Au Kerala (Inde), les villageois se mobilisent pour l'environnement

Situé au sud de l'Inde, le Kerala est en pleine transition verte. Son aéroport est récemment devenu le premier au monde 100% alimenté à l'énergie solaire.

Au Kerala (Inde), les villageois se mobilisent pour l'environnement

    L'Etat du Kerala, étroite bande de terre le long de la côte sud ouest de l'Inde, se distingue du reste du pays par une économie modérée et une empreinte écologique raisonnable.

    Son aéroport, l'aéroport international de Cochin (CIAL), qui a accueilli plus de cinq millions de passagers en 2014, est devenu le premier aéroport au monde à être intégralement alimenté par énergie solaire. Et une ferme solaire de 12 MW a été inaugurée le 18 août dernier : «Kerala est une destination écosensible, par ses attractions naturelles vierges, comme les montagnes, ou les mangroves, mais aussi, par sa responsabilité environnementale, socioculturelle, et économique», rappelle l'un des responsables de l'office du tourisme.

    Des villageois en action

    Pour empêcher la surexploitation des sols, l'appauvrissement des eaux, l'exploitation en excès de minerais ou encore la déforestation, les Keralais ont décidé de devenir acteurs dans la protection de leur environnement, afin d'améliorer leur quotidien et de préserver leur qualité de vie. Ainsi, ils n'hésitent pas à contrer les grandes institutions et à critiquer les décisions du gouvernement qui mettent en danger la faune et la flore locales.

    Les habitants prennent souvent la voie de l'autogestion, et se rassemblent pour trouver des solutions concernant les richesses du pays, comme l'eau, la biodiversité, et les activités locales. Plusieurs villages suivent le mouvement «People's protected areas», qui interdit l'extraction destructrice des ressources et la chasse.

    Proche de la côte, à Kolavipalam Beach, les villageois se battent contre les carrières de sable qui menacent la ponte des tortues. Concernant l'agriculture, une grande partie des villages se tourne vers une production biologique. La population consomme de plus en plus de produits alimentaires bios et utilisent des herbes médicinales pour se soigner.

    Des sites protégés

    La riche biodiversité du Kerala résulte de sa situation géographique et de son climat tropical. Au total, on retrouve plus de 45 000 plantes et 65 000 espèces animales. Le Kerala s'engage à protéger ses espèces vivantes, notamment en créant des programmes de protection d'animaux (Project Tiger ou Project Elephant), des espaces protégées, des parcs nationaux.

    La préservation du Parc National de Vallée Silencieuse est le parfait exemple d'une cohésion au sein de la population. Dans les années 70, le conseil de l'électricité du Kerala souhaitait construire un barrage au niveau du fleuve Kunthi, qui passe par la vallée.

    Le rôle des citoyens a été déterminant : sous leur pression, le parc n'a finalement pas été dénaturé. Mieux : il est devenu une zone de conservation pour préserver l'écosystème. Le parc abrite aujourd'hui plus de 2000 espèces d'animaux et environ 900 espèces de plantes.

    Lutte contre la pollution des eaux

    Avec une industrialisation rapide et importante, l'Inde doit faire face à la dégradation accélérée de son environnement. Actuellement, la moitié des ressources naturelles est exploitée et ce n'est que récemment que le gouvernement a pris conscience des dommages écologiques.

    Les inquiétudes concernent surtout l'eau, utilisée à 90% pour le secteur agricole quand seulement 4% est réservé à l'usage domestique. Les émanations industrielles, les déchets toxiques et autres dispositifs d'évacuation des eaux sont responsables de la pollution de l'eau à l'heure même où l'on parle de sa raréfaction.

    Avec une population toujours plus importante, la demande d'eau en Inde est un vaste défi. C'est pourquoi le gouvernement met en place depuis quelque temps plusieurs techniques de gestion des eaux, comme le désensablement des citernes, les systèmes de récolte des eaux de pluie ou la création de bassins artificiels.

    En plus de ces dispositifs, des stations d'épuration des eaux devront voir le jour dans tous les principaux systèmes fluviaux, dans les années à venir.

    Les femmes en première ligne

    Les femmes du Kerala sont très actives lorsqu'il s'agit de défendre leur «droit à l'eau» (lire l'article du Monde Diplomatique). En 1993, les entreprises Coca-Cola et Pepsi-Cola se sont implantées sur le territoire du Kerala, avec leurs 90 usines d'embouteillages qui extrayaient entre 1 et 1,5 millions de litres d'eau par jour. Les femmes des tribus de Plachimada, dans le district de Palaghat, ont protesté contre l'assèchement des nappes phréatiques pendant plus d'un an, multipliant les sit-in. Les représentants des tribus et les villageois ont suivi.

    Du fait de leurs méthodes de fabrication, les boissons gazeuses sont un danger pour l'environnement : le système de pompage de nappes prive les habitants d'eau potable, et les usines rejettent des déchets toxiques.

    Coca-Cola qui utilise environ 9 litres d'eau potable pour réaliser 1 litre de soda, avait pour objectif en 2000 de fabriquer 1 224 000 bouteilles. Selon les Keralais, l'entreprise aurait commencé à puiser les ressources avec des pompes électriques très puissantes (au lieu d'utiliser des pompes motorisées, comme le préconisait le panchayat local), ainsi le niveau des nappes se serait dégradé rapidement. Le géant des sodas a lui rétorqué que les accusations étaient «trompeuses» et «fausses», et que son utilisation d'eau a été «responsable» et «judicieuse». Néanmoins, le mouvement a reçu un soutien national et international. Sous la pression et la force de cette mobilisation, le chef du gouvernement du Kerala a ordonné en 2004, la fermeture de l'usine d'embouteillage sur son sol.