Les vraies conditions de travail des pilotes d'Air France

EXCLUSIF. Les navigants volent moins, sont mieux payés, et la compagnie doit organiser un sureffectif ! Une situation qui pourrait changer en 2016...

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Les navigants d'Air France sont mieux payés et volent moins que leurs collègues européens. 
Les navigants d'Air France sont mieux payés et volent moins que leurs collègues européens.  © AFP PHOTO / KENZO TRIBOUILLARD

Temps de lecture : 4 min

Deux critères principaux – salaires et temps de vol – sont pris en compte quand on veut comparer la productivité des pilotes d'Air France à celle de leurs homologues européens, cela hors charges sociales, un domaine où notre pays est champion. Les salaires, qui ont pu être récemment publiés, sont extraits du bilan social annuel de la compagnie, communiqué lors de l'assemblée générale annuelle. Pour ne pas fâcher les organisations professionnelles, seuls les minima garantis mensuels pour 65 heures de vol sont indiqués. C'est le salaire que touche un pilote en arrêt de maladie, par exemple. La réalité telle qu'elle apparaît dans les comptes opérationnels est assez différente, car elle intègre toute la série de primes et de majorations, comme celle du vol de nuit (50 %). Le déclenchement des heures supplémentaires au-delà de 65 heures mensuelles revient souvent à obérer la rentabilité d'un vol, note-t-on à Air France, où seulement 20 % des dessertes longs-courriers sont bénéficiaires.

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Conséquence, quand un commandant de bord de Boeing 777 coûte 260 000 euros par an à Air France, son homologue à Lufthansa revient à 210 000 euros et à l'équivalent de 200 000 euros chez British Airways, les compagnies européennes qui exploitent des réseaux comparables. La différence d'un salaire à un autre, qui peut atteindre 30 % en plus, n'est pas compensée par un tiers d'heures de vol en plus.

Travailler moins pour être payé plus

Au contraire, le Français vole 650 heures par an en moyenne quand l'Allemand et le Britannique atteignent 850 heures et sont proches du plafond légal de 900 heures. Toujours 30 % d'écart, cette fois en moins. Dans les compagnies du Golfe, la méthode de calcul des temps de vol peut être différente et crédite le pilote seulement quand il est réellement aux commandes, "on stick", selon l'expression consacrée. S'il se repose dans l'espace dédié de l'avion, son temps de vol n'est pas compté. Sinon, il pourrait atteindre 1 200 heures par an.

À cette double peine pour Air France des hauts salaires et des bas temps de vol s'ajoutent diverses contraintes sur les effectifs. Ainsi, les pilotes peuvent prendre quinze jours de vacances en juillet et en août, quand la compagnie connaît son pic d'activité. Elle doit donc être configurée pour cette période et supporter un sureffectif le reste de l'année.

Au jour le jour, les 270 accords sociaux régissant les navigants génèrent sans cesse des pénalités par rapport aux autres compagnies. Tous les avions de ligne modernes sont pilotés à deux : un commandant de bord et un copilote, qui ont les mêmes compétences et le même niveau de formation. Seule l'expérience du commandant de bord lui donne des prérogatives supplémentaires et nécessaires quand des décisions techniques ou relationnelles doivent être prises. Ces deux hommes sont renforcés par un troisième – un copilote – dès que le vol est un peu long pour permettre de partager quelques heures de repos. À Air France, le troisième homme est obligatoire dès qu'un vol avec départ de nuit dépasse huit heures. À Lufthansa, le renfort intervient à partir de neuf heures de vol et, dans les autres compagnies, à partir de dix heures. Conséquence, Air France doit disposer de plusieurs centaines de copilotes de plus que ses concurrents à réseau comparable.

L'exemple de Delta Airlines

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Un coup de pouce à l'effort de productivité demandé par la direction d'Air France pourrait être apporté par l'Europe. En effet, le 18 février prochain, tous les pays doivent appliquer le Flying Time Limitation (FTL). Cette règle gère la durée des vols. La France est le seul pays des 28 à ne pas encore l'avoir mis en place. Sa logique repose sur trente ans d'analyses de la gestion de la fatigue dans le contexte de la sécurité des vols. Le règlement français actuel contenu dans le Code de l'aviation civile, né pendant les années 50, à l'époque du DC-3 et du Super Constellation, s'attache plus à définir des jours de congé. Ainsi, au moment de l'accord général sur les 35 heures en 2000, les pilotes ont bénéficié de quinze jours de congé supplémentaires. "L'application du FTL à l'aviation française est une chance pour le secteur. Sinon, on peut craindre à terme que le pavillon tricolore ne disparaisse du ciel", note Alain Battisti, président de la Fédération française de l'aviation marchande, la fédération professionnelle des compagnies aériennes.

Si, en France, une baisse des salaires n'est pas envisagée, elle est intervenue aux États-Unis notamment chez Delta en 2005, quand la compagnie s'est mise sous la protection du chapitre 11, autrement dit quand elle a déposé son bilan. Un commandant de bord B777 qui était payé 319 dollars de l'heure en 2003 ne recevait plus que 185 dollars en 2006. Son salaire horaire de 270 dollars en janvier dernier n'est pas encore revenu au niveau de 2003.

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Commentaires (28)

  • jepast

    La situation chez Air France est abracadabrante ! Ce n'est pas possible de penser que la direction et également les pilo...te en arrive là.
    La France devient un pays de cocagne et qui en pâti ? Nous les utilisateurs. BRAVO.

  • JLL

    Vous allez nous faire pleurer, vos conditions de travail sont inadmissibles, vos salaires ridicules, votre formation con...tinue laisse à désirer pour certains selon les propos d'un ami instructeur dans votre compagnie.
    A quand la faillite de cette compagnie, et tant que l'on y est la SNCF aussi.

  • saintanas

    La tragédie se poursuit inexorablement ; la surenchère se déroule, comme d'habitude, dès lors qu'il s'agit de réaliser d...es efforts vitaux pour la survie d'une entreprise et non des moindres. Les acteurs sociaux se reprochent mutuellement d’être responsables des difficultés actuelles mais ne raisonnent pas plus loin que leur "bout du nez", à la petite semaine ; ils sont complètement déconnectés des réalités économique et commerciale : cherchent-ils l'annonce de la disparition de leur entreprise ? À priori, ils y vont tout droit, bornés et aveuglés, sans nul doute !