Capture d'écran de différents sites particulièrement visés dans l'actualité pour ses notes suspectes.

Les notes sur Amazon, TripAdvisor, Allociné et de nombreux autres sites de vente en ligne ne sont pas toujours fiables. Pourtant, les consommateurs continuent de les prendre en compte.

Montage L'Express

Faut-il croire les notes et les avis sur Internet? Si l'on se fie aux sondages, les consommateurs auraient plutôt tendance à répondre par l'affirmative. Selon une enquête Nielsen de 2013, par exemple, 80% des acheteurs en ligne déclarent tenir compte de ces avis et 68 % font confiance aux opinions postées par d'autres consommateurs.

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Pourtant, ils auraient tort. En témoignent les chiffres publiés par la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF), mais aussi les dernières affaires retentissantes. D'AlloCiné et ses notes attribuées au film Les nouvelles aventures d'Aladin à Amazon qui attaque ses faux contributeurs en justice en passant par TripAdvisor, encore récemment ciblé pour ses faux commentaires: faux avis positifs monnayés, ou négatifs rédigés par des concurrents, plateforme de "vente de clics ou de commentaires"... Les raisons de se méfier sont nombreuses.

Les critiques (trop) positives d'AlloCiné

Les notes attribuées à Aladin sur AlloCiné seraient-elles trop positives pour être honnêtes? La question -faussement ingénue- est posée par L'avenir. Section commentaires étrangement fermée -ce qui est extrêmement rare-, neuf critiques -globalement très favorables- mises en ligne contre une vingtaine au moins pour les autres films, de très nombreux commentaires positifs donnés par des comptes créé à l'occasion... En fait, L'avenir n'a quasiment aucun doute quant à la culpabilité d'AlloCiné et en profite pour accuser Webedia -propriétaire d'AlloCiné- de publi-rédactionnel, notamment en pointant ce post Facebook.

La longue réponse d'AlloCiné, publiée lundi sur son site, ne convainc personne. Sur la fermeture des commentaires, le "portail cinéma" explique avoir fait face à "un nombre significatif de critiques à caractère antisémite". Pourtant, les commentaires de films comme Qu'Allah bénisse la France ou Un Français, bien plus polémiques que le gentil Aladin, n'ont pas été fermés.

AlloCiné ment

Sur les notes, AlloCiné se perd en explications confuses, insistant sur le fait que "la note presse est l'agrégation d'un large panel de titres de presse fixé depuis 2 ans" soit une "cinquantaine de titres" et que c'est un travail "fait à la main par notre équipe". "Dans le cas des Nouvelles aventures d'Aladin, notre équipe a recensé toutes les critiques du panel disponibles vendredi 16 octobre au soir, en complétant ce lundi 19 octobre pour intégrer d'éventuelles publications ultérieures. Soit 9 critiques au total", se défend encore le site. Sauf que c'est faux.

Le Figaro, qui fait partie du panel des 50 sites évoqués, a publié une critique au vitriol le 13 octobre: "dialogues écrit avec une babouche", "scénario aussi fin que le voile de la princesse"... Aucune trace sur AlloCiné. Pire, les critiques de Paris Match et de 20 minutes, loin d'être dithyrambiques, sont traduites par un 3/5 et un 4/5 étoiles. 20 minutes s'en est d'ailleurs ému sur son propre site. Faut-il alors croire la plateforme spécialisée quand elle affirme qu'"aucun contenu n'a été acheté/commandé/sponsorisé pour Les Nouvelles aventures d'Aladin" tout en reconnaissant vivre "évidemment avant tout de la publicité, et notamment la promotion payante de films"? De toute façon, dans le milieu du cinéma, le trucage de commentaires est un secret de polichinelle, estime Télérama.

Le procès d'Amazon contre ses propres (faux) contributeurs

De l'autre côté de l'Atlantique, une autre affaire d'avis suspects secoue Amazon. Le géant de la vente en ligne a attaqué en justice, vendredi 16 octobre, plus d'un millier d'internautes qu'il accuse de publier des commentaires "mensongers et trompeurs" moyennant rémunération. La firme, sûre d'elle, affirme avoir détecté les petits malins en achetant elle-même de faux commentaires. Elle a également été avertie par son système de détection que ces internautes utilisaient plusieurs faux profils avec une seule connexion Internet.

