La police britannique fait une descente dans un ordinateur de la BBC

Un reporter de la BBC, qui enquête depuis plusieurs mois sur les djihadistes, a vu son ordinateur saisi par la police au nom du “Terrorism Act”.

Par Ludovic Desautez

Publié le 29 octobre 2015 à 13h24

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h58

C'est une affaire qui suscite déjà une vive contreverse chez les journalistes britanniques et les associations de défense des libertés. Et pour cause. Révélée par The Independent, l'affaire concerne la saisie manu militari, par la police britannique, de l'ordinateur portable d'un journaliste de la BBC travaillant pour l'émission d'investigation Newsnight. Et il ne s'agit pas d'une simple histoire de piratage en ligne de films ou de séries.

Pour saisir l'ordinateur de Secunder Kermani, le journaliste en question, la police britannique a obtenu l'ordonnance d'un juge, qui s'est appuyé sur le « Terrorism Act », l'équivalent britannique de la loi Renseignement française, votée en juillet dernier par le Parlement. Y aurait-il des terroristes à la BBC ? A priori, non. Mais des spécialistes, oui. Secunder Kermani enquête depuis de nombreux mois sur Daech, et notamment sur les djihadistes d'origine britannique (voir la vidéo de l'une de ses enquêtes ci-dessous). L'an dernier, le reporter avait ainsi interviewé l'adolescent australien Jake Bilardi, décédé en mars dernier dans un attentat-suicide en Irak qui a tué 17 personnes.

En saisissant l'ordinateur portable (Mac ou PC ? Nul ne sait), la police souhaite explorer en profondeur les échanges entre Secunder Kermani et un djihadiste. Ce qu'un porte-parole du groupe public BBC juge finalement assez normal – ben voyons… –, selon les propos rapportés par The Independent. « Il s'agit de communications entre un journaliste de Newsnight et un membre de Daech basé en Syrie, qui se sait déjà parfaitement identifié. (...) On ne peut donc pas parler de source confidentielle. »

A la direction de la BBC, on est donc le doigt sur la couture du pantalon face au “Terrorism Act”. Rompez ! Au sein de la rédaction, l'analyse est radicalement différente. « Bien entendu, nous ne cherchons pas à entraver les enquêtes de la police, explique à The Independent Ian Katz, le rédacteur en chef de Newsnight. Mais nous craignons que la loi sur le terrorisme permette à la police d'obtenir des communications entre les journalistes et leurs sources. Il sera alors très difficile pour la rédaction de travailler sur les sujets liés au terrorisme, alors qu'il s'agit d'un thème majeur. »

De quoi donner du grain à moudre, en France, aux journalistes de l’Association confraternelle de la presse judiciaire (APJ) qui ont déposé, début octobre, un recours auprès de la Cour européenne contre la loi Renseignement, ficelée après les attentats de janvier. Ces journalistes s'inquiètent des menaces qui découlent de la nouvelle loi en matière de liberté d'informer et de protection des sources. L'exemple de la BBC leur donne raison.

 

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