Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Jeux vidéo : l’infographie du gouvernement qui multiplie les approximations

A l’occasion de la Paris Games Week, le site officiel du gouvernement a partagé des chiffres flatteurs et peu rigoureux sur l’industrie française du jeu vidéo.

Par 

Publié le 02 novembre 2015 à 17h41, modifié le 02 novembre 2015 à 16h47

Temps de Lecture 4 min.

L'infographie publiée par le gouvernement ce 30 octobre.

En pleine Paris Games Week, le gouvernement a voulu rappeler aux joueurs et aux professionnels qu’il soutenait la filière du jeu vidéo. Mise en ligne le 30 octobre à grand renfort de clin d’œil à l’esthétique 16 bits, et notamment à Street Fighter II, l’infographie « Le jeu vidéo : une chance pour la France » a surtout réussi à accumuler affirmations floues, chiffres sortis de leur contexte et statistiques biaisées.

  • « Deuxième industrie culturelle en France »

Ce que dit l’infographie. Avec 3,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le jeu vidéo est la « deuxième industrie culturelle en France, derrière le livre mais devant le cinéma et l’audiovisuel ». On retrouve ici l’une des obsessions des lobbyistes du jeu vidéo, celle de peser plus que le cinéma.

Pourquoi ce n’est pas clair.

Selon l’institut Gfk, qui agrège les chiffres de vente de la grande majorité des boutiques culturelles (hors Amazon et dématérialisé), le livre représente un marché de 3,9 milliards d’euros en France en 2014. Mais le chiffre de 3,8 milliards donné par le gouvernement pour le marché du jeu vidéo est assez largement au-dessus de celui que donne le Syndicat des éditeurs de loisir électronique (Sell), qui est de 2,7 milliards, en s’appuyant sur Gfk et leurs propres estimations internes.

Pourquoi ces écarts ? Parce que les 3,8 milliards de chiffre d’affaires pour le jeu vidéo correspondent, non pas à la consommation en France, comme le laisse entendre l’intitulé, mais à ce que génère à l’international la production française. Si l’industrie française vend plus que ce que la France consomme, c’est tout simplement parce que le jeu vidéo est un produit international, qui se vend surtout à l’export. Rien qu’à elles seules, les quatre sociétés françaises côtées en bourse (Ubisoft, Gameloft, Big Ben et Focus) ont déclaré 1,9 milliard d’euros de chiffre d’affaire en tout sur leur dernière année fiscale. Cela fait aussi du jeu vidéo la première industrie culturelle, et non la deuxième, en termes de production. En effet, si le livre se vend plus au niveau national, leurs éditeurs sont en revanche moins tournés vers l’exportation, et n’ont généré que 2,7 milliards en 2013 selon le Syndicat national du livre.

  • « Troisième pays le plus attractif »

Ce qui dit l’infographie. Abordant un des serpents de mer de l’industrie du jeu vidéo, l’attractivité, le gouvernement écrit que « la France est le troisième pays le plus attractif en la matière derrière les Etats-Unis et le Canada ». Une place sur le podium inespérée, pour un pays traditionnellement cité loin derrière le Japon, le Royaume-Uni, les pays Scandinaves, et bien sûr les Etats-Unis et le Canada.

Pourquoi c’est faux

Le chiffre est repris de l’édition 2015 du baromètre annuel de l’industrie du jeu vidéo en France. Premier biais méthodologique majeur : les sondés sont tous… des entreprises nationales. La France n’est donc pas perçue comme le troisième pays le plus attractif du point de vue international ; pire, elle n’arrive « que » troisième du point de vue des professionnels français eux-mêmes. L’étude relève d’ailleurs qu’ils sont tout juste la moitié (50 %) à juger la France attractive pour le jeu vidéo. Mince consolation : ils n’étaient que 38,2 % en 2014.

Peu d’études indépendantes existent sur la question des pays de jeu vidéo les plus attractifs. En 2013, le Wall Street Journal s’était essayé à un classement des pays européens les plus attractifs en matière de start-up technologiques en se basant sur le ratio entre capital investisseurs et habitant. La France y était arrivée septième, loin derrière l’Irlande, la Suède et le Royaume-Uni. Premier producteur européen de jeux vidéo avant l’éclatement de la bulle Internet en 2003, la France a vu sa filière passer de 15 000 à 3 000 personnes, et de nombreuses sociétés délocaliser leur production au Canada, en Chine ou en Europe de l’Est.

  • « 800 emplois créés d’ici 2016 »

Ce que dit l’infographie. Le document est formel : le jeu vidéo est « un secteur en pleine expansion », constitué à « 2/3 de CDI », et surtout qui embauche. « 800 nouveaux emplois créés d’ici 2016 », croit savoir le gouvernement, soit 400 embauches par mois entre le 30 octobre et le 31 décembre. Peu de filières peuvent se vanter d’un tel rendement.

Pourquoi c’est exagéré

L’étude sur laquelle se base ce chiffre, c’est toujours le Baromètre annuel sur l’industrie du jeu vidéo. Tout en restant très optimiste dans ses conclusions, le document porte sur une période beaucoup plus large. « Le nombre d’emplois potentiels créés selon les entreprises interrogées est de 371 pour seulement 30 suppressions sur l’année 2015, écrit-elle à partir de données arrêtées au 1er juillet 2015. En étendant ce chiffre à l’ensemble des entreprises françaises du jeu vidéo, le marché devrait recruter plus de 800 nouveaux salariés en 2015 contre environ 1 000 en 2014. »

Le Monde
Offre spéciale étudiants et enseignants
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 9,99 €/mois au lieu de 11,99 €.
S’abonner

A raison de 133 embauches prévues par mois en moyenne, si les industriels interrogés se tiennent à leurs prévisions, ce ne sont donc pas 800 mais 267 emplois en tout qui devraient être créés d’ici 2016. Et ça n’est déjà pas mal, après des années 2012 et 2013 très dures pour le secteur.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.