
On savait que la diplomatie est une politique à géométrie variable. La vérité d’aujourd’hui n’est pas forcément celle de demain, les principes qui guident l’action des Etats ici ne sont pas nécessairement ceux observés là-bas. Ce qu’on condamne dans tel pays est regardé avec indifférence dans tel autre.
Mais il y a des revirements qui donnent le tournis et vous donnent l’envie de vomir tripes et boyaux. Est de ceux-là le spectaculaire virage dont vient de nous gratifier le chef de l’Etat français, François Hollande, pour ne pas dire la France tout entière, au sujet du référendum constitutionnel au Congo qui doit permettre au président Denis Sassou-Nguesso de se représenter à l’élection de 2016, après plus de trois décennies de règne cumulé.
Le grand chef blanc a tout faux
Alors que Brazzaville et Pointe-Noire s’embrasent, alors qu’on commence à compter les morts après la répression sanglante contre des manifestants aux mains nues, alors que les organisations internationales de défense des droits de l’homme s’inquiètent des menaces que ce référendum fait planer sur le Congo, voilà le locataire de l’Elysée qui pousse à la roue une entreprise de tous les dangers.
En effet, mercredi 21 octobre 2015, lors d’une conférence de presse avec son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, en visite d’Etat à Paris, Hollande s’est fendu d’un soutien à la révision rétrograde que le chef de l’Etat congolais s’entête à imposer à la Constitution de son pays. “Nous respectons les choix, toujours, des autorités légitimes. Au Congo, le président Sassou peut consulter son peuple, cela fait partie de son droit et le peuple doit répondre.” Dans l’absolu, c’est vrai. Le grand chef blanc a raison. Quoi de plus normal pour un dirigeant que de se référer à l’arbitrage du peuple, dépositaire légitime du pouvoir politique.
Mais dans le cas présent, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste français a tout faux. Comme ce fut le cas au Burkina Faso et au Burundi, c’est moins une question de “droit” que d’opportunité et de bon sens politique. Car ce qui était en jeu dans ces deux pays et l’est aujourd’hui au Congo, c’est question d’intérêt personnel. Dans ce dernier, la réforme constitutionnelle vise d’une part à neutraliser le principe de limitation du nombre de mandats et d’autre part à sauter le plafond de la limite d’âge à l’élection présidentielle.
De qui est cette déclaration ?
Deux dispositions qui font obstacle à la candidature de Sassou en 2016. On croirait entendre un autre Hollande diamétralement opposé à celui qui avait enfilé l’armature du preux chevalier de l’enracinement des valeurs démocratiques en Afrique et qui s’était pris d’admiration pour le peuple burkinabé qui est venu à bout des velléités de Blaise Compaoré de réformer la Constitution pour pouvoir prolonger son bail à la tête de son pays. A moi président Hollande, deux mots. De qui est cette déclaration :
L’Afrique a besoin qu’on promeuve partout les valeurs démocratiques. Et encore ces derniers jours, la population du Burkina Faso a fait une belle démonstration qui doit, à mon avis, faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir au-delà du temps nécessaire à la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel. Parce que ce qu’a fait le peuple du Burkina Faso, c’est tout simplement de faire respecter le droit et permettre que l’on empêche de réviser une Constitution, une loi fondamentale pour convenances personnelles.”
Eh bien, au cas où vous l’auriez oublié, permettez-moi de vous rappeler qu’elle est de vous. C’est vous qui l’avez faite le vendredi 21 novembre 2014, lors de la remise du prix Fondation Chirac pour la prévention des conflits à la blogueuse et militante des droits de l’homme tunisienne Amira Yahyaoui.
Le coq gaulois a béni la forfaiture congolaise
Quelques jours après, le 30 novembre de la même année, lors du XVe Sommet de la francophonie à Dakar, dans un discours qui a eu valeur d’avertissement à nombre de vos homologues africains suspectés de “tripatouillite” aiguë, vous avez salué l’héroïsme des Burkinabés, qui, au terme d’une insurrection, ont chassé Blaise Compaoré du pouvoir pour ce que l’on sait déjà. Moins d’une année après, au nom des intérêts, le Congo vaut un retournement de veste.
Ô rage ! ô désespoir ! ô reniement complice ! Ce que Hollande a pu se permettre de seriner contre un Blaise Compaoré, président d’un pays pauvre très endetté et sans grandes ressources, il ne peut se l’autoriser avec Denis Sassou-Nguesso, à la tête d’une monarchie pétrolière.
Avec cette hollanderie, c’est la preuve que les Africains doivent d’abord et surtout compter sur eux-mêmes pour imposer l’alternance démocratique dans leurs Etats. Malgré l’apport indéniable des Occidentaux à l’avènement des “Quatre Glorieuses” burkinabées, n’eût été la détermination des populations, la situation politique au “pays des hommes intègres” aurait été tout autre. Sans que les grandes puissances s’en fussent offusquées.
Maintenant que le coq gaulois a béni la forfaiture congolaise en gestation, c’est aux Congolais de prendre leur destin en main. Le Congo se fera de lui-même.

Fondé en 1973, L’Observateur Paalga est aujourd’hui le plus lu des trois quotidiens burkinabés. Créé sous le nom de L’Observateur, il a été interdit sous le président burkinabé Thomas Sankara, de 1984 à 1987, puis au début de la présidence de son successeur, Blaise Compaoré. Ce n’est qu’en 1991 qu’il reparaitra sous son titre actuel. “Paalga” signifie “nouveau” en moré, la langue parlée par les Mossi.
En 2008, à l’occasion du 35e anniversaire du titre, Edouard Ouédraogo, le directeur de la publication estimait avoir “rempli le rôle historique que nous nous étions assignés en créant ce journal qui était de créer un espace où les Voltaïques de l’époque, les Burkinabè d’aujourd’hui, apprendraient à confronter sainement leurs idées, leurs convictions politiques, leurs convictions idéologiques et cela, au grand bonheur de la démocratie dans notre pays”.