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SYRIE

Syrie : des ballons piégés pour contrer les chasseurs russes. Quelle efficacité ?

Capture d'écran montrant des artificiers lâcher des ballons munis d'explosifs dans le ciel. Source : Facebook.
Capture d'écran montrant des artificiers lâcher des ballons munis d'explosifs dans le ciel. Source : Facebook.
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Un groupe d’artificiers qui se bat aux côtés des rebelles en Syrie affirme, vidéos à l’appui, avoir trouvé la parade pour contrer les raids de l’aviation russe. Des explosifs accrochés à des ballons et qui pourraient atteindre les avions de chasse à plus de 10 000 mètres d’altitude. Nous avons contacté un expert des questions militaires pour savoir si cette "invention" est crédible.

Depuis fin septembre, l’aviation russe mène des frappes aériennes intenses contre les positions de l’organisation de l'État islamique (EI) en Syrie, mais aussi des combattants de l’opposition dits modérés soutenus par l’Europe et les États-Unis.

"Ababil al-Cham" est un groupe d’artificiers opérant pour le compte de plusieurs groupes rebelles en Syrie. Il travaille notamment avec Ahrar al-Cham, l’un des plus puissants groupes armés en Syrie.

Le groupe a posté récemment deux vidéos pour présenter ses mines aériennes. Sur ces images, on peut voir des activistes entreposer des dizaines de ballons reliés à des explosifs dans une pièce, avant de les lâcher dans le ciel. Sur la première vidéo, on peut notamment voir un ballon exploser en vol [à 1’10’].

ألغام جويه ضد الطيرانبوالين معبأة بغاز الهيدروجين المصنع محلياحظر جوي قريب بعون الله وبسواعد المسلمين

Posted by ‎أبابيل الشام‎ on Wednesday, October 21, 2015

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Posted by ‎أبابيل الشام‎ on Wednesday, October 21, 2015

"Avec ces ballons, nous pouvons mettre en place une zone d’exclusion aérienne"

Ibrahim Abu al-Sham (pseudonyme), est membre de ce groupe. Il est à l’origine de l’idée des mines aériennes :

Ces ballons peuvent monter à plus de 10 km de hauteur. Quand ils mènent des raids, les avions volent généralement à basse altitude, entre 5 000 et 7 000 m. Ces mines peuvent donc les atteindre.

Il n’est pas nécessaire que la mine percute l’avion pour faire des dégâts. Ces mines contiennent une centaine de débris, des morceaux de fer et d’acier. Même si une mine explose à 1 500 m de l’avion, les débris peuvent atteindre l’appareil et l’endommager.

Nous pouvons envoyer des mines qui peuvent peser jusqu’à 100 kilos. Mais ce n’est pas nécessaire. Une mine de 5 kilos est suffisante pour propager des débris sur une longue distance.

Avec ce système, on peut facilement mettre en place une zone d’exclusion aérienne sur des espaces relativement restreints. On peut par exemple le faire sur une surface de 25 km2 pour un coût de 3 000 dollars (matériel), et ce pendant deux semaines environ.

Les ballons ne transportent pas uniquement des mines. Certains sont munis d’un système de brouillage des communications entre les avions et la tour de contrôle.

Les ballons sont remplis d’hydrogène. Ils sont fabriqués de façon artisanale, en latex.

Certaines mines sont déclenchées à retardement. D’autres sont actionnées à distance. Nous avons modifié des télécommandes pour qu’elles aient une portée de 10 km. Mais ces télécommandes sont en nombre limité, et le matériel pour fabriquer ces mines à un coût. Nous avons justement fait une vidéo pour propager cette idée le plus largement possible dans l’espoir d’obtenir un soutien matériel de la part des différents groupes rebelles.

"Si ces mines parviennent à toucher un avion, ce serait vraiment un coup de chance"

Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Iris et ancien pilote de chasse, reste néanmoins très sceptique sur l’efficacité d’un tel dispositif :

Les chances d’atteindre un avion avec ces mines sont extrêmement limitées. Il faut savoir qu’au moment où il s’apprête à tirer, un avion de chasse vole à une vitesse de 250 m par seconde. Quant au ballon, il peut monter à une vitesse de 20 m par seconde, parfois moins.

Pour atteindre 5 000 m d’altitude par exemple, le ballon va mettre environ 250 secondes. Durant ce laps, l’avion de combat aura déjà parcouru plus de 60 km. Il sera loin !

Il faut également prendre en compte le facteur vent. Le ballon ne montera pas uniquement à la verticale, mais il va être dévié par le vent de plusieurs centaines de mètres. Il faut donc des calculs extrêmement sophistiqués pour anticiper l’arrivée d’un avion à un endroit précis.

Et puis, les explosifs ont une portée limitée de quelques mètres seulement. Et concernant les débris, je doute que ces petits morceaux d’aciers puissent endommager un avion même s’ils l’atteignent. Si ces mines arrivent à toucher un avion, ce serait donc vraiment un coup de chance.

Si par contre des chasseurs se mettent à tourner au-dessus d’une zone précise, ils peuvent éventuellement être embêtés. Mais ces avions sont équipés de radars qui peuvent repérer facilement ces mines et les éviter. Mais là encore, ces engins vont leur permettre de repérer la zone d’où les explosifs sont lâchés et la bombarder.  Je dirais donc que ces mines représentent beaucoup d’investissement pour des résultats très incertains.

Une technique ressemblante à celle des rebelles syriens a déjà été utilisée durant la Première et la Seconde Guerre mondiale. On les appelait en fait les ballons de barrage. Accrochés au sol à l’aide d’un câble et équipés d’une charge explosive, ces ballons ont été utilisés pour empêcher les avions de voler à basse attitude, notamment à l’entrée des ports. Mais depuis l’idée a été abandonnée, car considérée comme peu efficace.

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