Le PDG de Deutsche Telekom provoque un tollé sur la neutralité du Net

Deutsche Telekom CEO Timotheus Höttges

Timotheus Höttges [Wikipedia]

Timotheus Höttges a déclaré qu’il demanderait aux startups de débourser une part de leur chiffre d’affaires pour obtenir un débit Internet de qualité. Une déclaration qui a suscité des inquiétudes chez les défenseurs de la neutralité du Net.

Le PDG de Deutsche Telekom, Timotheus Höttges a déclaré que les opérateurs de télécommunications bénéficieraient de la nouvelle loi sur la neutralité du Net, qui permet d’obtenir un débit Internet de meilleure qualité pour des services spécialisés. Selon lui, les jeunes entreprises ont aussi besoin de ces services, mais pour cela, elles devront payer.

« Si le réseau est saturé, nous devons pouvoir donner la priorité aux données des services importants », a-t-il affirmé. « Il sera toujours possible de développer des services Internet innovants et de grande qualité ».

La gestion de l’encombrement du réseau est un autre sujet sensible, qui, selon les critiques de la loi sur la neutralité du Net, pourrait faire l’objet d’abus. Les télécoms auront carte blanche pour intervenir et contrôler la vitesse d’Internet à leur guise, craignent-ils.

Les négociations entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil sur la neutralité du Net ont souvent été houleuses et ont débouché sur un compromis final suite à une réunion-marathon qui s’est terminée au petit matin le 30 juin.

Selon les détracteurs de la loi, les négociations ont abouti à un accord affaibli, qui autorise encore les opérateurs de télécommunications à proposer des services Internet à différentes vitesses. Les services spécialisés sont au cœur des préoccupations des militants.

Le commissaire européen au numérique, Günther Oettinger a expliqué que la e-santé et les voitures connectées étaient des exemples de services qui pourraient avoir un débit Internet prioritaire.

Les opposants rétorquent que ce n’est pas suffisant pour clarifier la définition obscure des services spécialisés, telle qu’elle est énoncée dans la loi.

>> Lire : Le Parlement européen enterre les frais d’itinérance

La déclaration du Timotheus Höttges le 28 octobre est un premier aperçu de la manière dont les télécoms vont interpréter ces services.

Le PDG a suscité la controverse en déclarant que les services spécialisés stimuleraient les jeunes entreprises.

« Les startups ont plus que quiconque besoin de services spécifiques si elles veulent avoir une chance de rivaliser avec les grands fournisseurs Internet », a-t-il commenté.

« Si elles veulent mettre sur le marché des services qui nécessite un débit de qualité, ce sont précisément ces entreprises qui ont besoin de services spécialisés. Selon nos calculs, elles devront débourser un petit pourcentage pour cela, sous la forme de partage de recettes », a ajouté Timotheus Höttges.

Simon Schaefer, investisseur privé dans des startups et fondateur de Factory, un centre tech de Berlin, a qualifié la déclaration de Timotheus Höttges de « ridicule ».

« Ils créent des frais pour tous ceux qui n’ont pas assez d’argent pour payer le prix qu’ils imposent », a déclaré Simon Schaefer à EURACTIV.

Les startups sont dans l’ensemble moins susceptibles de pouvoir se payer des services premium, a-t-il expliqué. Les petites entreprises qui créent des jeux ou des vidéos en ligne sont particulièrement désavantagées, car elles ont besoin de beaucoup de débit et n’ont pas assez de liquidités pour rivaliser avec des géants comme YouTube pour obtenir un meilleur service.

Selon Simon Schaefer, le principal problème est que la nouvelle loi sur la neutralité du net ne contient pas de définition des services spécialisés. La loi fait partie d’un paquet sur le marché unique des télécoms et inclut aussi des dispositions sur la suppression des frais d’itinérance en Europe d’ici à 2017.

« L’absence de définition profite à Mr Höttges. Il transforme ce manque de définition en business model », a indiqué Simon Schaefer.

Allied for Startups, un groupe qui défend les jeunes entreprises, a adressé une lettre aux eurodéputés avant le vote de mardi, afin de les encourager à adopter les amendements, qui auraient réglé la question des services spécialisés. Les amendements ont été rejetés.

Factory, Roma Startup (une association de jeunes entreprises basées à Rome) et une dizaine d’autres entreprises tech ont aussi signé la missive.

Vodafone Allemagne a déjà fait part de son accord à Timotheus Höttges. « Il n’existe même pas d’Internet unifié aujourd’hui », a déclaré l’opérateur au journal Spiegel Online.

Les grandes entreprises de télécommunications ont résisté à la loi sur la neutralité du Net et se sont cramponnées à des clauses controversées autorisant des services spécialisés et détaxés, ce qui permet aux fournisseurs d’ajouter à leur offre certaines applications ou services gratuits.

L’ETNO, l’association européenne des télécoms a déclaré dans un communiqué que les services tels que les voitures connectées et la e-santé nécessitaient « une gestion du réseau et une différenciation des services ».

Les négociations entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil sur le projet de loi du marché unique des télécommunications se sont terminées le 30 juin 2015 après de longues et houleuses tractations. La loi concerne principalement la neutralité du réseau et les frais d’itinérance des téléphones portables. Suite au vote du Parlement le 27 octobre en session plénière, le BEREC, l’autorité de régulation des télécoms, a neuf mois pour réviser la loi. 

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