On risque de “balkaniser” le web
Financial Times (extraits) – Londres
Si les révélations d’Edward Snowden sur la cybersurveillance à grande échelle mise en œuvre par des agences d’espionnage américaines font moins souvent la une des médias qu’à une époque, elles n’en continuent pas moins de porter préjudice aux relations transatlantiques. Furieux d’apprendre que les citoyens européens étaient espionnés par la NSA, dirigeants politiques et juges du bloc européen sont déterminés à faire passer des lois sur la protection des données afin d’entraver ce type de pratiques à l’avenir. Or, si elle garde ce cap, l’Europe risque de causer bien plus de tort à ses relations commerciales avec les Etats-Unis qu’aux agences de renseignement américaines.
La passe d’armes entre Washington et Bruxelles au sujet de la cybersurveillance a pris un nouveau tour cette semaine après les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Yves Bot. En vertu d’un accord entre l’UE et les Etats-Unis baptisé “Safe Harbor” [sphère de sécurité], signé voilà de cela 15 ans, plus de 4 000 entreprises du Web – parmi lesquelles Facebook, Google, Twitter et Amazon – peuvent transférer à grande échelle, aux Etats-Unis, des données recueillies en Europe. Cette semaine, Yves Bot a invalidé cet accord, au motif que les mesures de protection de la vie privée étaient insuffisantes de l’autre côté de l’Atlantique. A ses yeux, les Etats-Unis ne protègent pas les données personnelles des citoyens européens contre la “surveillance massive et non ciblée” exercée par les services de renseignement américains.
Les conclusions d’Yves Bot n’ont aucun caractère contraignant et la décision définitive doit être prise par la CJUE l’année prochaine. Les responsables politiques et les législateurs européens doivent prendre conscience des répercussions économiques qu’entraînerait l’adoption d’un tel projet de loi. Les entreprises américaines du Web seraient dans l’impossibilité de faire sortir de l’Europe les données de leurs clients et se verraient ainsi obligées de mettre en place des dispositifs de stockage parallèles coûteux sur le sol européen. La CJUE a d’ores et déjà mis la pression sur Google et d’autres moteurs de recherche en donnant le droit aux citoyens de réclamer la suppression des résultats de recherche gênants les mentionnant. L’abandon du “Safe Harbor” confirmerait l’impression que l’Europe est un terrain miné pour les entreprises américaines sur le plan réglementaire.
Plus préoccupant encore, l’adoption d’un tel projet de loi renforcerait le risque d

- Accédez à tous les contenus abonnés
- Soutenez une rédaction indépendante
- Recevez le Réveil Courrier chaque matin

Fondé en 1888 sous le nom de London Financial Guide, un journal de quatre pages destiné “aux investisseurs honnêtes et aux courtiers respectables”, le Financial Times est aujourd’hui le quotidien financier et économique de référence en Europe. Il n’y a pas une institution financière ou banque digne de ce nom qui ne reçoive un exemplaire de ce journal britannique immédiatement reconnaissable à son papier rose saumon.
Racheté par le groupe japonais Nikkei en 2015, le “journal de la City” voit son nombre d’abonnés à l’édition papier s’éroder peu à peu, mais a dépassé 1 million d’abonnés numériques en 2022. Plus de la moitié de l’ensemble de ses abonnés résident hors du Royaume-Uni.
Plus de 600 journalistes répartis dans plus de 40 pays collaborent au titre.