C'était la dernière pièce du puzzle. Le décret plafonnant le nombre de stagiaires par entreprise a enfin été publié au Journal officiel, plus d'un an après l'adoption de la loi relative à l'encadrement des stages.
«Le décret est resté bloqué de loooongues semaines dans les bureaux du ministère du Travail», raconte Patrick, l'un des membres du collectif Génération précaire. A cause du «puissant lobby des organisations patronales», assure-t-il. «D'ailleurs, les patrons ont obtenu un plafond bien plus élevé que prévu… Mais disons qu'au moins, maintenant, il existe une limite.» Jusqu'ici, il n'y en avait pas. Les entreprises étaient libres de signer autant de conventions de stage qu'elles le voulaient et d'avoir une armada de stagiaires si tel était leur choix.
Il n'existe toujours pas de décompte exhaustif du nombre de stagiaires dans les entreprises en France, la seule estimation datant d'un rapport du Conseil économique, social et environnemental de 2012, qui tablait sur 1,6 million de stagiaires, dont 100 000 correspondraient à des emplois déguisés. Ce décret, et la loi qui va avec, sont censés empêcher les abus.
Quelle est la limite fixée ?
Pour les entreprises de plus de vingt salariés, le plafond est fixé à 15 % de l'effectif (Génération précaire militait pour un plafond à 10 %). Ce qui veut dire qu'une boîte comptant deux cents salariés pourra avoir au maximum trente stagiaires en même temps. Ce qui fait encore beaucoup. Pour les structures de moins de vingt salariés, pas plus de trois stagiaires «la même semaine». Et chaque salarié-tuteur pourra avoir trois stagiaires maxi sous son aile.
Surtout, le décret permet des dérogations si les académies le décident : pendant les «périodes de formation en milieu professionnel obligatoires», les académies pourront relever la limite à cinq stagiaires dans les entreprises de moins de trente salariés et à 20 % des effectifs des entreprises de trente salariés et plus.
Qui va contrôler et que risque l’entreprise ?
Les inspecteurs du travail pourront exiger «une copie des conventions de stage sur demande à l'établissement d'enseignement ou à l'organisme d'accueil».
Les entreprises s'exposent à une amende, dont le montant n'est pas défini. Le décret indiquant que le montant serait fixé en tenant compte du «caractère répété» de l'infraction, la «proportion de stagiaires» et, le cas échéant, si l'entreprise a commis «d'autres infractions». Le collectif Génération précaire souhaiterait que les noms des entreprises épinglées soient rendus publiques «dans un souci de pédagogie et de dissuasion».