trente secondes du coup de sifflet final. Le match qui incarne l'écrasante domination du Sud sur le Nord a été Nouvelle-Zélande - France, samedi, avec un 62-13 qui restera longtemps dans les mémoires.

Les Wallabies euphoriques, les Ecossais abattus, après le quart de finale épique entre les deux équipes à Twickenham, le 18 octobre 2015

Les Wallabies euphoriques, les Ecossais abattus, après le quart de finale épique entre les deux équipes à Twickenham, le 18 octobre 2015.

© / afp.com/MARTIN BUREAU

Finale forcément inédite

Les Blacks sont ceux qui ont laissé la meilleure impression lors des quarts de finale, devant l'Argentine. L'Australie et l'Afrique du Sud devront montrer davantage de maîtrise et de bagages pour se hisser à leur niveau. Mais, dans une compétition qui renverse beaucoup de repères week-end après week-end, chaque finale semble potentiellement possible. Elle sera forcément inédite.

Nouvelle-Zélande - Argentine, Nouvelle-Zélande - Australie, Afrique du Sud - Argentine et Afrique du Sud - Australie n'ont jamais eu lieu lors du dernier match d'une Coupe du monde. Nouvelle-Zélande - Australie est la finale la plus probable sur le papier. La Nouvelle-Zélande a remporté six de ses sept matches contre l'Afrique du Sud depuis la Coupe du monde 2011, mais celle-ci a réussi à déborder les Blacks il y a un an lors d'un test-match (27-25). La situation est rigoureusement la même entre l'Australie et l'Argentine: les Pumas ont fait basculer le test d'octobre 2014 (21-17) parmi une longue série de défaites contre les Wallabies.

L'Argentin Matias Moroni inscrit un essai contre l'Irlande, en quart de finale du Mondial le 18 octobre 2015 à Cardiff

L'Argentin Matias Moroni inscrit un essai contre l'Irlande, en quart de finale du Mondial le 18 octobre 2015 à Cardiff.

© / afp.com/FRANCK FIFE

Une nette rupture dans l'histoire de la compétition

Quatre équipes du Sud, zéro du Nord, c'est une rupture dans l'histoire de la Coupe du monde. A chaque édition depuis la première en 1987, deux équipes du Four Nations et deux du Vieux Continent se partageaient systématiquement le plateau des demi-finales. Une seule exception: en 1999, alors que les quarts de finale épousaient eux aussi le modèle de 2015 avec des affrontements Sud-Nord, l'équipe de France avait représenté le Nord face aux trois grandes équipes du Sud, et plutôt bien. Les Bleus avaient effacé la Nouvelle-Zélande en demi-finale (43-31).

Les joueurs du XV de France quittent Newport, leur camp de base, au lendemain de l'élimination de la Coupe du monde de rugby, le 18 octobre 2015

Les joueurs du XV de France quittent Newport, leur camp de base, au lendemain de l'élimination de la Coupe du monde de rugby, le 18 octobre 2015

© / afp.com/FRANCK FIFE

La palmarès de la Coupe du monde tel qu'il s'est construit avec le temps ne laisse, cependant, planer aucun doute sur l'orientation de la boussole du rugby mondial. La Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Afrique du Sud ont remporté deux titres chacune. L'Argentine est le seul demi-finaliste à n'avoir jamais joué de finale, mais tout semble possible pour elle. L'Europe n'a remporté la coupe Webb-Ellis qu'une fois, avec l'Angleterre en 2003. Inutile, à ce stade, de revenir sur le cas du XV de la Rose. Son échec au premier tour, et la distance qui l'a séparé de l'Australie en poules (13-31), a été le premier acte de l'annus horribilis du rugby d'Europe. Trois semaines ont suffi à consommer ses illusions.