DESINTOX

Philippot sur les réfugiés en Allemagne : une phrase, trois intox

Le numéro deux du FN affirme que l'Allemagne va régulariser 800 000 réfugiés, qui pourront ensuite tranquillement s'installer en France. Tout est faux.
par Jacques Pezet
publié le 19 octobre 2015 à 12h10

INTOX. Invité de l'émission BFM Politique dimanche 18 octobre, le vice-président du Front national Florian Philippot a prophétisé l'arrivée menaçante de centaines de milliers de migrants vers la France dans les années à venir. Selon lui, «une fois que ces 800 000 ou un million sont régularisés en Allemagne, ils ont parfaitement la possibilité de venir librement en France».

DESINTOX. Florian Philippot faire fort puisqu'il arrive à glisser trois intox en une seule déclaration : 800 000 migrants arrivés vont être régularisés en Allemagne, ils peuvent librement circuler en Europe une fois régulariés et ils souhaiteraient s'installer en France.

Désintox s'est déjà prononcé sur ces deux derniers points en septembre dernier, lorsque Nicolas Sarkozy inventait la libre installation des réfugiés au sein de l'espace Schengen. Pour rappel, nous expliquions d'une part que les refugiés Syriens préfèrent de loin l'Allemagne ou la Suède à la France, et surtout qu'un réfugié syrien ayant un titre de séjour en Allemagne peut certes se rendre en France (ou dans tout autre pays de l'espace)… mais pour une durée de trois mois seulement. Au-delà de ce délai, il y devient irrégulier et doit être renvoyé en Allemagne. S'il reste en France, il sera donc clandestin et, à la différence du pays dans lequel il a été régularisé, inéligible à l'ensemble des allocations sociales qui sont conditionnées à la régularité du séjour (à part l'aide médicale d'Etat, AME). Bref, contrairement à ce que Philippot affirme après Sarkozy, être un étranger en situation régulière en Allemagne ne permet pas de l'être aussi en France.

Philippot ajoute à cette intox une autre, concernant le chiffre de 800 000 migrants régularisés outre-Rhin. Le lieutenant de Marine Le Pen semble ignorer que ce nombre communiqué par le gouvernement allemand en août 2015, représente le nombre de demandeurs d'asile (Asylbewerber, en allemand) attendus cette année. Selon le Haut Commissariat aux réfugiés, un demandeur d'asile «est une personne qui dit être un(e) réfugié(e) mais dont la demande est encore en cours d'examen».

En d’autres termes, il s’agit d’une personne qui postule pour une régularisation. Aussi parmi les 174 545 personnes qui ont fait une demande d’asile entre janvier et septembre 2015 en Allemagne, tous n’ont pas eu une réponse positive. Selon l’Office fédéral allemand de l’immigration et des réfugiés (BAMF), seules 65 714 personnes (37,6%) ont obtenu le statut de réfugié contre 67 034 refus (38,4%). Les autres demandes se sont soldées par une protection d’expulsion ou un constat d’une interdiction d’expulsion, qui protègent le réfugié sans qu’il puisse bénéficier du droit d’asile. Pour comprendre ces chiffres, il faut se pencher sur les nationalités des demandeurs d’asile en Allemagne.

Les personnes originaires des Balkans (Albanie, Kosovo, Macédoine et Serbie) représentent 35,5% des cas examinés de janvier à septembre 2015. Un pourcentage qui frôle celui des refus (37,6%) et qui n’a rien d’étonnant puisque les demandes de ces pays aboutissent quasi systématiquement à un rejet de la part des autorités allemandes. Le Bundestag a d’ailleurs approuvé le 15 octobre 2015 l’ajout de l’Albanie, du Kosovo et du Monténégro à sa liste des pays sûrs (où figuraient déjà la Serbie et les autres pays des Balkans) et espère pouvoir décourager leurs ressortissants de se rendre en Allemagne. Ainsi sur les 800 000 demandeurs d’asile attendus en Allemagne, tous ne seront pas régularisés comme l’entend Florian Philippot.

Et pour ceux qui bénéficieront du droit d’asile, ils ne pourront se rendre en France au delà de trois mois, et surtout pas y faire du tourisme social.

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