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Taxe tampon, test de virginité, marche des salopes... Un mois dans la vie des femmes

Un mois dans la vie des femmesdossier
par Elsa Maudet, Kim Hullot-Guiot et Juliette Deborde
publié le 2 novembre 2015 à 19h08

Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l’actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Deuxième épisode : octobre 2015.

Education. C'est à l'école, tagadagada, qu'on apprend les bêti-i-i-ises… Comme les clichés genrés. C'est la raison pour laquelle les écoles anglaises ont décidé de bannir les mots sexistes. Par exemple, enfants et professeurs ne seront plus autorisés à inciter un élève à «man up» (équivalent de «ne pas faire sa fillette»). Un guide des bonnes pratiques sera mis en place, car «le langage est un outil très puissant. Il faut faire attention à ce que l'on dit aux enfants», selon Janice Callow, responsable d'une école à Bristol, citée par le Telegraph.

Une idée sur laquelle l'Education nationale française serait bien inspirée de se pencher, après qu'une étude du centre Hubertine Auclert a montré que les clichés sexistes, genre maman fait la cuisine et papa répare la bagnole, étaient encore largement présents dans les manuels scolaires.

Publicité. Tenez, tant qu'on parle de clichés, le groupe Accor et France Télévisions se sont illustrés au mois d'octobre avec deux publicités pathétiques, reléguant les femmes au rôle de faire-valoir, ou de ménagère. Il paraît que c'était pour rire, mais, c'est bien connu, les femmes n'ont pas d'humour, alors les pubs ont été retirées.

Service public. 10%. C'est le pourcentage maximum d'étudiantes iraniennes qui seront acceptées dans les concours de la fonction publique. Mi-octobre, l'Iran a fixé ce nouveau quota, sans que l'on ne comprenne bien pourquoi, et même si Rohani tente de faire croire au monde qu'en Iran, les femmes sont les égales des hommes.

Autre pays où les femmes ne semblent pas les bienvenues dans le service public : l'Indonésie. Les aspirantes militaires doivent y passer un test de virginité. Evidemment, personne ne demande aux hommes de faire état de leur vie sexuelle pour intégrer l'armée. Et lorsqu'elles ont leurs règles, on leur retire le droit de porter une arme ?

Taxe rose. A propos de règles, cette initiative de militantes françaises qui demandent que les tampons et serviettes bénéficient d'une TVA réduite, au même titre que les produits de première nécessité : coller des serviettes apparemment ensanglantées aux abords de l'Assemblée nationale. Réaction dégoûtée de ces messieurs les députés, pour qui les règles, une «affaire privée», doivent rester bien cachées dans les culottes des femmes. Dans un autre genre, on a relevé cette pub parodique plutôt bien foutue imaginée par Luxuriously Taxable, un collectif de Manchester, référence au fait que les tampons sont autant taxés que les produits de luxe outre-Manche.

Photoshop. La réaction aurait peut-être été toute autre s'il y avait plus de femmes parmi les parlementaires. D'ailleurs, le Elle britannique a retiré des photos officielles les hommes, pour n'y laisser que les (quelques) femmes et montrer, du coup, leur cruelle sous-représentation dans les lieux de pouvoir.

Le magazine aurait pu faire la même chose avec les lauréats du prix Nobel de la paix : comme le montre une infographie du JDD, l'académie suédoise n'a distingué que 16 femmes, contre 87 hommes. On peut se rassurer en se disant que les mentalités changent, puisque les femmes ont surtout été mises à l'honneur ces dernières années (pensez à Malala Yousafzaï l'année dernière).

COP21. Le manque de femmes, c'est pile ce que dénonce le collectif La Barbe, qui reproche à un forum organisé par Libé à Sciences Po autour de la COP21 de ne pas en avoir invité suffisamment. C'est vrai que huit femmes pour 22 intervenants, c'est très, très léger.

Outre-Atlantique, plusieurs conférenciers réguliers ont d'ailleurs décidé de ne plus participer à des prises de parole où la parité n'est pas respectée. L'un d'entre eux l'a expliqué dans une très claire et fine tribune publiée par le Washington Post.

Médias. On est encore loin de la parité aussi dans les matinales des radios. Selon une étude de l'INA, qui a passé au crible quatre radios généralistes, un invité sur quatre de France Inter était une invitée l'année dernière. Et encore, la station de Radio France fait figure de «bonne élève», comparée à RMC (23 % de femmes invitées), RTL et Europe 1 (19 % seulement). Autre point noir, on entend souvent les mêmes : Marine Le Pen (18 passages), NKM et Marisol Touraine (16 matinales) et Najat Vallaud-Belkacem (14).

Fiscalité. La fiscalité, une arme pour l'émancipation des femmes ? C'est la conviction d'une cinquantaine de députés français, qui ont déposé un amendement au projet de Budget 2016 réclamant une imposition des revenus séparée pour les deux membres d'un couple. C'est en fait surtout criant dans les couples hétérosexuels : les hommes étant souvent mieux payés que les femmes, ce sont davantage ces dernières qui s'arrêtent de travailler ou bossent à temps partiel pour s'occuper des mômes. Le raisonnement, en matière économique, n'est que pure logique. Or, lorsque ces femmes souhaitent retravailler à temps plein, leur revenu supplémentaire risque de faire basculer le ménage dans la tranche d'imposition supérieure… et ce projet est parfois abandonné. Pour la députée Catherine Coutelle, à l'origine de cet amendement, imposer séparément les deux membres d'un couple permettrait donc de favoriser le travail des femmes.

