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Renault-Nissan : Macron recadre Ghosn

Le ministre de l’Economie assure « partager la vision stratégique » du double PDG de Renault et Nissan. Un « rééquilibrage des pouvoirs » avec le constructeur japonais risquerait « d’abîmer l’alliance ».

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Emmanuel Macron, ministre de l'Economie et des Finances.

Par Nicolas Barré, Maxime Amiot

Publié le 29 oct. 2015 à 20:06

Le bras de fer se durcit entre l’Etat français et Carlos Ghosn, PDG de Renault et Nissan. En avril dernier, l’Etat s’est assuré de l’obtention des droits de vote double, prévus par le législateur pour encourager l’actionnariat de long terme. Une opération qui déséquilibre l’alliance franco-japonaise, selon Carlos Ghosn, soutenu par son conseil d’administration. Si l’Etat sortira sensiblement renforcé par l’opération, Nissan, actionnaire à 15% de Renault, demeurerait sans droits de vote.

D’où la menace, agitée indirectement par Ghosn, de redonner des droits de vote au constructeur japonais, voire de rééquilibrer l’alliance pour aboutir à des participations croisées équivalentes (entre 25 et 35 %), comme le suggère un document établi par le numéro deux de Nissan et révélé cette semaine. Un casus belli pour l’Etat actionnaire.

Pourquoi êtes vous opposé à un rééquilibrage de l’alliance Renault-Nissan ?

Ce sont des spéculations anecdotiques qui ne reflètent pas la problématique de Renault. Avec Carlos Ghosn nous avons une vraie convergence de vues quant à la vision industrielle et le sens de l’histoire : c’est de plus intégrer les deux entités. Ma volonté, c’est que Renault réussisse avec l’Alliance ; son avenir se construit avec Nissan. La priorité n’est pas de changer la gouvernance mais de se concentrer totalement sur la réussite industrielle du groupe, de réussir la course aux volumes et à l’innovation. Pourquoi revenir sur un accord-cadre – le Rama – qui définit parfaitement les relations entre Renault et Nissan depuis 2002 ?

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Parce que l’Etat va disposer d’un pouvoir renforcé tandis que Nissan n’a toujours aucun droit de vote...

Sur la question des droits de vote double, notre démarche est claire. Nous nous sommes retrouvés face à une résolution du conseil d’administration de Renault demandant de s’affranchir de l’application de la loi. Il était de notre devoir de préserver nos droits, comme d’autres l’ont fait. Ce n’est pas une agression, et nous avons tenu informées les autorités japonaises pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Il ne peut pas y avoir d’un côté des actionnaires familiaux salués pour obtenir des droits de vote double après un an seulement de présence, et de l’autre, un Etat qui n’aurait pas le droit de défendre ses droits alors qu’il est actionnaire depuis 1945. L’Etat n’est pas un actionnaire naïf, de seconde catégorie. L’Etat est un investisseur de long terme, exigeant.

Mais Nissan, second actionnaire de Renault, n’a-t-il pas aussi son mot à dire ?

Je rappelle qu’à l’époque de la signature de l’accord-cadre, l’Etat avait plus de 40 % de Renault. Depuis que Nissan est entré au capital de Renault en 2002, Nissan n’a pas de droits de vote. C’est l’application du droit commercial. Que l’on vienne aujourd’hui m’expliquer que notre position est non conforme à l’alliance est une contre-vérité. A l’époque, la France avait décidé d’investir à un moment où beaucoup disaient Nissan mal en point. Renault a pris des risques financiers et opérationnels. Maintenant que la situation est meilleure, pourquoi Renault devrait renoncer à l’application des accords historiques ? Quand on investit sur le long terme, il est normal d’avoir un retour. C’est un sujet d’actionnaire, qui ne relève pas d’un comité exécutif et qui ne saurait être prisonnier des problèmes d’ego. Ceux qui proposent un rééquilibrage des pouvoirs avec un agenda caché prennent le risque d’abîmer l’alliance.

Qui accusez-vous ? Carlos Ghosn ?

J’ai réitéré ma confiance dans le management, j’ai vu à deux reprises Carlos Ghosn depuis avril. Nous partageons une même vision industrielle de l’alliance, qui doit aller vers une intégration plus forte.

Mais vous faites aussi mention de « conflit d’intérêts »...

Si Nissan détenait des droits de vote dans Renault, on aurait un dirigeant qui serait président d’une société A disposant de 44 % des droits de vote d’une société B qui détient elle-même 15 % de la société A, avec en outre la présidence de la structure exécutive de l’Alliance, RNBV. C’est une question qui aujourd’hui ne se pose pas. Mais il faut être très vigilant. J’alerte les uns et les autres. La priorité de Renault est stratégique, et Carlos Ghosn est pleinement concentré là-dessus. Il est PDG, pas actionnaire, de même que je représente l’actionnaire et n’ai pas vocation à interférer dans la gestion de l’entreprise. Quand les uns veulent faire le métier des autres, cela ne donne jamais de bons résultats.

Comment l’Alliance devrait-t-elle alors évoluer ?

Je suis prêt à avoir une discussion ouverte sur l’Alliance. Mais il serait contre-productif d’aborder le sujet par la préservation d’équilibres passés, comme cela est affiché aujourd’hui. Notre vision stratégique, pleinement partagée avec Carlos Ghosn, est d’aller vers plus d’intégration entre les deux entités. Il faut définir les modalités de ce rapprochement, et cela reste à écrire. C’est une question industrielle et stratégique, la question actionnariale viendra le moment venu.

Pourquoi ne revendez-vous toujours pas les titres acquis en avril comme promis ?

Il s’agit de l’argent des Français et je suis très précautionneux. Le but de l’opération n’est pas financier mais l’Etat ne saurait céder des titres dans des conditions qui ne respectent pas ses intérêts patrimoniaux. Le cours remonte. Lorsque nous serons en situation de préserver nos intérêts patrimoniaux, nous le ferons. Pour retourner, comme promis, exactement à notre niveau antérieur, soit 15,01 %.

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La cession pourrait-elle même intervenir en 2016 ?

C’est une possibilité, ce n’est pas arrêté.

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