À l'origine de la fraude, le site Fiverr, qui propose aux internautes d'offrir leurs services, comme publier de faux commentaires, pour quelques euros ou dollar. Fiverr, dans un communiqué, a promis que ces services n'étaient pas autorisés et a affirmé retirer les offres concernées lorsqu'on les lui signalait. Sauf que ces annonces sont souvent très vagues. Et Fiverr est loin d'être le seul à offrir ce genre de service. Comme le rappelle Le Monde, Amazon a déjà attaqué en justice trois sites de ce type d'affaires, qui nuisent évidemment à son image.

TripAdvisor, champion de la foire au commentaire

Sans oublier un autre phénomène, apparemment moins répandu mais pas moins trompeur: la proposition de certains vendeurs de réévaluer -positivement- sa critique contre rémunération. L'Express a par exemple reçu un mail d'une société allemande proposant "un rabais de 10 euros" pour "reprendre l'évaluation négative" après avoir acheté un fauteuil de bureau et donné une note de 3/5 étoiles. Voir ci-dessous:

On pourrait également évoquer TripAdvisor, très souvent épinglé, comme lors de cette récente enquête du Daily Mail qui dénonce les nombreux commentaires fallacieux, et même condamné en 2014 par l'autorité nationale de la concurrence italienne à payer une amende de 500 000 euros. Une pratique que l'on retrouve, en fait, sur presque tous les sites de vente en ligne et en particulier ceux liés au tourisme, explique Atlantico. Et même si des sites comme AirBnB ou Alloresto tentent de limiter les abus, par exemple en autorisant les commentaires seulement après avoir payé et utilisé le service, la duperie est encore possible (par une entente entre un vendeur et un amis, par exemple).

Avis des consommateurs: 45% d'anomalies en France

La rédaction de "faux avis", la suppression de commentaires négatifs, le traitement plus rapide de ceux élogieux: des pratiques très répandues, selon les derniers chiffres de la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF), qui estime que le taux d'anomalie avoisine les... 45%! Une pratique en pleine explosion puisque le rapport de 2014 pointait "seulement" 28,8 % entre 2010 et 2013.

Les consommateurs, pourtant conscients de ce phénomène, continuent de considérer les critiques comme une source supplémentaire d'information, expliquait Andreas Munzel, chercheur au Centre de recherche en management de Toulouse et spécialiste du sujet, interrogé par L'Entreprise.

>> Lire aussi: Avis en ligne: le-commerçant doit respecter des règles

Un paradoxe qui s'explique par l'orgueil -ou la clairvoyance- des internautes, persuadés de pouvoir distinguer les vrais commentaires des faux. Aucune surprise, dès lors, à ce que les agences d'e-réputation et autres revendeurs de clics, et d'étoiles prospèrent.

La nécessité de réguler

Les systèmes de notation se développent donc et se spécialisent de plus en plus, quitte à parfois prendre des allures dystopiques. La très controversée application Peeple, par exemple, comptait proposer de "noter les gens" -votre collègue est moche? Hop, 1 étoile; votre voisin est canon? Hop, 5 étoile- avec des options et des règles particulièrement ahurissantes. Finalement, le projet a été quasi-abandonné après que les deux créatrices aient été victimes de ce que l'application promettait: harcèlement en ligne et critiques virulentes, pointe Slate.fr.

Mais l'idée n'est pas morte pour autant. La Banque centrale chinoise a décidé que plusieurs entreprises pourraient créer des "systèmes de notation de la population". Alibaba (vente en ligne) et Tencent (investissement) sont déjà dans les starting bloc pour un projet qui devrait voir le jour d'ici 2020. Le but: limiter les crédits non remboursés. Le moyen: se baser sur les finances des citoyens, leurs profils sur les réseaux sociaux, le temps passé au téléphone... Bref, l'utilisation du big data façon Meilleur des mondes, qui ne manquera pas de relancer le débat non seulement sur la "fiabilité des notes", mais aussi sur leur moralité.

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