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Politique

Une fracturation du monde inquiétante

La Chine qui vacille économiquement, l'Europe qui pourrait se déliter,  
la plongée russe et bientôt turque - dans le maelström du Proche-Orient: cette configuration internationale n’en finit pas d’inquiéter.
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Planète terre, photo NASA
La Nasa révèle lundi 20 juillet la première photo complète de notre planète depuis 43 ans. L'image a été prise avec un appareil de 4 mégapixels embarqué à bord d'un satellite scientifique, le Deep space climate observatory.
AFP / NASA

On n’aime pas dire cela. Si faible et vacillante qu’elle soit, il est toujours préférable de montrer la lumière au bout du tunnel que de se désoler de l’obscurité régnante mais le fait est que la dégradation de la situation internationale devient inquiétante.

Ce n’est pas que s’annonce une Troisième guerre mondiale. Vladimir Poutine ne veut pas en découdre avec qui que ce soit mais faire revenir la Russie à la table des grands. Les États-Unis échaudés n’envisagent plus les interventions extérieures qu’avec presque autant de réticences que l’Allemagne. L’Europe désarmée ne songe qu’à rétablir des frontières et l’on ne voit pas de grandes alliances prêtes à s’affronter.

Non, ce n’est ni 14, ni 39, ni aucune de ces grandes guerres qui avaient si longtemps déchiré le vieux monde mais comment ne pas voir l’incertitude qui domine partout, la peur de l’autre qui se répand comme un lent poison et l’implosion proche-orientale qui menace de gagner la Turquie ?

Prenons la Chine. Depuis un quart de siècle, c’est elle qui tirait l’économie mondiale. Elle était l’eldorado de ces temps mais pourrait bientôt connaître un chômage de masse car sa croissance repasse au-dessous des 7% annuels qui lui sont nécessaires pour garantir l’emploi. L’effondrement de la Bourse de Shanghai met, parallèlement, à mal ses nouvelles classes moyennes qui avaient investi là leurs économies.

Ce n’est pas l’apocalypse, vont répétant les analystes financiers. Ce n’est qu’un cycle, disent-ils, qu’une phase d’adaptation à un nouveau modèle plus fondé sur la demande intérieure que sur les exportations. Oui, sans doute est-ce vrai, mais la réalité est que la stabilité politique de la Chine reposait sur un marché passé entre sa caste dirigeante et sa population.

« Nous vous donnons les moyens de vous enrichir et vous nous laissez le pouvoir », disait le parti unique. Une poignée de dissidents mis à part, les Chinois acceptaient cet arrangement mais, maintenant que les vaches maigres arrivent, c’est un temps de troubles qui pourrait lentement s’ouvrir. Les producteurs de matières premières auraient alors à souffrir d’un nouveau recul des cours. Allemagne en tête, les pays les plus riches verraient se réduire leurs débouchés industriels et la direction chinoise pourrait, un jour, n’avoir plus d’autre carte à jouer que celle du nationalisme, matière hautement inflammable en Asie où les plaies du passé n’ont jamais été pansées.

Prenons l’Europe. Protection sociale, libertés et infrastructures à nulles autres pareilles, elle est le paradis qu’envie le reste du monde mais elle peine et peinera toujours plus à relever le défi des réfugiés alors que les nouvelles extrêmes-droites ne cessent d’y progresser, que ses grandes forces politiques s’anémient et que sa panne de croissance pourrait bien finir par y défaire l’État providence.

Si la Grande-Bretagne venait, en plus, à en claquer la porte, l’Union n’aurait plus qu’à trouver les moyens d’au plus vite fédérer son cœur au sein d’une grande zone de libre-échange. C’est son avenir, dira-t-on.

Ce serait, en effet, sa chance mais il lui faudrait, pour cela, des hommes d’État et des élites déterminées dont elle manque si cruellement que l’impossible ne l’est plus. Il n’est plus impossible que l’Union ne se délite, qu’elle ne se divise au lieu de faire front alors même que ses marches méridionales sont en feu et que la Russie rêverait de pouvoir profiter de son affaiblissement pour reconstituer sa zone d’influence perdue.

Prenons enfin le Proche-Orient. Vladimir Poutine s’est convaincu qu’il y avait, là-bas, une place à retrouver pour la Russie. Il croit qu’en allant, comme la cavalerie qu’on n’attendait plus, sauver le régime syrien d’un effondrement imminent il pourra réitérer, mais à l’échelle mondiale, ce qu’il avait fait à l’échelle nationale en éradiquant la rébellion tchétchène.

C’est cela qui avait assis son pouvoir à Moscou mais, contrairement à la Tchétchénie, la Syrie n’est pas une République russe. Ce n’est pas dans le Caucase qu’elle est située mais au carrefour d’une bataille d’influence entre les deux religions de l’islam et leurs chefs de file que sont l’Iran chiite et les monarchies sunnites. Vladimir Poutine a beau frénétiquement courtiser l’Arabie saoudite et tenter de la rassurer, les sunnites regardent désormais la Russie comme l’alliée de l’Iran et leur ennemie.

Le ton monte à Riad. Russie ou pas, les sunnites ne laisseront pas Bachar al-Assad tenter de remettre la main sur son pays éclaté. C’est une guerre de Trente ou Cent ans qui s’ouvre au Proche-Orient, une guerre dans laquelle la Russie s’est bien imprudemment engagée et dans laquelle plonge aujourd’hui la Turquie tant elle craint que ces conflits ne réveillent l’irrédentisme de ses propres Kurdes.

L’incendie se propage au Proche-Orient. La Chine s’essouffle. L’Europe se fissure. Les États-Unis se désengagent. C’est une configuration si nouvelle que la lumière au bout du tunnel, non, on ne la voit pas encore.

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