L’insaisissable Françoise Sagan en trois vidéos

Ecrivaine hors norme, Françoise Sagan était la chouchoute des émissions de télévision. Petite sélection de ces vidéos, aussi érudites que surprenantes.

Par Lucas Armati

Publié le 02 novembre 2015 à 12h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h58

Si Françoise Sagan a soufflé la littérature française, elle a aussi envoûté le petit écran qui, pendant cinquante ans, a tenté de saisir l’écrivaine et sa légendaire « petite musique ». Grâce, notamment, aux archives de l’Institut national de l’audiovisuel, le Net regorge de ces moments aussi poétiques qu’hilarants. Exhumée par l’émission Personne ne bouge, cette première vidéo de 1989 témoigne de la difficulté, voire de l’impossibilité, du journalisme le plus carré (incarné ici par l’exercice corseté de l’interview) à « capturer » l’esprit de la romancière.

A bord d’une AX sports conduite à toute berzingue par Françoise Sagan dans les rues de Paris (appréciez le crissement des pneus à chaque virage), le journaliste de la BBC Clive James essaye d’interroger l’auteur sur sa relation à la vitesse, sans se départir d’un flegme mis à rude épreuve par le compteur qui s’affole et les piétons frôlés aux carrefours. « Elle sait tout des voitures, sauf comment les faire ralentir », plaisante le reporter, pris malgré lui dans l’expérience du gonzo-journalisme.

Car risquer sa vie, sentir monter l’adrénaline de la course, jouir de l’impression de toute-puissance… ne sont-ce pas ces sensations que Sagan essaye de lui transmettre quand elle affirme que la vitesse lui « échauffe le sang » et que « la vie est tellement lente » ? En 1957, un accident de voiture a manqué de lui coûter la vie. « Ils ont pensé que j’étais morte, raconte-t-elle dans un “frenglish” irrésistible. Ils m’ont fermé les yeux, ils ont enlevé ma chaîne et m’ont donné les derniers sacrements. Comme ça, je peux mourir quand je veux, j’irai directement au paradis ! »

 

Retour au début de sa carrière. Nous sommes en 1960, soit six ans après la sortie de la « bombe » Bonjour tristesse. Françoise Sagan est déjà riche et célèbre pour ses nuits passées au casino ou dans les boîtes de nuit. Pourtant, c’est une tout autre image qu’elle présente ici – celle d’une jeune fille posée dont on pressent déjà l’effronterie. Sous la caméra du réalisateur Pierre Viallet, elle toque à la porte de l’appartement parisien où, en 1838, Stendhal a écrit « en seulement cinquante-deux jours » La Chartreuse de Parme. Et la voilà qui s’incruste, déambulant dans l’appartement qu’elle voyait « plus petit, plus mansardé », à mille lieues des collines et des lacs italiens dépeints par Stendhal dans son roman.

Ode à l’imagination de l’écrivain et analyse sans appel de ses personnages, tous « un peu niais », depuis le « puritain » et « gênant » Julien Sorel jusqu’au « cow-boy » Fabrice Del Dongo ! En réalité, seuls les personnages féminins de Stendhal trouvent grâce aux yeux de Françoise Sagan, car ce sont « les premières femmes de la littérature française qui ne soient pas horriblement ennuyeuses ou terriblement conventionnelles ». « Personnellement, ajoute la turbulente romancière, je n’ai jamais pardonné à la princesse de Clèves, dans le roman de Madame de La Fayette, de ne pas avoir cédé à monsieur de Nemours. »

 

Il y a quelques semaines, les lecteurs du Monde ont pu se plonger dans le captivant processus de création de la romancière Maylis de Kerangal. Dans ce reportage de 1985, réalisé à l’occasion des 50 ans de l’écrivaine, les journalistes d’Antenne 2 évoquent avec tendresse celui de Françoise Sagan. On y retrouve la nuit, évidemment (moment privilégié de l’écriture car « tous les chats sont gris, tous les murs sont blancs… enfin, tout le monde dort, quoi »), la vitesse (les cahiers qu’elle noircit sont « pratiquement illisibles », même pour elle, et elle doit s’enregistrer et ralentir le rythme de la cassette avant de la livrer à une secrétaire), et, bien sûr, cette indolence dont on ne sait jamais si elle est le signe d’une légèreté ou d’une mélancolie (sur sa préférence à écrire allongée, elle dit : « même mon corps est paresseux »).

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