C'est par cinq mots modifiant la loi que les discriminations territoriales ont été enfin reconnues. Le lieu de résidence est devenu le vingtième critère de discrimination de la législation française après son adoption, le 14 janvier, par le Sénat (l'Assemblée nationale l'a votée à l'unanimité le 27 novembre 2013) dans le cadre de la loi pour la ville. Dorénavant, en plus du nom, du sexe, de l'origine, de l'âge, du handicap… la loi poursuivra les auteurs de stigmatisation en raison du « lieu de résidence ». On pourra invoquer ce motif pour poursuivre un employeur, un propriétaire, une banque, de la part de qui on s'estimera victime de discrimination à cause de son adresse.
La démonstration ne sera pourtant pas aisée. Prouver la réalité de cette stigmatisation est jugé compliqué, tant sa perception se confond souvent avec la discrimination sociale ou ethnique : «Est-ce parce qu'on habite aux 4000 [à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis] qu'il y a discrimination à l'embauche ou parce qu'il y a aux 4000 beaucoup de Noirs et d'Arabes ? », relève Patrick Simon, sociodémographe à l'Institut national des études démographiques.
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) avait rendu, en avril 2011, un avis prudent, reconnaissant un «effet spécifique de l'adresse» agissant distinctement de l'origine ethnique en matière de stigmatisation. Mais, estimant que le critère de résidence était flou et mouvant, elle recommandait de l'inscrire dans le code du travail et renvoyait le reste au législateur.
UN EFFET « 93 » FLAGRANT
La discrimination à l'adresse est pourtant une réalité pour les habitants de banlieue. Selon une étude de l'IFOP réalisée en octobre 2013 auprès de 1004 personnes l'Organisation internationale du travail, 77 % des diplômés des zones urbaines sensibles considèrent qu'habiter dans un quartier populaire est un inconvénient dans leur recherche d'emploi. L'idée de l'intégrer dans la loi cheminait depuis une recommandation du Conseil économique, social et environnemental en 2008. Elus et associations de quartier tentaient de faire reconnaître ces inégalités dont sont victimes les habitants des quartiers pauvres et stigmatisés.
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