La Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, brûle encore plus de charbon que ce qu’elle ne disait : au moins 17 % de plus par an, selon de nouvelles données gouvernementales publiées récemment. D’après le New York Times, cette révision à la hausse des chiffres officiels signifie que la Chine a produit près d’un milliard de tonnes de plus de dioxyde de carbone par an par rapport aux calculs initiaux, soit plus que ce que l’économie allemande émet chaque année à partir de combustibles fossiles.
Les nouvelles données, qui sont apparues récemment dans un annuaire des statistiques de l’énergie publié sans fanfare par l’agence statistique de la Chine, montrent que la consommation de houille a été sous-estimée depuis 2000 et que le décalage s’est accentué au cours des dernières années.
Les révisions ont été fondées sur un recensement de l’économie en 2013 qui a révélé les lacunes dans la collecte des données, en particulier des petites entreprises et des usines. Illustrant l’ampleur de la révision, les nouveaux chiffres ajoutent environ 600 millions de tonnes à la consommation de charbon de la Chine en 2012, un montant équivalent à plus de 70 % de la quantité totale de ce combustible utilisée chaque année par les Etats-Unis.
« Les dirigeants nationaux vont prendre cela plus au sérieux »
Cette annonce pose un défi au gouvernement chinois pour limiter le réchauffement climatique. Elle va surtout compliquer les négociations sur le climat qui auront lieu à Paris, ce mois-ci.
Le gouvernement chinois a promis de stopper la croissance de ses émissions de dioxyde de carbone d’ici 2030. Le respect de ce délai et la réduction de la dépendance de la Chine au charbon seront « plus compliqués que prévu », a annoncé Yang Fuqiang, un ancien fonctionnaire de l’énergie en Chine qui conseille désormais le Natural Resources Defense Council. « Cela aura un impact important, parce que la Chine a brûlé beaucoup plus de charbon que nous croyions », a déclaré M. Yang.
« Il se trouve que ce fut un émetteur encore plus grand que nous ne l’imaginions. Cela contribue à expliquer pourquoi la qualité de l’air de la Chine est si pauvre. Les dirigeants nationaux vont prendre cela plus au sérieux ».
Le Bureau national des statistiques a jusqu’à présent refusé de commenter ces données embarrassantes au moment où Pékin s’est dit près à « parvenir à un accord ambitieux et juridiquement contraignant » à la conférence mondiale sur le climat (COP21) réunie au Bourget (Seine-Saint -Denis) du 30 novembre au 11 décembre. Selon les experts, le comptage officiel des tonnes de charbon n’est pas en cohérence avec les statistiques des fédérations industrielles chinoises (mines, sidérurgie...).
Dans les années 1990 déjà, dans le seul secteur du charbon, de nombreux exploitants de petites mines peu productives et dangereuses, théoriquement fermées sur ordre du gouvernement, continuaient à les exploiter en toute illégalité, faussant ainsi les statistiques officielles de production. D’une manière générale, les données économiques fournies par Pékin sont régulièrement critiquées pour leur manque de fiabilité.
Les erreurs de comptage qui viennent d’être décelées portent, certes, davantage sur l’usage industriel et domestique de la houille que sur son utilisation dans la production d’électricité. Mais en Chine, 80% du courant sort encore des centrales thermiques au charbon. « Ce pays représente à lui seul un tiers de la production électrique mondiale ayant recours à ce combustible », note Jean-Marc Jancovici, spécialiste de l’énergie et du climat, auteur de Dormez tranquilles jusqu’en 2100 (Odile Jacob, novembre 2015, 19,90 euros).
Contrairement à une idée reçue, constate M. Jancovici, la houille est l’énergie qui a connu l’essor le plus important au cours des dernières années, en raison de forts investissements dans les mines et les centrales. Sa consommation a presque doublé en quinze ans, passant de 4,7 milliards de tonnes en 2000 à 8,2 milliards de tonnes en 2014. Et la Chine en est un des principaux responsables.
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