Municipales : à Villeneuve-sur-Lot, le fantôme de Cahuzac

Dans le fief de l’ex-ministre du Budget, son ombre plane encore, même si son retour est exclu. Principale menace pour le maire sortant PS, le FN qui ne cesse de progresser…

Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), samedi. Etienne Bousquet-Cassagne, le poulain de Marine Le Pen, a obtenu près de 48,5 % des voix dans la commune lors de la législative partielle de juin. Aux municipales, il est convaincu de « passer les 30% dès le 1er tour ».
Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), samedi. Etienne Bousquet-Cassagne, le poulain de Marine Le Pen, a obtenu près de 48,5 % des voix dans la commune lors de la législative partielle de juin. Aux municipales, il est convaincu de « passer les 30% dès le 1er tour ». (LP/Matthieu de Martignac.)

    Encapuchonnée dans un survêt bleu, Georgette, 72 ans, dont l’étal de légumes se dresse place Lafayette, proteste : « N’allez pas abîmer mon Jérôme, hein! » A Villeneuve-sur-Lot, sur ce marché du samedi matin que l’ancien député-maire et ministre socialiste du Budget,

    , aimait à parcourir, plane encore l’ombre du déchu. La page Cahuzac, appelé ici Cahu ou Jérôme, « elle cicatrise, elle est tournée », assure-t-on. « Il a vendu sa maison et déménagé. Il a fait une apparition avant Noël mais ne vient plus. Il n’existe plus ici », entend-on.

    « De l’histoire ancienne », mais « une ville orpheline d’un bon maire », confessent nombre d’habitants et de marchands, nostalgiques des accolades du charismatique élu. Le patron du Café des Mines est l’un des rares à se réjouir : « J’étais pas fan. Il faisait bouger les choses selon si on était ou pas dans son moule. Maintenant, il va y avoir du match! »

    Dans cette ville de 23 000 habitants tenue par la gauche depuis 2001, le poids de l’affaire Cahuzac un an après, de l’abstention et du vote FN sont les questions clés du scrutin de mars. Fort de sa courte défaite le 23 juin dernier face à l’UMP Jean-Louis Costes, dans l’ex-circonscription Cahuzac, le poulain de Marine Le Pen, Etienne Bousquet-Cassagne, 24 ans, conduit le FN à Villeneuve, où ce parti, qui mène une dizaine de listes dans le département, n’en avait pas eu depuis 1989. « Sur la ville, en juin, on a atteint 48,5% », explique le candidat du Rassemblement Bleu Marine, convaincu de « passer les 30% dès le 1er tour ».

    L’ancienne tête d’affiche frontiste a été évincée, la permanence ouverte, les colistiers trouvés… Celui dont le look « gendre idéal » fait grincer les dents de ses opposants arpente déjà le marché avec ses militants, tracts en main. « Ah ça, j’adore! Et l’accueil est favorable. Ma mère était commerçante ici. Les gens, je les connais. »

    Ce fils d’agriculteur devenu commercial glisse en avoir entendu « beaucoup » lui dire que, « dans le style », il ressemblait à… Cahuzac! « Les Villeneuvois sont déçus, mais ils auraient revoté pour lui s’il s’était présenté », avance-t-il avant de tacler comme « illégitime » son successeur à l’hôtel de ville et ex-premier adjoint, le PS Patrick Cassany.

    Ce dernier, s’il a déjà annoncé sa candidature, n’entend pas sortir du bois avant le 10 février. Homme posé — « un gars normal », disent ses administrés —, il se dit confiant, malgré la tourmente Cahuzac. « On va gagner car le bilan est perçu comme positif », affirme Patrick Cassany, qui espère « au moins 35% » avant « une probable triangulaire ». « L’affaire Cahuzac a été un choc, mais la mairie a tenu. Ni l’opposition ni le FN ne l’ont utilisée. Et les Villeneuvois ont fait bloc », explique-t-il. Une montée du FN, « sur un socle déjà élevé ici

    (NDLR : 20% à la présidentielle)

    , serait davantage liée à la crise ».

    Sur le marché, où l’on plie les étals, les plus nostalgiques de Cahu murmurent « qu’il pourrait bien revenir un jour ». Une hypothèse que Viviane, une sémillante sexagénaire, chasse d’une phrase : « De bons maires à Villeneuve, il y en a eu avant lui, il y en aura après! »