Allemagne : de grands groupes reviennent sur leur passé avec les nazis

L'assureur Munich Re, Allianz, la société Dr Oetker, Hugo Boss ou Deutsche Bank, tous se sont lancés dans une opération-vérité sur leur passé.

Par , à Munich

La société agroalimentaire Dr Oetker fait partie des grands groupes allemands qui ont décidé de faire face à leur passé sous le Troisième Reich.
La société agroalimentaire Dr Oetker fait partie des grands groupes allemands qui ont décidé de faire face à leur passé sous le Troisième Reich. © AFP

Temps de lecture : 3 min

"Nous sommes en retard…" Le président du réassureur allemand Munich Re pouvait difficilement dire le contraire en annonçant la publication d'un rapport de 460 pages qui revient notamment sur l'implication du groupe avec le régime nazi. Écrit par deux historiens, Johannes Bähr et Christopher Kopper, et intitulé Munich Re. L'histoire de Münchener Rück 1880-1980, cet ouvrage ne dévoile pas d'énormes scandales.

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La plus importante compagnie de réassurance au monde "n'a pas participé directement aux vols des assurés juifs et elle n'a pas travaillé avec les SS", concluent les chercheurs. Elle a toutefois indirectement profité des spoliations dont a souffert la communauté juive en rachetant à bas prix des propriétés appartenant à des familles fuyant le Troisième Reich. Beaucoup de ses clients ont aussi revendu à la va-vite leurs contrats d'assurance-vie pour financer leur départ à l'étranger, perdant ainsi des primes qui leur étaient promises s'ils conservaient leur police. Munich Re n'est pas le premier groupe allemand à rouvrir les placards sales et poussiéreux de son triste passé, jetant une lumière crue sur sa collaboration avec le régime nazi.

"Notre responsabilité est lourde"

Fondée en 1872 par deux familles juives, la Dresdner Bank a financé en 1997 la parution d'une enquête rédigée par une commission indépendante de quatre historiens. Intitulée "La Dresdner Bank dans l'économie du Troisième Reich", cette étude montrait comment l'établissement, surnommé "la banque des SS", avait soutenu le régime nazi en abritant notamment les comptes de nombreux chefs, dont celui d'Heinrich Himmler, le chef de la Waffen-SS, qui était fréquemment crédité de "fonds spéciaux". "Notre responsabilité est lourde, affirmait le patron de la banque, Herbert Walter, lors de la publication de ce rapport. Il y a eu une faillite totale des élites. Les banques, en particulier, ont des contacts avec l'ensemble des secteurs économiques et, de ce fait, elles portent une plus grande responsabilité dans le bon fonctionnement d'une société démocratique."

La compagnie munichoise Allianz a, elle aussi, reconnu que ses employés juifs avaient été licenciés dans les années 1930 afin de laisser la place à des partisans d'Adolf Hitler. Son directeur, Kurt Schmitt, qui aimait se faire photographier en uniforme nazi, a même été nommé ministre des Finances du Reich. Le groupe a également assuré des camps de concentration ainsi que des entreprises liées aux SS.

Vilaines plaies

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Plus récemment, la société agroalimentaire Dr Oetker a aussi fait son mea culpa en finançant les recherches d'un historien sur son passé. "Mon père était un national-socialiste", avoue August Oetker, qui produit notamment des pizzas surgelées ainsi que des gâteaux et des desserts à préparer. "Il ne voulait pas parler de cette période. Il disait : Enfants, laissez-moi en paix. Mais j'ai maintenant le sentiment que je connais les faits. Le brouillard est désormais levé." Découvrir la vérité peut toutefois réveiller de vilaines plaies que l'on croyait refermées.

Hugo Boss a ainsi bloqué la publication de l'enquête d'une historienne qu'il avait lui-même commandée et qui révélait comment le propriétaire de ce qui n'était alors qu'une petite usine d'habillement dans le Bade-Wurtemberg avait choisi d'adhérer au parti nazi afin de décrocher le contrat de fabrication des chemises brunes. La chercheuse, furieuse, avait malgré tout décidé de publier son travail sur Internet. Pris de court, le fabricant allemand de prêt-à-porter avait alors demandé à un autre chercheur d'écrire la biographie d'Hugo Ferdinand Boss sans omettre de préciser son rôle auprès des nazis. Deutsche Bank, Commerzbank, Daimler-Benz ou Volkswagen ont, eux aussi, accepté de lever le voile sur leurs pratiques douteuses durant la Seconde Guerre mondiale en finançant des travaux d'historiens. "Mieux vaut tard que jamais", pourrait dire le patron de Munich Re…

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Commentaires (10)

  • MIRA.B

    Enfin L'Allemagne d'aujourd'hui se repent publiquement de son passé " national-socialiste ".

    Toutes ces dernières an...nées les jeunes Français devant tant de repentance nationale, avaient presque de quoi penser que Hitler était notre chef politique d'alors...
    Et que la France était réduite à un pays de collabos.

    NON.
    La France était vaincue et occupée par l'Allemagne.
    Le maréchal Pétain, héros de Verdun, à Vichy.
    De Gaulle de la France Libre à Londres.

    Parfois il est très utile de bien recadrer les faits à leur vraie place.

  • mauki

    Il est très facile de se frapper la poitrine en disant : je suis un méchant, je suis un méchant … j'aurai du, etc.

    M...AIS, n'oublions pas que l’Europe entière et même beaucoup d'autres pays étaient antisémites ! Souvenez-vous du paquebot « le Saint Louis » !

    Des juifs ont vendu leurs biens pour fuir aux États-Unis, le paquebot n'a même pas pu entrer dans les eaux territoriales US, - un peu – ont pu débarquer à cuba, en Angleterre, et plus de 80% sont revenus en Allemagne ! Ce qui a fait dire aux allemands : vous voyez, vous aussi vous n'en voulez pas.

    Un peu de retenus ne ferait pas de mal, et juger actuellement ce qu'il s’est passé il y a 80 ans est biaiser.

  • JMB102

    Et aujourd'hui, quelle est l'implication des sociétés nationales ou internationales avec les régimes dominant, et dont o...n sait les effets dévastateurs sur d'autres états ou d'autres hommes?
    C'est bien de regreter le passé, c'est encore mieux de faire attention aujourd'hui !