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Incapacités

Epargne des personnes handicapées : le gouvernement recule

La secrétaire d'Etat a annoncé mardi soir, lors de l'examen du projet de loi de finances, que l'épargne des personnes handicapées ne serait finalement pas prise en compte dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
par Marie Piquemal
publié le 4 novembre 2015 à 7h14

Elle a commencé par cette annonce, prenant de court les députés qui s'apprêtaient à lui rentrer dedans. «Concernant l'allocation aux adultes handicapés (AAH) […], le gouvernement a souhaité prendre en compte les inquiétudes des associations et des familles de personnes handicapées, et de ne pas appliquer cette mesure en l'état», a déclaré avec le sourire la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Ségolène Neuville. C'était mardi soir à l'Assemblée à 21h30 tapantes, lors de la reprise des débats sur le projet de loi de finances.

Le sujet avait fait l’objet d’une question au gouvernement l’après-midi même, dans l’hémicycle. Et les députés présents mardi soir, de la majorité comme de l’opposition, étaient sur les starting-blocks.

Comme l'avait expliqué Libération, le projet de loi de finances prévoyait en effet de modifier le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), versée chaque mois à environ un million de personnes en France pour un coût total de 8,5 milliards. Le gouvernement souhaitait que soient pris en compte dans le calcul de l'AAH les comptes épargnes (livret A, plan épargne logement…) En d'autres termes, le montant de l'AAH, dont le montant maximal est de 808 euros mensuel (soit en dessous du seuil de pauvreté), aurait baissé pour les personnes ayant de l'argent de côté. Les sommes amputées n'auraient certes pas été énormes - un livret A, avec un taux de 0,75% par an, rapporte au maximum 170 euros.

Mais, cette mesure aurait entraîné des conséquences importantes pour les plus lourdement handicapés: les 210 000 personnes, en incapacité totale de travailler et n’ayant que l’AAH comme unique ressource, touchent en effet un complément financier chaque mois pour les aider à se loger. Avec cette modification du mode de calcul, il suffisait que ces personnes perçoivent un malheureux petit euro d’intérêt (dès 133 euros sur un livret A) pour perdre leur complément de ressource mensuel. Soit au total, jusqu’à 2152 euros de moins sur un an !

Effets de seuil

Interpellée la semaine dernière en commission élargie, la secrétaire d'Etat avait tenté de rassurer «Il faudra lisser les effets de seuil», avait-elle dit, personne ne comprenant bien comment elle comptait s'y prendre…  Jusqu'à l'annonce ce mardi soir du rétropédalage. «Cette mesure a légitimement provoqué l'inquiétude des associations, des familles, des personnes handicapées elles-mêmes du fait des effets collatéraux sur les compléments de ressource, a expliqué Ségolène Neuville. Le gouvernement a entendu les inquiétudes, et une mission a été confiée au député Christophe Sirugue par le Premier ministre pour faire des propositions sur l'harmonisation des minima sociaux.» Car c'était l'argument de Bercy pour justifier cette mesure: aligner le mode de calcul de l'AAH sur les autres minima sociaux (le RSA et le minimum vieillesse).

«L'allocation aux adultes handicapés n'est pas un minimum comme les autres ! On sort rarement de cette situation alors qu'on peut sortir des autres minima sociaux, a insisté Jean-Louis Costes, le porte-parole du groupe LR, mardi soir dans l'hémicycle. Je souhaiterais une sanctuarisation de ce dispositif qui a été une tradition dans notre pays.» Avisant la secrétaire d'Etat: «nous resterons vigilants parce qu'au-delà de l'effet d'annonce, nous n'avons aucune précision sur vos intentions.»

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