Rep a sa troll misogyne. Mia Matsumiya, une violoniste américaine d'origine japonaise, fait l'objet d'insultes et de menaces de viol depuis qu'elle a commencé à bloguer en 2003. Elle a décidé de ne plus se laisser faire et de publier les messages obscènes reçus depuis dix ans sur son compte Instagram @perv_magnet («aimant à pervers»). En retour, Mia a reçu des témoignages d'autres femmes asiatiques qui racontent elles aussi être harcelées par des fétichistes qui les réduisent à un stéréotype de femme passive et docile.

J.K. Rowling elle aussi a répondu à ceux qui profitent de l'anonymat des réseaux sociaux non pas en les outant, mais en tweetant un extrait du poème Invisible Men de Musa Okwanga.

Violences. «J'ai été bête, pardonne-moi. Je ne le referai plus, oublions tout.» Rengaine classique du compagnon violent qui se repentit, jusqu'à la prochaine fois. Le designer et réalisateur Nicolas Doretti a décidé de mettre en scène ce discours, dans Impardonnable, un court-métrage à partir de lettres d'hommes violents publiées par une ONG péruvienne. Même combat, autre ambiance : la mannequin Amber Rose a, elle, opté pour la Slut Walk pour dénoncer la violence et les viols subis par les femmes, et pour défendre leur droit à s'habiller comme elles le souhaitent. «Le viol est dû aux violeurs, pas aux vêtements», pouvait-on lire sur les pancartes brandies lors de cette «marche des salopes» à Los Angeles. Les gros beaufs qui ressortent à chaque agression que la fille l'a bien cherché parce qu'elle était habillée «comme une pute» seraient gentils de s'en souvenir.

Pas de vagin pendant la semaine sainte. Leur manifestation ne s'est pas aussi bien passée. En Andalousie, deux syndicalistes risquent trois ans de prison pour avoir défilé avec un vagin géant lors d'une marche contre le sexisme, une organisation intégriste les accusant d'avoir tourné en dérision les processions de la Semaine sainte.

Religion. Tiens, et si on discutait de la famille entre couilles ? C'est - à peu près - ce qu'ont dû se dire les évêques qui ont participé au synode sur la famille, si l'on en croit le témoignage de Lucetta Scaraffia. La responsable du supplément «femmes» de l'Osservatore romano, «féministe historique», était conviée à y participer et en a bavé des ronds de chapeau au milieu de tous ces gros machos, qui lui barraient le passage dans les escaliers et l'empêchaient d'en placer une pendant les débats. Si la famille c'est un papa et une maman, ce serait cool d'entendre aussi la maman, non ?

Violences (bis). Dans le genre «règlement à la con», citons cette histoire, survenue en Arabie saoudite : une femme risque de finir derrière les barreaux pour diffamation. Pourquoi ? Parce qu'elle a diffusé une vidéo sur laquelle son mari est pris en flagrant délit d'agression sexuelle sur son employée de maison. Le mari, lui, s'en sort indemne.

Contraception. Parce que ce n'est pas qu'une affaire de femmes, des chercheurs japonais de l'université d'Osaka sont en train de plancher sur un contraceptif masculin. Ils travaillaient à l'origine sur les traitements donnés aux patients afin d'éviter les rejets de greffe et ont découvert que ces mêmes traitements empêchaient les spermatozoïdes de fonctionner correctement. De quoi ouvrir, doucement, la voie vers une pilule pour homme.

Ciné. Breaking news : il n'y a pas assez de femmes réalisatrices à Hollywood. Il suffit de regarder les nommés aux cérémonies de récompense pour s'en convaincre, et une commission fédérale a décidé de lancer une grande enquête sur le sujet. De Julianne Moore à Jennifer Lawrence, qui a récemment poussé un coup de gueule contre les inégalités de salaire entre acteurs et actrices, de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer l'égalité des sexes devant et derrière la caméra. Ce qui n'est pas gagné, à en croire le témoignage de la comédienne Ashley Judd, qui a raconté avoir subi durant des années les pressions d'un patron de studio pour qu'elle couche avec lui. Une bonne nouvelle, cependant : la productrice du nouveau Star Wars a révélé qu'un nouveau personnage féminin aurait «un rôle extrêmement significatif».

Inégalités. Une enquête publiée à l'occasion de la journée internationale du droit des filles le 11 octobre, montre que plus d'un tiers des jeunes filles d'Equateur, du Nicaragua, du Pakistan et Zimbabwe grandissent avec un sentiment d'inégalité, et que la moitié d'entre elles ne se sentent pas en sécurité dans les toilettes publiques ou sur le chemin de l'école. Ce n'est pas plus réjouissant au Maroc, qui fait toujours partie des pays les plus inégalitaires en matière de droit des femmes, relève un rapport de plusieurs ONG du pays, selon lequel la condition des femmes ne s'est guère améliorée ces dernières années : les relations sexuelles hors mariage et l'IVG sont toujours criminalisées, les procédures de divorce toujours difficiles d'accès et les femmes sont deux fois plus touchées par l'analphabétisme que les hommes.

Alternance. Enfin, la palme de la consternation du mois revient à la ministre «de la condition féminine» du Canada, qui s'est revendiquée «pro-vie» (passons sur le terme…) lors d'un meeting. Elle ne va pas sévir encore très longtemps puisque son camp a été battu par le parti libéral, et le nouveau Premier ministre Justin Trudeau, lui, est ouvertement pour le droit à l'avortement. Tout n'est pas perdu.

Retrouvez l'épisode précédent, qui chronique la vie des femmes en septembre 2015.

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