AboFreitag recycle ses sacs jusqu'à l'absurde
Les créateurs des besaces en bâche de camion livrent au Mudac une réflexion décalée sur la durabilité de leurs articles.
Rien ne se perd, tout se recrée. Conçues indépendamment l'une de l'autre, les deux nouvelles expositions du Mudac, à Lausanne, se rejoignent sous cette version détournée de la maxime du chimiste Lavoisier. Au rez-de-chaussée, les frères Freitag ont récupéré des sacs usagés pour leur offrir une nouvelle vie muséale. A l'étage, le journaliste et sociologue du design Yves Mirande a réuni des pièces qui combinent matériaux des origines et dernières technologies, comme des instruments avec une lame en silex alliée à un manche imprimé en 3D.
La réutilisation, les Freitag en ont fait leur credo, depuis la création de leur premier sac en bâche de camion usagée, en 1993. Les designers, qui se sont vus offrir une carte blanche au Mudac, ont voulu réfléchir à leurs créations: «Nous avons toujours eu l'impression que les gens voyaient dans nos sacs plus qu'un sac. Après plus de vingt ans de création, aller à la rencontre des usagers nous semblait un point de départ intéressant», remarque Markus Freitag. Un peu embarrassés de se mettre en scène eux-mêmes dans une exposition, les designers ont fait appel à une autre paire de frères, très connue outre-Sarine: les jumeaux Frank et Patrick Riklin.
«Les gens ont été séduits par l'idée que leur sac, qui provenait déjà d'un matériau recyclé, devienne à nouveau autre chose»
Les artistes conceptuels avaient notamment reconverti en 2009 un abri antiatomique en «hôtel zéro étoile». Le quatuor s'est alors lancé dans une démarche peu commune pour proposer une réflexion sur le recyclage. Cet été, les possesseurs de sacs Freitag ont été priés de les rendre lors d'actions de rue à Zurich ou Lausanne. Plus d'une centaine de personnes ont cédé gracieusement ce qui était parfois un compagnon de longue date, en Suisse mais aussi à Vienne ou au Japon. «Les gens ne souhaitaient pas obtenir de l'argent en échange, mais ont été séduits par l'idée que leur sac, qui provenait déjà d'un matériau recyclé, devienne à nouveau autre chose», remarque Markus Freitag.
Pour pousser le concept jusqu'à l'absurde, les besaces ont été décousues, puis réassemblées en un patchwork recréant une nouvelle armature plastique, qui a roulé sur un camion entre St-Gall et Lausanne. Durant le voyage, les quatre expérimentateurs sont allés à la rencontre de parfaits inconnus, s'invitant pour une nuit dans un jardin, ou improvisant une soupe avec les restes de nourriture collectés dans un immeuble. Autant d'actions loufoques qui ont nourri une réflexion sur de nouveaux objets à créer avec la bâche ressuscitée: un abri pour une tondeuse à gazon qui serait commune à tout un quartier, une «catapulte à compost» ou encore une housse pour siège de voiture.
L'art de se laisser porter par l'inconnu
Le tout ensuite testé durant autant d'actions performatives filmées et visibles au musée. Les Suisses, qu'on dit volontiers méfiants et fermés, se sont-ils prêtés au jeu? «C'est étonnamment facile lorsqu'on les aborde d'une manière non conventionnelle, par exemple en frappant à la fenêtre plutôt qu'à la porte», remarque Frank Riklin. Se laisser porter par l'inconnu, une gageure pour les Freitag, qui ont l'habitude de maîtriser dans les moindres détails leurs produits destinés à la vente. «Comme nous n'avions pas la contrainte de créer un objet commercial, nous avons pu penser d'une toute autre manière», remarquent-ils. Cinq sacs recréés avec la nouvelle bâche sont à disposition dans l'exposition non pour être acquis, mais empruntés, pour trois jours au maximum.
Chaque modèle «re-recyclé» est livré avec un journal dans lesquels les emprunteurs livreront leur expérience. L'un comporte un ticket journalier des CFF valable dans toute la Suisse, un autre des outils de réparation, une troisième des carambars, un quatrième 3,5 kg de LEGO pour «des concours de constructions improbables». Le dernier recèle même des cailloux, pour «profiter des pentes lausannoises au ralenti.» Enfin, pour boucler la boucle, les diverses actions menées en vue de l'exposition ont donné naissance à un manifeste qui s'affiche à la craie sur un mur du musée. Et parce que tout est cyclique, le document programmatique accompagnera désormais le processus de création des futurs produits de la marque.
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