Des rescapées de Boko Haram photographiées par une Néo-Zélandaise

La photographe néo-zélandaise Ruth McDowall a photographié des ex-otages de Boko Haram. Son travail est exposé jusqu'au 1er novembre au Festival Photoreporter de Saint-Brieuc.

Par Propos recueillis par Emmanuelle Skyvington

Publié le 23 octobre 2015 à 07h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h57

Exposée parmi les dix artistes invités au Festival Photoreporter de Saint-Brieuc (22) jusqu'au 1er novembre 2015, la photographe Ruth McDowall (Nouvelle-Zélande) s'est installée depuis 2008 au Nigeria pour couvrir le conflit ethnique et religieux qui déchire ce pays. Son travail porte principalement sur les jeunes filles qui ont été prises en otages par le groupe djihadiste salafiste Boko Haram – désormais affilié à l'organisation Etat Islamique (EI). Ces survivantes ont réussi à fuir les camps où elles étaient captives. Ruth McDowall porte sur elles un regard tout en pudeur sans masquer ni leur force, ni les traumatismes qu'elles ont subis. La photographe revient pour Télérama sur la construction de ce travail. (Passez votre souris sur les images)
Lydia se trouvait dans un bus quand un membre de Boko Haram l'a arrêté pour monter à bord. « Tout le monde autour de moi me disait que je devais prétendre être musulmane, sinon on allait me tuer. On nous a emmenées dans un camp de Boko Haram dans la forêt de Sambisa. J'y suis restée trois jours. Finalement, les insurgés m'ont libérée. »

Lydia se trouvait dans un bus quand un membre de Boko Haram l'a arrêté pour monter à bord. « Tout le monde autour de moi me disait que je devais prétendre être musulmane, sinon on allait me tuer. On nous a emmenées dans un camp de Boko Haram dans la forêt de Sambisa. J'y suis restée trois jours. Finalement, les insurgés m'ont libérée. » © Ruth McDowall

Martha, 14 ans. « Le 7 septembre 2014, alors que je me rendais à un mariage, j'ai été enlevée par les membres de Boko Haram. Ils ont assassiné mon beau-frère et le fiancé de ma sœur, puis nous ont emmenées, mes deux sœurs et moi, dans leur camp à Gulak. J'y ai passé quatre mois pendant lesquelles j'ai beaucoup souffert (…) Ils m'interdisaient de parler, et je parlais, alors ils me battaient. Ils m'interdisaient de chanter, et je chantais, alors ils me battaient. » Après quatre tentatives d'évasion infructueuses, Martha a réussi à échapper à ses tortionnaires. L'adolescente se dit « hantée par cette expérience. Je me souviens de tout et je pleure. »

Martha, 14 ans. « Le 7 septembre 2014, alors que je me rendais à un mariage, j'ai été enlevée par les membres de Boko Haram. Ils ont assassiné mon beau-frère et le fiancé de ma sœur, puis nous ont emmenées, mes deux sœurs et moi, dans leur camp à Gulak. J'y ai passé quatre mois pendant lesquelles j'ai beaucoup souffert (…) Ils m'interdisaient de parler, et je parlais, alors ils me battaient. Ils m'interdisaient de chanter, et je chantais, alors ils me battaient. » Après quatre tentatives d'évasion infructueuses, Martha a réussi à échapper à ses tortionnaires. L'adolescente se dit « hantée par cette expérience. Je me souviens de tout et je pleure. » © Ruth McDowall

Ces deux chaises en plastique vides ont été prises dans l'Etat du Plateau au Nigéria. Cette région accueille aujourd'hui les anciens captifs de Boko Haram. C'est dur d'expliquer pourquoi j'ai fait cette image : ces adolescentes étaient des jeunes filles innocentes de 15 ans. Elles ont été arrachées à leur vie d'avant. Même si on ne les voit pas et qu'on sait qu'elles sont enfin en sécurité, on sent que quelque chose manque dans cet espace refuge, protégé de la violence. Il se dégage une sorte de vide. C'est ce vide que j'ai lu dans les yeux et les expressions de toutes ces filles.

 

Ces deux chaises en plastique vides ont été prises dans l'Etat du Plateau au Nigéria. Cette région accueille aujourd'hui les anciens captifs de Boko Haram. C'est dur d'expliquer pourquoi j'ai fait cette image : ces adolescentes étaient des jeunes filles innocentes de 15 ans. Elles ont été arrachées à leur vie d'avant. Même si on ne les voit pas et qu'on sait qu'elles sont enfin en sécurité, on sent que quelque chose manque dans cet espace refuge, protégé de la violence. Il se dégage une sorte de vide. C'est ce vide que j'ai lu dans les yeux et les expressions de toutes ces filles.   © Ruth McDowall

Dessin du camp réalisé par Mairama, 16 ans. Cette adolescente a été capturée dans son village dans la  nuit du 30 septembre 2013. Elle a passé trois semaines dans un camp dans les collines de Gwoza. Les hommes de Boko Haram l'ont forcée à se marier. Elle a refusé de dormir avec son époux qui l'a menacée de l'assassiner. Elle est parvenue à s'évader avec deux autres filles. « Aujourd'hui, je vais de nouveau à l'école et j'aimerais devenir un jour infirmière », explique-t-elle à la photographe.

Dessin du camp réalisé par Mairama, 16 ans. Cette adolescente a été capturée dans son village dans la  nuit du 30 septembre 2013. Elle a passé trois semaines dans un camp dans les collines de Gwoza. Les hommes de Boko Haram l'ont forcée à se marier. Elle a refusé de dormir avec son époux qui l'a menacée de l'assassiner. Elle est parvenue à s'évader avec deux autres filles. « Aujourd'hui, je vais de nouveau à l'école et j'aimerais devenir un jour infirmière », explique-t-elle à la photographe. © Ruth McDowall

Ces rescapés ont deux visages. Dommage qu'on ne puisse, pour leur sécurité et le respect de leur vie privée, dévoiler leurs traits : les filles ont une personnalité joyeuse, elles rient. Mais quand on commence à les interroger sur ce qu'elles ont vécu, à la fin de l'entretien, une immense mélancolie les submerge. C'est cette émotion que je voulais faire passer à travers ces portraits. »

A voir
Photoreporter Festival International en baie de Saint-Brieuc, jusqu'au 1er novembre 2015. Carré Rosengart, port du Légué, et Maison de la culture, centre ville. Entrée libre.
Le site de Ruth McDowall

 

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