Comment le français Criteo conquiert le monde

Grâce à une stratégie tournée vers le mobile, le déploiement sur tous les écrans et l’expansion à l’international, le numéro un mondial du ciblage publicitaire tient le cap dans un marché de la pub difficile. Malgré une baisse du bénéfice net, son chiffre d’affaires a grimpé de 46% sur un an au troisième trimestre.
Sylvain Rolland
Le discret Jean-Baptiste Rudelle, le président-fondateur de Critéo, mise sur la mobilité et l'international.

Les trimestres se suivent et se ressemblent pour Criteo. L'ancien petit poucet de la pub, fondé en 2005 dans un incubateur parisien mais rapidement devenu le leader mondial du ciblage publicitaire, poursuit son incroyable ascension. Les résultats du troisième trimestre 2015 ne font pas exception. Le chiffre d'affaires progresse au-delà des attentes pour le 8è trimestre consécutif, à 299 millions d'euros, soit une augmentation de 46% sur un an à taux de change constant. En excluant les versements aux partenaires, le chiffre d'affaires ressort en hausse de 47% à 120 millions d'euros.

"Pour la première fois de notre histoire, le chiffre d'affaires a dépassé la barre du milliard d'euros sur un an, pour atteindre 1,1 milliard d'euros", se réjouit Benoît Fouilland, le directeur financier du groupe.

Seule ombre au tableau : le bénéfice net s'établit seulement à 5 millions d'euros, soit une chute de 55% par rapport à la même période l'an dernier. Une déception qui s'explique par "un résultat financier négatif en raison d'une chute de 30% de la valeur du réal brésilien par rapport à l'euro et d'un taux d'imposition effectif exceptionnellement élevé au troisième trimestre", explique Benoît Fouilland.

De quoi refroidir quelque peu les investisseurs de la société, cotée au Nasdaq depuis octobre 2013. Le bénéfice net étant un critère essentiel pour les actionnaires, le titre a perdu 14% suite à l'annonce des résultats, une réaction jugée quelque peu excessive par les analystes. Mais pas de quoi inquiéter Criteo, qui maintient ses objectifs sur l'ensemble de l'année d'un chiffre d'affaires autour du milliard d'euros.

Suivre le parcours des internautes sur tous les écrans

Criteo s'impose comme une entreprise solide dans un marché publicitaire mondial chamboulé en raison de la révolution mobile. Son secret tient en un seul mot: sa technologie. Ses algorithmes de prédiction et de recommandation, développés par ses ingénieurs parisiens dans le plus grand secret, permettent de générer en temps réel (en moins de 150 millisecondes précisément) des bannières publicitaires de "reciblage" personnalisé, en fonction des traces laissées par l'internaute sur la Toile. Leur amélioration constante vers davantage de précision et de pertinence est vitale pour Criteo, dont le modèle économique repose sur la performance. Autrement dit, l'entreprise ne reçoit de l'argent que lorsque l'internaute clique sur la bannière qui le redirige sur les sites marchands clients.

Si la pépite française réussit à croître dans un contexte compliqué, c'est qu'elle sait s'adapter aux nouveaux enjeux mobiles. Selon le Syndicat des régies internet, spécialiste de la publicité digitale, plus de la moitié des achats réalisés en ligne n'impliquent plus seulement un PC mais aussi un smartphone et/ou une tablette. Concrètement, il est donc de plus en plus fréquent de repérer un produit sur un PC, de regarder une offre concurrente sur son smartphone quelques heures plus tard, puis de finaliser l'achat sur sa tablette, le soir, par exemple. Un vrai défi pour les vendeurs d'espaces publicitaires.

Depuis quelques années, Criteo cherche donc à suivre le parcours des internautes sur tous les écrans, afin de leur proposer la publicité la plus pertinente possible. Sa solution multi-écrans, utilisée par 90% de ses 9300 clients dans le monde, connaît un succès croissant. Grâce au recoupement des données et notamment des identifiants, elle permet de prendre en compte cette navigation « multi-canal », sur laquelle repose la croissance du secteur.

"L'investissement dans l'amélioration et l'adaptation de notre technologie aux nouveaux enjeux est le pilier de notre croissance" affirme Benoît Fouilland. C'est aussi la raison qui explique l'afflux de nouveaux clients. De 7.800 en mars dernier, Criteo en revendique désormais 9.300, dont 725 nouveaux clients pour le seul 3è trimestre.

Un œil sur le mobile, l'autre vers l'Asie

Pour les mois à venir et l'année 2016, Criteo ne compte pas changer une stratégie qui gagne. "Nous poursuivrons les investissements technologiques pour améliorer nos algorithmes, développer des solutions mobiles et multi-écrans, tout en renforçant notre présence à l'international", indique Benoît Fouilland. La société, qui dispose de 27 bureaux répartis dans 17 pays, réalise 43% de son activité dans la zone Europe-Moyen-Orient, 36% dans la zone Amériques et le reste en Asie/Pacifique. Elle a récemment ouvert des filiales en Chine, en Turquie, au Canada et à Dubaï.

Mais Criteo lorgne surtout vers l'Asie. L'Inde, nouveau paradis des startups, et "le sud-est asiatique en général" pourraient lui offrir ses meilleures perspectives de croissance dans les années à venir en raison du gigantesque marché à conquérir.

Fidèle à sa stratégie de diversification, la pépite parisienne s'attaque aussi au marché du "search marketing", c'est-à-dire les liens publicitaires présents sur les moteurs de recherche. Pas une mince affaire, en raison de la domination de Google sur ce segment. Mais Criteo se donne les moyens de ses ambitions. L'entreprise a récemment racheté la startup californienne DataPop, 40 salariés, pour un montant tenu secret. Sa technologie permet de relier les produits présents dans les catalogues des distributeurs aux intentions d'achat des internautes. Fait rarissime, Jean-Baptiste Rudelle, le président-fondateur de Criteo, vient aussi de débaucher, début septembre, l'ancien responsable de la stratégie "Search and display" de Google, Cédric Vandervynckt.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2015 à 17:41
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En terme de publicité en ligne, Criteo est certe une alternative mais reste bien trop faible en terme de rentabilité vis à vis de Google Adsense. Pour un publisher, le CPM est presque 50% moins bon que Google qui lui, prend en compte 100% du panel q...

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